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A Saint-Jean, les riverains remontés contre la tour

Une tour de 61 mètres prévue rue Saget n’est pas du goût des riverains de l’îlot Saint-Jean. Ceux qui ont investi dans ce quartier réhabilité se sentent floués et l’ont fait savoir lors d’une réunion publique pour la présentation du projet.

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A Saint-Jean, les riverains remontés contre la tour

La vue des résidences voisines avec l'emplacement, en rouge, de la tour (WS/Rue89 Bordeaux)
La vue des résidences voisines avec l’emplacement, en rouge, où est prévue la tour (WS/Rue89 Bordeaux)

Adossé contre la porte d’entrée de la salle au Lycée Gustave-Eiffel, un membre de l’équipe municipale tente d’écourter sa conversation téléphonique : « J’ai une réunion et ça va être chaud. » Et ce fut le cas.

Elisabeth Touton, adjointe au maire en charge de l’urbanisme opérationnel, de l’habitat et des déplacements ; Emilie Kuziew, maire adjoint du quartier Bordeaux Sud ; un représentant du promoteur immobilier Nacarat constructeur de la tour et un représentant de son cabinet d’architecture Jacques Ferrière, ont été acculés par des riverains mécontents lors de cette réunion publique pour la présentation du projet.

« Inutile de la présenter, on n’en veut pas, intervient aussitôt un riverain. Cette réunion doit être pour une concertation avec les habitants du quartier avant de nous imposer une tour. »

Une tour peut en cacher une autre

Le projet de la tour Saint-Jean signé Jacques Ferrier (DR)
Le projet de la tour Saint-Jean signé Jacques Ferrier (DR)

Pourtant, les représentants de la mairie assurent que des réunions de concertation s’étaient tenues auparavant et que le projet d’une tour n’a jamais été un secret. Ils évoquent le projet initial entrepris par La Foncière avec pour architecte Jean Nouvel, abandonné en 2008, et celui repris par Nacarat en 2011 après un nouvel appel d’offres lancé par Domofrance, propriétaire du terrain.

Le hic est que, entretemps, le Plan local d’urbanisme (PLU) a été modifié pour permettre des constructions culminant à 61 mètres. Cette modification, plusieurs fois repoussée, avait obtenu un avis favorable par un comité restreint. Interrogée par Rue89 Bordeaux sur celle-ci, Elisabeth Touton répond :

« Nous sommes déjà dans un tissu dense et assez haut au quartier de la gare. Le nouveau projet de tour dépasse la résidence Saint-Jean existante d’une dizaine de mètre. Par rapport à la nécessité d’offre de logements sur le secteur, l’option d’une tour s’impose. »

Moins de vue et plus de bruit

Du côté des riverains, la création d’une tour de 19 étages, comprenant 90 logements, sur une parcelle de 267 m2 n’est pas le seul motif de leur colère, la destination de ces logements à des étudiants les inquiète pour plusieurs raisons :

« Beaucoup d’entre nous avons acheté ici motivés par la réhabilitation du quartier, assure une propriétaire. Le discours de l’époque était de rendre le quartier plus calme et stable, avec une population sédentaire, des familles et des enfants. Le renouvellement urbain avait promis de la tranquillité. Une tour pour les étudiants va à l’encontre de ces choix, c’est une population plutôt festive et nomade. »

Cette habitante du quartier assure qu’à l’achat de son appartement, le notaire n’a rien signalé de ce projet qui va selon elle nuire à sa vue, son ensoleillement, et son intimité. Une autre habitante raconte avoir en plus contacté les services de la mairie pour savoir si le projet d’une tour était à l’ordre du jour.

« Les services de la mairie ont affirmé que non. Nous avons acheté cet appartement d’où on voit le pont de pierre. Avec cette tour, nous allons perdre ce panorama et le bien aura moins de valeur. »

L’opposition découvre le projet

« Ce projet est abject » fustige Jacques Respaud, conseiller général du canton (PS) venu apporter son soutien aux habitants :

« Après une rénovation réussie du quartier et après avoir démoli des barres, pourquoi construire une nouvelle tour ? »

Emmanuelle Ajon, vice-présidente du département et élue PS sur le secteur, a d’abord manifesté ses regrets pour l’absence de concertation et émis des craintes sur les montants des loyers. Elle déclare à Rue89 Bordeaux qu’elle a découvert ce projet en juillet, tout comme les habitants, après la pose d’un panneau au coin de la parcelle qui indique qu’un permis de construire a été délivré par la Ville à la société Nacarat le 16 juin.

Comment l’opposition pouvait-elle ignorer un projet dont la maquette a même été exposée au public lors de la biennale d’Agora en 2014 ?

« J’en ai entendu parler mais je n’y croyais pas, confie Jacques Respaud. Je ne pensais pas que le projet allait aboutir financièrement. »

De son côté, Elizabeth Touton estime que l’opposition « a voulu rebondir sur le mécontentement des habitants alors qu’elle était parfaitement au courant du projet ».

Mettre la tour en échec

Cependant, dans un post sur sa page facebook datant du 8 septembre, Matthieu Rouveyre, vice-président du conseil général de la Gironde, ne semble pas rejoindre l’avis de ses collègues :

« […] La hauteur du bâtiment ne me choque pas. Le centre historique étant sanctuarisé, il faut bien accepter de partager la ville en permettant au plus grand nombre de se loger (le projet en question porte par ailleurs sur une résidence étudiante). En revanche, lancer ce projet sans avoir, encore une fois, réfléchi aux services publics de proximité (équipements sportifs, crèches, écoles…) à créer est un non sens. »

Depuis, les futurs voisins de la tour se sont organisés pour empêcher sa construction sous la bannière d’une association : le collectif Saint-Jean. Ils ont consulté un avocat et lancé une pétition demandant l’annulation du permis de construire ; une démarche défendue par les élus écologistes de Bordeaux.

Parallèlement, neuf recours contre le PC ont été déposés par les riverains. La mairie assure les avoir transmis aux autorités compétentes de l’État, étant donné que le projet se situe dans le périmètre de l’opération d’intérêt national (OIN) Euratlantique.

Peut-on imaginer que le projet soit abandonné ?

« Ce sera une décision juridique, concède Elisabeth Touton. Le permis de construire est dans les règles, mais si l’analyse juridique confirme des privations et des préjudices à l’encontre des riverains, il pourrait l’être. »

La tour, prends garde.


#Elisabeth Touton

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