Plusieurs centaines de personnes se sont réunies ce lundi midi dans la cour du Palais Rohan, et ont respecté une minute de silence, en hommage aux victimes des attentats commis vendredi en région parisienne.
Avec les conseillers municipaux, rassemblés sur le perron toutes étiquettes confondues, elles ont entonné la Marseillaise, puis ont longuement applaudi, comme si elles ne voulaient pas mettre fin à ce moment de concorde.
« Je sens que vous avez envie de rester ensemble, n’hésitez pas, l’Hôtel de ville est votre maison », leur lance alors Alain Juppé, la voix tremblant un peu sous l’émotion.
Le maire de Bordeaux les avait accueilli en rappelant que « la nation ne doit pas se laisser terroriser par les terroristes », et doit affirmer son « unité ».
Des musulmans « doublement meurtris »
C’est aussi le sens de Bordeaux Partage, l’association interreligieuse dont les représentants locaux des diverses confessions – chrétiennes, juive, musulmane et bouddhiste – se sont réunis le matin en mairie.
« Les religions ont une responsabilité particulière, celle de dénoncer tous les méfaits qui peuvent être accomplis au nom de Dieu », a souligné l’archevêque de Bordeaux, Jean-Pierre Ricard.
« Nous sommes aujourd’hui doublement meurtris, en tant que Français, et en tant que musulmans, parce que la violence a été commise au nom de l’Islam, qui est une religion de paix, a déclaré Mahmoud Doua, imam de la mosquée de Cenon. Notre priorité, c’est de mettre la communauté musulmane à l’abri de l’instrumentalisation. »
Ensemble
La portée de cette rencontre de lundi est d’abord symbolique comme l’a indiqué Alain Juppé :
« C’est tout simplement pour montrer que nous sommes ensemble et déterminés à défendre nos valeurs, qui sont celles de la devise de la République. Daesh oppresse et tyrannise, la France c’est la liberté. Daesh discrimine et asservit les femmes, la France c’est l’égalité, notamment entre les sexes. Daesh c’est la haine et la mort, la France c’est la fraternité et l’esprit de concorde. »
L’ancien Premier ministre a rappelé que le combat serait « long et difficile », contre l’Etat islamique en Syrie, où il appelle à la constitution d’une grande coalition.
Surveiller les fichiers S
Et s’il veut « renforcer la sécurité des Français », Alain Juppé s’est démarqué des positions martiales prises dans son parti, Les Républicains, notamment celles de Nicolas Sarkozy ou Laurent Wauquiez. L’ex président a demandé l’assignation à résidence des fichés S (islamistes radicalisés), soit environ 4000 personnes en France.
Le candidat aux régionales en Rhône-Alpes, suivi par son collègue en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Christian Estrosi, s’est carrément prononcé pour leur rétention dans des centres d’internement. Bref, un Guantanamo à la française…
« Le gouvernement a tous les moyens juridiques, légaux et politiques d’agir en état d’urgence, que le gouvernement les utilise, leur rétorque le candidat à la primaire à droite. Évidemment qu’on ne peut pas laisser circuler librement les individus réputés dangereux. Mais ce qui manque pour le faire, ce sont des moyens humains. »
« Ce sont des malades »
Par ailleurs, outre l’instance informelle qu’est Bordeaux Partage, la ville s’est dotée d’une cellule d’un nouveau genre, qui tente de coordonner les moyens pour prévenir ces dérives. Il s’agit du Centre d’action et de prévention contre la radicalisation islamiste (Capri), financé par la Préfecture, qui vise à aider les familles et les proches de personnes embrigadées dans l’islam radical.
Depuis la création d’un numéro vert, en avril 2014, et la mis en place cette année du centre associant des psychologues, des psychiatres, des éducateurs, et des imams, Mahmoud Doua dit avoir personnellement travaillé sur « 3 ou 4 cas » de jeunes en voie de radicalisation, et prêts à partir en Irak ou en Syrie.
« La misère sociale est le recrutement de ces jeunes perdus, en quête de spiritualité, qui généralement ne fréquentent pas la mosquée, ne se sentent pas français, et sont manipulables… poursuit l’imam. Avant de citer le Coran, ils ont d’abord de la de la haine, et la religion n’est qu’une couverture, une expression de celle-ci. Les cas qu’on a eu, signalés par les familles, la préfecture, où les services sociaux, sont essentiellement psychiatriques. Ce sont des malades. »
Enseigner le fait religieux
Lorsque ces dérives sont repérées, l’enjeu consiste alors pour les imams à apporter des « contre-arguments » :
« Le religieux à un rôle important, car ils expriment leur haine à travers un vocabulaire religieux, il faut déconstruire ces discours. Tant qu’ils ne sont pas partis dans les zones d’endoctrinement, on peut toujours éviter le drame. »
Face à l’ « illettrisme » des jeunes, l’imam plaide pour l’enseignement du fait religieux à l’école.
« Ce n’est pas du catéchisme ! Les professeurs d’histoire peuvent s’en charger, ou organiser des visites dans les mosquées, les synagogues, les églises. »
Enfin, Mahmoud Doua approuve l’intervention de l’Etat contre les « imams autoproclamés » ayant « un discours ou un prêche qui perturbe l’ordre public, qui appelle à la violence ».
En Gironde, il évalue à « deux ou trois » le nombre d’imams qui poseraient problème, et la Fédération musulmane de Gironde est elle-même intervenue contre l’un d’eux, à Bègles.
« On les connaît, dit-il. Ces personnes ne sont pas forcément des radicaux mais les discours qu’ils tiennent sont littéralistes. On manque de salles de prières, mais le problème est moins de construire des mosquées que de former des imams. »
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