Arrivé à Bordeaux en 2002 après avoir officié en Gironde depuis 1993, le Père Francis Ayliès est curé de la paroisse Bordeaux-Maritime, qui regroupe l’église Saint-Martial et l’église Saint-Rémi-de-la-Vigne.
Formé à la trompette au conservatoire de Bayonne, il devient prêtre en Italie où il conjugue culture et spiritualité. À quelques jours de Noël, Rue89 Bordeaux a échangé avec cet homme d’église reconnu pour son ouverture d’esprit. Il revient sur le sens de cette fête, la place du christianisme dans la société contemporaine et les défis que traverse l’Église.
Rue89 Bordeaux : Quel est le sens spirituel de Noël pour vous ?
Père Francis Ayliès : Noël reste une fête où certains se reconnaissent encore comme chrétiens. Pour les croyants, le symbole est toujours fort. Ils assistent à la messe pour transmettre aux enfants l’émerveillement magique de l’histoire : bergers, anges, lumière dans la nuit. Mais au-delà, Noël continue à parler aux pauvres, aux exclus. Il doit rester cette lumière là où il y a besoin d’espérance.
« La naissance du Christ met en lumière les contradictions du monde »
Comment Noël peut-il garder sa dimension de joie face aux inégalités et aux violences du monde ?
Il faut se rappeler du récit de Noël dans les Évangiles : ils parlent d’une famille exclue, modeste et qui n’a pas été accueillie. Ce message s’adresse aux pauvres et aux marginalisés. Parallèlement, la naissance du Christ met en lumière les contradictions et les contrastes du monde, comme la rencontre improbable entre rois mages et bergers.
Noël est tout de même devenu une fête très commerciale…
Noël est une fête religieuse qui déborde, qui dépasse la foi chrétienne. C’est une fête qui réunit chrétiens et non chrétiens, croyants et non croyants… elle est célébrée partout et par tous. L’important pour les croyants est que la dimension évangélique ne soit pas oubliée.
C’est une fête qui évolue, comme le sapin bordelais !! Il est aujourd’hui remplacé par une œuvre d’art : ce qui compte, c’est qu’il y ait un signe qui célèbre Noël pour tout le monde.
En quelques mots, que représente Noël de nos jours ?
C’est la foi dans ce qu’elle a d’inimaginable : Dieu prend chair et se fait homme. C’est ce mystère que nous essayons de transmettre, au-delà des cadeaux, des décorations et des illuminations. C’est la foi que chaque chrétien cultive.
« Dans ma paroisse, le catholicisme identitaire n’existe pas »
Se reconnaître chrétien aujourd’hui, est-ce un acte identitaire ?
Non, pas dans ma paroisse. Nous avons de nombreux catéchumènes adultes [une personne qui n’est pas encore baptisée mais qui s’instruit pour le devenir, NDLR] qui viennent chercher le baptême par questionnement, pas par tradition ou posture identitaire.
Il y a trente ans, un catéchumène disait : « J’ai rencontré Jésus, je veux être disciple du Christ. » Aujourd’hui, beaucoup arrivent en disant : « J’ai envie de croire, expliquez-moi. » L’Église reste un lieu où l’on peut trouver des réponses, même dans une société laïque où la question du divin avait été mise à l’écart par la laïcité.
Que pensez-vous des lectures conservatrices du christianisme, comme à l’extrême-droite ?
J’ai toujours contesté cette instrumentalisation. Mon rêve est que la messe rassemble des personnes socialement et politiquement différentes dans l’unité. Dans ma paroisse, le catholicisme identitaire n’existe pas. J’y célèbre une messe d’assemblée et non pas de communauté. L’Église ne doit pas devenir un lieu exclusif ou politisé.
Comment avez-vous évoqué les scandales qui ont secoué l’Église, des affaires de pédophilie à l’abbé Pierre ?
Il y a bien sûr la sidération, et ces questions qui se posent : comment personne n’a rien dit ? comment l’aura d’une personne empêche de faire face à ses agressions ? Mais mon rôle n’est pas de justifier ou d’expliquer. Je lis peu la presse et je regarde peu la télévision.
L’important pour moi est ma paroisse et l’essentiel est de préserver la communion au sein de l’assemblée, de rester un lieu où chacun peut tâtonner et chercher sa foi, sans imposer de position définitive. Nous avons parlé de ces événements ici et j’ai accompagné les choix et les positions des autres. Finalement, ma mission consiste à accompagner les gens dans leur vie quotidienne, avec leurs questions, leurs doutes, leurs choix. Je le fais aujourd’hui à Bordeaux-Maritime, et je le ferai pareil demain dans une autre paroisse.

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