Média local avec zéro milliardaire dedans

Grand stade de Bordeaux : le PPP attaqué au Conseil d’Etat

Le conseiller municipal socialiste Matthieu Rouveyre a déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre le partenariat public-privé signé pour la construction et la gestion du Grand Stade. Objectif : « mettre la pression sur Alain Juppé » pour renégocier un contrat dont le coût global repose majoritairement sur fonds publics.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Grand stade de Bordeaux : le PPP attaqué au Conseil d’Etat

Visite du chantier du Nouveau Stade de Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)
Visite du chantier du Nouveau Stade de Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)

Sur les 547,14 millions d’euros de coût global du Grand Stade de Bordeaux, en cours de construction près du lac, les pouvoirs publics prendront en charge 277,14 millions – dont 219,14 à la charge de la ville, subventions, redevances et exonérations d’impôts locaux incluses -, soit 50,7% du montant. Dans ce partenariat public-privé, qui concède le nouveau stade pour 30 ans, les principaux bénéficiaires, les Girondins de Bordeaux et la société SBA (Stade Bordeaux Atlantique, le consortium Vinci-Fayat), supporteront donc moins de la moitié des frais…

C’est la conclusion à laquelle est parvenue conseiller régional écologiste Patrick du Fau de Lamothe en épluchant  les chiffres de la banque Dexia, fournis aux élus.

« Je suis interdit par la répartition des coûts d’un équipement dont les finalités, le foot et le spectacle, génèrent assez de revenus sans risquer l’argent des contribuables, estime l’élu, expert comptable de profession. Le montant pour la Ville – 6,7 millions d’euros par an pendant 30 ans pour l’exploitation du stade – peut certes baisser, notamment si la mairie renégocie les taux d’intérêts, ce qu’elle ne peut faire pour l’instant car elle est bloquée par la procédure de Matthieu Rouveyre. Mais il peut augmenter si des travaux initialement non prévus dans le contrat sont réalisés à la demande de la ville, si les impôts locaux augmentent, si les recettes de SBA ne lui permettent pas de tenir son engagement de versement annuel de 4,485 millions, qui n’est pas garanti par les actionnaires, Vinci et Fayat… »

Ne pas froisser un potentiel président de la République

Ces estimations ont conforté l’élu socialiste Matthieu Rouveyre à aller « jusqu’au bout » de la procédure entamée devant le tribunal administratif, c’est à dire en portant l’affaire devant le Conseil d’État. Objectif :  renégocier le contrat « pour que cet équipement, dédié au football professionnel et au spectacle, soit racheté par les sociétés privés qui vont en profiter, l’exploitant du stade, SBA, et son locataire, M6, actionnaire des Girondins de Bordeaux ».

« Après avoir annoncé la résiliation du contrat du parking des Grands Hommes avec Vinci, Alain Juppé est dans de bonnes dispositions, relève son opposant municipal préféré. Si nous n’avions pas posé ce recours, la messe était dite. Il reste une épée de Damoclès. Notre but est de contribuer à mettre une pression juridique pour trouver une sortie politique contre ce contrat qui asphyxie les dépenses publiques. On donne des outils à Alain Juppé, et on surfe sur sa position de candidat à la présidentielle. Les entreprises ne veulent pas se fâcher avec un potentiel président de la République ! »

Stéphane Pusateri, Matthieu Rouveyre et Patrick du Fau de Lamothe, le mardi 7 octobre (SB/Rue89 Bordeaux)
Stéphane Pusateri, Matthieu Rouveyre et Patrick du Fau de Lamothe, le mardi 7 octobre (SB/Rue89 Bordeaux)

Avec 6,7 millions par an, « on peut faire bien d’autres choses que payer du sport spectacle », insiste Matthieu Rouveyre, qui cite les coûts du gymnase de Ginko (6,5 millions) ou de la crèche Albert Thomas (3,16 millions). Il a en outre bon espoir de faire jurisprudence contre les PPP devant le Conseil d’Etat, notamment si ce dernier s’appuie sur les conclusions très critiques envers le PPP du rapporteur public devant le tribunal administratif de Bordeaux, même si les juges n’avaient pas voulu annuler le contrat.

Un PPPthon lancé

Mais la procédure sera longue – au moins 18 mois, si la plus haute juridiction administrative française décide, ce qu’elle fera d’ici juin 2015, si elle jugera ou non l’affaire. Elle sera donc onéreuse. L’élu socialiste, qui porte l’affaire en son nom, a dû s’attacher les services d’un avocat de Paris, habilité à plaider devant le Conseil d’Etat, maître Vincent Gury.

Pour financer ce recours, Stéphane Pusateri, président de l’Association des Riverains et Résidents de Bordeaux, a constitué un nouvelle association, Stop PPP, qui a lancé une levée de fonds. Celle-ci aurait déjà permis de régler une partie des frais de justice grâce à des dons de « personnalités du monde civil », selon Stéphane Pusateri :

« Les PPP sont une bombe à retardement pour les finances publiques. Nous appelons l’ensemble des élus, de gauche comme de droite, des militants et aussi des entreprises à nous soutenir, notamment les PME du bâtiment qui sont pénalisées par ces contrats. »

D’autant qu’on a pas fini de découvrir des coûts cachés du Nouveau Stade, assène Patrick du Fau de Lamothe : si, comme l’a indiqué la mairie à Rue89 Bordeaux, la Ville percevra pendant l’Euro 2016 350000 euros par match pour la location du stade à l’UEFA, organisateur de l’évènement (soit 1,75 million pour les 5 matchs), elle devra indemniser SBA pour l’indisponibilité de l’équipement à cette période, pour un montant encore non connu.

Enfin, la taxe sur les spectacles, un impôt local dont sont exemptés les Girondins, et qui pourrait rapporter entre 1,8 et 3,6 millions d’euros par an, pourrait être remplacé, à la demande de l’Europe, par une TVA. Mais celle-ci serait alors perçue par l’Etat, et non plus par la Ville… Ballot, tout de même.


#Alain Juppé

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options