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A l’école d’Angoulême : « Des dessinateurs comme vous et moi »

Aussitôt la nouvelle connue de l’attentat contre Charlie Hebdo, une chape de plomb est tombée sur l’école des beaux-arts d’Angoulême. Les professeurs ont parmi les victimes d’anciens élèves et de fidèles amis. Les étudiants sont bouleversés que l’on puisse s’attaquer à un métier qu’ils feront peut-être un jour. Récit par une jeune élève bordelaise.

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A l’école d’Angoulême : « Des dessinateurs comme vous et moi »

Rassemblement des professeurs et des élèves à l'école des beaux-arts d'Angoulême (DR)
Rassemblement des professeurs et des élèves de l’école des beaux-arts d’Angoulême (photo Lisa)

Il est 14h, deux heures et demie après l’événement dont on ne cessera de parler. Le professeur de dessin arrive dans l’atelier pour dire aux élèves que le cours de modèle vivant est annulé. Il annonce la nouvelle : « il y a eu un attentat contre le journal Charlie Hebdo, 11 personnes ont été abattues… »

Une phrase marque l’esprit de tous : « … des dessinateurs comme vous et moi. » Il cite les noms des victimes. Une élève lui coupe la parole : « Quoi ?! Cabu est mort ?! »

D’anciens élèves et des amis

Devant l’école des beaux-arts, les élèves et les profs sont réunis. L’un d’eux prononce un bref discours pour informer ceux qui ne savent pas encore. Le dessin et la bande dessinée, c’est un grand réseau. Parmi les victimes, il y a d’anciens élèves, des amis, des collaborateurs. Le professeur qui le dit a les larmes aux yeux.

Des élèves entreprennent une collecte pour envoyer des fleurs à la rédaction de Charlie Hebdo. En fin de journée ils auront récolté 131 euros.
S’ensuit alors une marche silencieuse dans la ville d’Angoulême. Personne n’est obligé, mais tout le monde y va.

Jusqu’aux premières tentes du prochain festival

Dans cette déambulation, on croise des gens en larmes qui nous applaudissent. Ou d’autres qui pensent qu’il s’agit d’une manifestation. Certains nous regardent juste consternés. Nous ne sommes que trois heures après l’événement, peu de gens sont au courant. Les passants viennent s’enquérir auprès des élèves qui sont très volontaires à l’idée d’expliquer et de propager cette sensibilisation.

« J’ai commencé le croquis d’audience après m’être délectée de ceux de Cabu et Tignous, explique Mathilde, étudiante. Et j’ai appris le décès de ces caricaturistes des plus talentueux, ainsi que celui des journalistes et des policiers. Je suis consternée d’apprendre que des gens commencent à abattre la liberté d’expression dans mon pays. Nulle forme de violence ne devrait être tolérée, et apprendre qu’elle a été dirigée vers des personnes qui prônent le rire et le dessin m’a profondément choquée ».

Dans un pays qu’est la France, reconnue comme un pays de liberté et de révolution, l’idée que des gens ont été abattus pour avoir dessiné leurs avis a pour effet d’ébranler la bienveillance patriotique, mais surtout de la faire répliquer.

La marche rejoint la place de l’Hôtel de Ville. Les ouvriers qui installaient les premières tentes du prochain Festival de la Bande Dessinée, arrêtent les préparatifs pour se rassembler. Ils applaudissent l’arrivée des professeurs et élèves de l’école de l’image, rejoints entre temps par plusieurs passants.

« C’est qui Charlie ? »

Dessin de Svetlana Gencheva, étudiante EESI Master 1 BD (DR)
Svetlana Gencheva, étudiante EESI Master 1 BD (DR)

Le rassemblement s’installe devant la Mairie. On discute. Certains redoutent une série de futurs attentats, d’autres la réaction du Front National. Les élèves s’informent par internet sur leurs smartphones ou bien ils « tweetent le drame ».

Des jeunes assis sur les bancs devant le Quick regardent le rassemblement avec incompréhension et demandent « C’est qui Charlie ? ». Plus tard, ils auront tous « Je Suis Charlie » en photo de profil facebook.

18h, ça fait beaucoup de Charlie. Sur les écrans de nos téléphones, les réseaux sociaux sont envahis. Les statuts facebook s’indignent, et toutes les photos de profil et de couverture virent au noir.

Timothée, étudiant, s’agace de ce mouvement :

« On y va de sa petite phrase sur les réseaux sociaux, on change sa photo de profil… Tout ça ne coûte pas bien cher. Combien, parmi ceux qui jouent aux émus, aux choqués le temps d’une journée, font vraiment l’effort au quotidien d’agir pour faire triompher la philosophie et le bon goût, pour faire reculer l’obscurantisme et la bêtise ? Pour dire cela autrement, n’est pas Charlie qui veut !
Tu n’es pas Charlie si tu as changé ta photo de profil parce que tu as vu tes amis Facebook le faire.
Tu n’es pas Charlie si tu donnes la Priorité au Direct, que ton Journal est Petit et que ton Monde n’est pas Diplomatique.
Tu n’es pas Charlie si tu te contentes de voter pour le moins pire une fois tous les cinq ans.
Tu n’es pas Charlie si tu ris aux éclats de l’insolence des humoristes Crédit Lyonnais sans pensées.
Tu n’es pas Charlie si tu t’offres des navets à coup de carte Illimité.
Tu n’es pas Charlie si tu dors en Philo et bosses le Dimanche.
Tu n’es pas Charlie si tu ne lis pas Charlie. »

Finalement, qui est Charlie, où est Charlie… ça n’a aucune importance.

Lisa est étudiante à l’EESI, DNAP 1, à Angoulême


#Charlie Hebdo

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