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Contre le budget, les portes claquent à l’Université de Bordeaux

Etudiants, doctorants et enseignants ont bloqué ce mardi la tenue du conseil d’administration de l’université de Bordeaux, qui devait voter un budget en baisse. Son président, Manuel Tunon de Lara, dénonce des « violences inadmissibles » (deux portes cassées et un agent de sécurité blessé) et un « déni total de démocratie ». Récit d’une folle journée.

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Contre le budget, les portes claquent à l’Université de Bordeaux

Les manifestants ont stoppé la tenue du Conseil d'administration de l'Université de Bordeaux (Xavier Ridon/Rue89Bordeaux)
Les manifestants ont stoppé la tenue du Conseil d’administration de l’Université de Bordeaux (Xavier Ridon/Rue89Bordeaux)

« Violences inadmissibles », « déni total de démocratie », « exactions »… Le président de l’Université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara, n’a pas mâché ses mots pour déplorer deux portes cassées et une blessure au front d’un personnel de sécurité. Contrairement à ce qu’il avait prévu, le conseil d’administration (CA) ne votera pas le budget ce mardi après-midi, suite à l’action coup de poing des étudiants et des salariés de l’Université. Manuel Tunon de Lara laisse échapper sa colère :

« Il n’a pas pu se tenir du fait d’un blocage assez violent d’une quarantaine d’étudiants. C’est toujours des moments assez difficile qu’on doit condamner fermement parce qu’il y a eu des violences, des dégradations, des blessés parmi le personnel de l’université. Ce sont des pratiques qui ne sont pas acceptables. »

Dans la salle Henri Bricaud, il regarde – d’un œil désespéré – le montant de la porte qui vient de céder. Une demi-heure auparavant, les manifestants étaient derrière elle. Bloqués par des agents de sécurité, ils voulaient perturber la bonne tenue du conseil.

Situation explosive

L’appel à manifester venait des syndicats, associations et collectifs d’étudiants, doctorants, enseignants et du personnel Biatss (Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de santé). Ils visaient notamment le budget orienté à la baisse, budget qualifié « d’austérité » par les manifestants ou de « prudence » par le président de l’Université. Manuel Tunon de Lara renchérit :

« Bien évidemment, ces exactions ne sont absolument pas représentatives de la communauté étudiante de l’Université de Bordeaux. C’est un déni total de démocratie, car les administrateurs sont des élus, y compris les étudiants qui représentent leur communauté. »

Le président de l'Université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara a dû stopper la tenue du CA (XR/Rue89Bordeaux)
Le président de l’Université de Bordeaux, Manuel Tunon de Lara a dû stopper la tenue du CA (XR/Rue89Bordeaux)

Mais pour les manifestants, le nombre d’élus étudiants et Biatss ne permet pas de faire entendre leurs voix. En somme, il ne s’agirait pour eux que d’un simulacre de démocratie. Le président continue :

« On se trompe de cible. Si c’est une protestation contre l’austérité d’une manière générale, je ne suis pas sûr que ce type d’actions vis-à-vis des universités, qui essaient de défendre tant bien que mal leur budget et d’avoir une démarche vertueuse, soient constructives et que ça fasse avancer les choses. »

Un demi-million manque à l’appel

Pourtant dans les rangs des manifestants, seule la situation bordelaise semble préoccuper. Une situation déjà décrite comme explosive lors de l’assemblée générale la semaine passée. Dès 11h ce mardi, ils tenaient assemblée générale sur le campus de Bordeaux IV à Pessac. « Merde au budget » est inscrit à la craie sur le tableau de l’amphi. Les militants construisent leur ligne politique, leur volonté stratégique.

« L’annonce de François Hollande du retour des 70 millions d’euros, c’est de l’enfumage », lance Damien, de Sud Etudiant.

Il refait les comptes : entre la baisse de 136 millions d’euros décidée par l’Etat et celles faites notamment par les régions, ce sont près d’un demi-million qui manque dans les caisses.

Un manque qui se traduirait selon les manifestants par des amphis surchargés, des étudiants qui feraient cours assis sur les marches, mais aussi par des réductions de groupes de TD (travaux dirigés).

« Lors des TD, on doit gérer quarante étudiants. L’année dernière, la moyenne était plus proche de 34 par cours », confie une doctorante.

Pilule amère

De plus, la correction de copies n’a pas été payée à certains doctorants vacataires alors qu’elle l’a été notamment pour les maitres de conférences et les professeurs. Le gel de 55 postes, souhaité par le conseil académique consultatif, est également dénoncé par les manifestants.

Dans le même temps, un vote doit donner des primes aux différentes têtes de l’administration. La pilule ne passe pas…

Midi sonne sur le campus de Pessac. Direction l’hôpital Pellegrin et surtout son campus de Carreire. Le conseil d’administration doit se tenir à 14h. Devant les portes du bâtiment, les étudiants s’installent. Ils déposent des pots de fleurs, des grilles et quelques bacs à ordures. Les syndicats Unef, Jeunes Communistes et Sud sortent drapeaux et banderoles, aux côtés des membres de l’OSB IV et de la jeune association des doctorants en sciences sociales et humaines. Personne n’entrera. A l’intérieur, seuls quelques administratifs, élus et surtout agents de sécurité de la compagnie Isopro Aquitaine sont là.

« C’est beau une Université qui paie une entreprise privée pour voter un budget d’austérité », peste un étudiant.

L'Unef, les Jeunes Communistes et Sud ont notamment porté le mouvement. (XR/Rue89Bordeaux)
L’Unef, les Jeunes Communistes et Sud ont notamment porté le mouvement. (XR/Rue89Bordeaux)

Attrape-moi si tu peux

Toutes les entrées sont closes ? Non. Une rumeur court : il existerait un sous-terrain par lequel entrerait les élus au CA. Le jeu du chat et de la souris commence. Une élue bien apprêtée apprend qu’elle ne pourra pas entrer dans le bâtiment. Elle s’en étonne. Après avoir passé un coup de téléphone, elle part à l’exacte opposée du bâtiment. La voici qui traverse allées, couloirs et escaliers.

Ils sont désormais trois élus à suivre un homme qui semble connaitre par cœur les lieux. Ils se dirigent vers le local à poubelles, passent plusieurs sas et… se retrouvent bloqués. Les étudiants les ont pris de vitesse. Une première empoignade avec la sécurité s’ensuit.

« Les membres de la sécurité ont ouvert la porte. Ils ont chargé. On a tenu. Le ton est monté, raconte Antoine, le drapeau de Sud Education à la main. Quelques coups de la sécurité ont failli partir sous le regard effaré de membres du CA. »

Aidés par la sécurité, c’est au rez-de-chaussée qu’ils arrivent à rentrer. Les militants veulent suivre. Mais ils sont désormais bloqués, maintenus à l’extérieur par les agents. « C’est la consigne », lâche l’un d’eux. Les manifestants insistent. Sous la pression, la porte en verre explose sur les têtes des manifestants et agents dont l’un d’eux se retrouve légèrement blessé au front.

L’Internationale dans les couloirs

Mais c’est par le sous-terrain que les étudiants finissent par rentrer. Nouveau chahut devant la Salle Henri Bricaud où le CA se déroule comme si de rien était. L’Internationale résonne dans les couloirs. Les militants frappent dans les mains, battent la mesure sur les portes de la salle. Là aussi, la pression monte et les portes cèdent à nouveau.

Situation tendue entre manifestants et agents de sécurité à l'Université de Bordeaux (XR/Rue89Bordeaux)
Situation tendue entre manifestants et agents de sécurité à l’Université de Bordeaux (XR/Rue89Bordeaux)

Acculé, Manuel Tunon de Lara n’a pas d’autres choix que d’annuler le vote du budget qui allait se dérouler. Les élus sortent, les étudiants de l’Inter’assos sont têtes basses. Soutiens du mouvement à ses prémices, ils se sont tout de même rendus au CA, ce qui leur vaut de se faire traiter de « jaunes » par les manifestants. A la sortie, le président de l’Université de Bordeaux fait la sourde oreille à ses opposants :

« Il n’y avait pas de revendications… D’ailleurs, il a été déclaré qu’ils ne voulaient pas dialoguer avec la direction de l’université. C’est assez clair. L’Université de Bordeaux vient de se construire et nous avons eu 90 réunions de dialogue social pour essayer de construire ensemble les meilleures conditions d’exercices de l’enseignement supérieur. Donc je crois que ce sont des actions qui sont en décalage avec la politique menée par l’université de Bordeaux. »

Et maintenant Bordeaux III ?

A l’évocation du stress dont se disent victimes des personnels de l’université, il répond fermement :

« Ce sont des allégations qui sont fausses mais je sais qu’à Rue89 Bordeaux on aime bien parler du burn-out. Ce n’est pas le sujet qui est aujourd’hui traité. Aujourd’hui, il y a un acte pour empêcher de voter le budget. »

Les étudiants eux font ce lien, notamment un membre de l’Unef :

« Ils parlent d’agression, mais moi je suis agressé quotidiennement car il y a des profs en moins, car il y a des classes surchargées, car on a des filières qui sont supprimées. Et quand on revendique, on est agresseurs ? Non. Il faut qu’ils prennent un peu de recul. »

Si la date du prochain vote du budget n’est pas connue, les manifestants se donnent déjà rendez-vous. Jeudi midi, ils tiendront une nouvelle assemblée générale. Ils décideront ainsi d’une éventuelle action lors du vote ce vendredi du budget de l’Université de Bordeaux III.


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