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Le dernier budget municipal de Pierre Hurmic « dans le vert », l’opposition tire à boulets rouges

Le budget primitif 2026 de la mairie de Bordeaux, dernier de la mandature de Pierre Hurmic, a cristallisé les oppositions, libéré les attaques personnelles et donné lieu à une suspension de séance, symptôme d’un niveau de tension élevé à l’entrée dans la campagne des municipales.

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Le dernier budget municipal de Pierre Hurmic « dans le vert », l’opposition tire à boulets rouges
Conquérir le Palais Rohan en passant par le conseil municipal

C’est un débat des grands jours – plus de deux heures trente minutes ! – qui s’est tenu au conseil municipal de Bordeaux ce mardi 16 décembre. Avec tout ce qu’il faut pour que, à moins de trois mois des élections municipales, les échanges sur le budget primitif 2026 prennent des allures de répétition générale de la campagne.

Ce budget 2026 – de 636 millions d’euros, dont 451 en fonctionnement –, que le maire écologiste qualifie de « cohérent », « solide » et « fidèle aux engagements », est aussi celui qui clôt six années de pouvoir vert à Bordeaux. Et si Pierre Hurmic n’a pas encore officiellement annoncé sa candidature à un second mandat, personne, dans l’hémicycle, ne semble douter de ses intentions. À commencer par ses adversaires directs, Thomas Cazenave (Renouveau Bordeaux) et Nathalie Delattre (Bordeaux ensemble), tous deux déjà entrés en lice, ou Philippe Poutou.

Investissement « exceptionnel »

Dès l’ouverture du débat, Pierre Hurmic loue l’action sous sa mandature.

« Bordeaux est une ville qui investit, une ville qui soutient, une ville qui protège et une ville qui gère avec rigueur. Bordeaux est une ville qui assume ses choix et qui continue d’agir malgré un contexte national extrêmement contraint », affirme-t-il.

Le maire insiste sur un niveau d’investissement qu’il juge « exceptionnel », avec 115 millions d’euros prévus en 2026 (il était de 88 millions d’euros en 2020), et égrène une longue liste de réalisations : « Le centre d’animation des Aubiers, le centre d’animation L’Escargot au Grand Parc, l’Esplanade Mériadeck, les allées Tourny, la rénovation du parc Lescure, la végétalisation de 10 cours d’écoles et de crèches, l’air de jeu du parc Bordelais, le lancement du chantier de réhabilitation de la Rock School Barbey, la création d’un gymnase à Brazza, la place Stalingrad, les allées Serre, la livraison de la piscine Jean-Zay. »

« Investir, ce n’est pas seulement construire des choses, c’est aussi faire vivre ce qui se passe à l’intérieur des quartiers », résume-t-il.

Le discours se veut à la fois bilan et plaidoyer. Pierre Hurmic souligne le soutien aux associations, aux familles et aux publics les plus fragiles. La hausse continue des subventions associatives, l’augmentation du budget du CCAS ou encore les moyens consacrés à la police municipale sont mis en avant comme autant de marqueurs politiques du mandat.

« Dans le vert »

L’édile revendique une gestion « rigoureuse » et souligne un taux d’épargne nette « au-dessus des seuils de vigilance ».

« Ce n’est pas nous qui le disons, ce sont les magistrats financiers. Ils parlent d’une situation financière saine, avec une capacité de désendettement maîtrisée. Nos comptes sont dans le vert », insiste-t-il, tout en reconnaissant une dette assumée, qu’il qualifie de « vertueuse ».

Claudine Bichet, première adjointe et cheville ouvrière du budget, détaille un budget « responsable » dans un contexte national jugé extrêmement contraint. « Ce sont 7,5 milliards d’euros d’impact budgétaire annoncés pour les collectivités dans le [futur] projet de loi de finances », affirme-t-elle, évoquant « la crise Covid, la crise énergétique, la crise inflationniste et la crise immobilière » :

« C’est quasiment 80 millions d’euros d’impact cumulé [sur le mandat] que nous avons dû encaisser. Du jamais vu de mémoire d’élus communaux. […] Oui, notre dette progresse. Mais c’est une progression assumée, annoncée dès 2022. Elle finance l’investissement. »

« En 2026, notre capacité de désendettement est à 10,5 ans. C’est un ratio prudentiel qualifié de bon », conclut l’élue, et défend un équilibre budgétaire préservé au prix d’un « plan de modération des dépenses ».

L’opposition en ordre de bataille

Face à cette défense du bilan, l’opposition transforme le conseil municipal en arène électorale. « C’est un moment de vérité » pour Nathalie Delattre, qui ouvre le feu : « Ce budget devrait être conclusif. Il est surtout révélateur d’un décalage profond entre vos discours et la réalité. » Pour la candidate de Bordeaux ensemble, les chiffres parlent d’eux-mêmes :

« En 2020 Bordeaux disposait d’une situation saine, reconnue par la Chambre régionale des comptes. Six ans plus tard, malgré une hausse massive des prélèvements que vous avez effectués sur les Bordelaises et les Bordelais, et un recours tout aussi massif à l’endettement, qui a presque doublé, la situation s’est dégradée. »

La sénatrice provoque l’écologiste, considérant que le « budget climatique » voté dans le budget primitif de 2021 « n’a jamais été appliqué ». « Ce dernier budget ne prépare pas Bordeaux à l’avenir. Il clôt un mandat fait de renoncements et de promesses bavardes mais inabouties », conclut-elle, annonçant un vote contre.

Thomas Cazenave, ancien ministre des Comptes publics et candidat déclaré, durcit encore le ton. Il attaque Pierre Hurmic sur la dette et l’épargne, jugeant la Ville « exsangue ». « Entre 2020 et 2026, la dette a augmenté de 65 % », affirme-t-il, accusant le maire d’ « absence d’économies » et de « dépenses inutiles ».

Dans trois mois

« Mais je veux rassurer les Bordelaises et les Bordelais, poursuit le député macroniste, c’est un budget éphémère. Dans trois mois, nous le referons parce que nous ne pouvons pas laisser la ville de Bordeaux dans cet état. »

« Si je me suis levée ce matin pour entendre ça, je pense que je peux directement retourner me coucher », ironise Claudine Bichet qui réagit vivement aux attaques de l’opposition sur l’endettement.

« Oui, la dette progresse. Mais elle progresse parce que nous investissons. Et elle progresse dans des proportions que nous avons annoncées, assumées et parfaitement maîtrisées », réplique la première adjointe.

Dénonçant des « mensonges » de l’opposition, elle s’en prend à la politique budgétaire nationale, attribuant le déficit de l’État aux « cadeaux fiscaux » du gouvernement, comme les suppressions de la taxe d’habitation ou de la redevance. Pierre Hurmic renchérit :

« Il y a quelque chose d’insupportable en politique, c’est le cynisme. Vous ne pouvez pas donner des leçons de rigueur après avoir été acteur d’une dette publique historique au niveau national », lance le maire à Thomas Cazenave.

« Cynisme partagé »

Philippe Poutou, pour le groupe Bordeaux en luttes, renvoie majorité et opposition dos à dos, dénonçant un « cynisme partagé » et une obsession de la dette qui masquerait, selon lui, l’essentiel : les besoins sociaux non satisfaits.

Face à ces attaques, les élus de la majorité montent au créneau et défendent un budget « de responsabilité, de résistance et de continuité ». Mathieu Hazouard (PS) insiste sur la baisse des concours financiers de l’État et revendique un investissement public soutenu comme moteur économique et social. Dimitri Boutleux et Baptiste Morin soulignent l’effort consenti en matière de culture, de solidarité et de transition écologique, malgré les contraintes.

Brigitte Bloch insiste sur « la solidité financière » de la ville et sur les choix opérés depuis 2020 : adaptation au changement climatique, rénovation du patrimoine, production de nouveaux équipements. « Ce budget dit beaucoup du chemin parcouru », affirme-t-elle, assumant un héritage que la majorité entend défendre devant les électeurs.

Une suspension de séance comme symbole

Les échanges se tendent jusqu’à une suspension de séance, demandée après une intervention de Véronique Garcia, conseillère municipale de la majorité, qui compare les propos de Thomas Cazenave à ceux tenus au temps de la collaboration.

L’ancien ministre des Comptes publics tente alors de s’exonérer de la responsabilité des erreurs budgétaires du gouvernement dont il faisait partie. S’adressant à Pierre Hurmic, il met en cause les administrations :

« Vous ne pouvez pas me calomnier comme ça, comme vous le faites depuis maintenant plusieurs conseils municipaux sur mon bilan comme ministre des Comptes publics. […] Les administrations centrales ont commis une erreur d’évaluation de plus de 50 milliards d’euros sur les recettes entre 2023 et 2024. »

Si Véronique Garcia a présenté ses excuses, cet épisode témoigne d’un conseil municipal entré de plain-pied dans la campagne, où les postures l’emportent parfois sur le débat de fond. Les candidats déclarés affûtent leurs arguments, le maire sortant défend son bilan avec vigueur, et chaque prise de parole semble désormais pensée pour dépasser les murs de l’hôtel de ville.

Le budget primitif 2026, dernier acte financier voté sous la mandature Hurmic, apparaît ainsi comme un avant-goût des semaines à venir.


#conseil municipal de Bordeaux

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