Au Fémina, aucune affiche n’annonce le passage d’Eric Zemmour ce jeudi. Et pour cause : le théâtre bordelais n’est pas à l’origine de la venue de l’essayiste d’extrême droite. Il se contente de louer la salle (2800 euros) à la librairie en ligne Livres en famille, basée à Préchac, coorganisateur de la soirée avec le mouvement royaliste Amitiés Française.
Les opposants à la venue d’Eric Zemmour, déjà condamné pour provocation à la haine envers les musulmans, ont toutefois interpellé la direction du théâtre, dans un communiqué signé par Résistance Anti Front 33 :
« Nous ne comprenons pas l’acceptation par le Fémina, salle de spectacle réputée pour la qualité de sa programmation, de recevoir dans un lieu aussi prestigieux, M. Zemmour, multi récidiviste de la condamnation pour incitation à la haine, semeur de divisions et depuis quelques jours faisant l’objet d’une enquête pour apologie du terrorisme. »
L’association estime que « la liberté d’expression atteint ses limites dès lors que les valeurs de la République sont attaquées » et souhaite que « pour l’honneur de Bordeaux, le Fémina prenne une position claire et procède à l’annulation pure et simple de la venue de M. Zemmour ».
Machine arrière
Interrogé par Rue89 Bordeaux, Michel Goudard, le directeur du théâtre, rappelle qu’il se trouve « dans la même situation que toutes les autres salles qui ont reçu Zemmour ou Dieudonné » :
« Rien ne m’autorise à interdire de louer la salle. Mes opinions ne sont pas celles de Zemmour, mais je n’ai pas le droit d’intervenir sans me mettre hors-la-loi. Selon la jurisprudence, les salles ou les mairies qui ont voulu interdire des spectacles ont dû faire machine arrière. J’entends bien les gens qui veulent manifester contre sa venue, mais nous sommes dans un État de droit, où la démocratie existe. »
Et si chacun a encore le droit d’exprimer ses idées, Michel Goudard indique cependant avoir conseillé aux organisateurs de « reporter la conférence à une date ultérieure » :
« Cela aurait été plus habile étant donné le contexte. Mais en vain, ils ne se rendent pas compte de là où ils mettent les pieds. »
Alors que le Fémina affichait sur sa façade après le 13 novembre « le Bataclan, c’est ici », son directeur exprime donc son malaise de recevoir un homme ayant récemment déclaré au magazine Causeur trouver « respectables » les djihadistes « prêts à mourir pour ce en quoi ils croient ».
Loin de faire le plein
Cette dernière sortie a provoqué la « consternation » de la direction et de la rédaction de RTL, elle n’a pas pour autant entraîné le licenciement du chroniqueur. Car Zemmour fait vendre, il a toujours son rond de serviette dans de nombreux médias, et ses livres sont publiés chez de grands éditeurs (le dernier, « Un quinquennat pour rien », chez Albin Michel).
C’est l’argument massue utilisé chez Livres en famille, organisateur de la conférence d’Eric Zemmour. Après avoir réuni plus de 500 personnes à l’Athénée Municipal, où plus de 200 personnes (dont la journaliste de Rue89 Bordeaux) n’avaient pas pu rentrer, la librairie et Amitiés Françaises espéraient faire un carton plein au Fémina, qui peut accueillir plus de 1000 personnes.
Mais cette fois-ci, l’entrée est payante (8 euros) et d’après le théâtre, seulement 200 tickets ont pour l’heure été vendus. Et le public devra passer devant le sit-in à 18h30 des anti-Zemmour, Résistance Anti Front 33, qui ont obtenu de la préfecture le droit de manifester et le rassemblement dès 19h à l’appel du collectif Pavé Brûlant.
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