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30/04/2024 date de fin
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Poubelles : invasion de « monstres » à Bordeaux

C’est la crise, mais on n’en finit pas de jeter. Et comme c’est la crise, on récupère aussi. On récupère pour redonner vie à un objet, chez soi ou à la revente. On récupère aussi pour monnayer. Dans les ruelles de Bordeaux, on tombe souvent nez à nez avec les « monstres », autre nom donné aux objets encombrants.

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Poubelles : invasion de « monstres » à Bordeaux

Un dépôt sauvage d'encombrants dans une rue de Bordeaux (photo Rue89 Bordeaux)
Un dépôt sauvage d’encombrants dans une rue de Bordeaux (photo Rue89 Bordeaux)

En 2013, la ville de Bordeaux a collecté près de 110 000 monstres contre 100 000 en 2012, ce qui représente 2022 tonnes. Ces chiffres pourraient être encore plus élevés, si les particuliers et les revendeurs semi-professionnels n’étaient pas de plus en plus nombreux à arpenter les rues avant même le passage des camions municipaux, à la recherche de trésors.

Quels sont les encombrants autorisés au ramassage ?

Tout n’est pas à jeter. Voici un petit rappel des encombrants acceptés par les services d’enlèvement, dans la limite d’un mètre cube.

  1. Les objets les plus volumineux issus des habitations : la literie, le mobilier, l’électroménager, l’audiovisuel, les équipements sanitaires et les équipements de puériculture.
  2. Les déchets de bricolage : les portes, les fenêtres et les revêtements de sol…
  3. Les éléments d’extérieur comme les déchets verts (à condition qu’ils soient ficelés ou empaquetés) ; l’outillage : les tondeuse, les pelles… ; les équipements de jardin : les parasols, les barbecues ou les jeux d’enfants.
  4. Enfin, d’autres objets divers sont également acceptés, comme ceux issus des loisirs (bicyclette, piscine, appareils de musculation) et d’autres encombrants inclassables comme les palettes de bois et la ferraille.

A noter que les acides, les solvants liquides (diluants, détachants), les produits pâteux (peintures, huiles), les pneus, les batteries et les déchets résultant de travaux importants (terre, gravats, ciment, etc.) ne sont pas ramassés par les services municipaux. Vous êtes tenus de les apporter dans une déchèterie spécialisée, ou contacter les collectes de déchets spéciaux, ou l’enseigne chez qui vous avez acheté ces équipements.

Les va-et-vient des étudiants

Avant de mettre sa vieille armoire, ou son sommier défoncé sur le trottoir, sachez que, si vous n’informez pas la mairie pour qu’elle procède à son enlèvement, vous êtes passible d’une amende. Son montant varie entre 11 et 1 500€.

C’est la police municipale qui est en mesure de verbaliser. Un flagrant délit est indispensable pour pouvoir dresser un PV. Chose plutôt difficile et qui ne suffit pas à changer les mentalités.

Régulièrement, les pouvoirs locaux investissent dans l’information. A chaque approche de l’été, la municipalité lance une campagne de sensibilisation destinée implicitement aux étudiants. La période est propice aux emménagements et aux déménagements qui transforment souvent les trottoirs en déchèterie.

Chaque année, lorsque les étudiants changent d’adresse, les services de la Ville se retrouvent à débarrasser la voie publique des nombreux encombrants laissés entre le mois de mai et le mois octobre. C’est la période qui correspond à la fin des examens (début mai), des rattrapages (juin), puis de la reprise de certaines écoles privées (août) et des universités (septembre à octobre).

Quand les chineurs font les poubelles

Mais ce n’est un secret pour personne, les objets jetés sont parfois récupérés.

Il y a d’abord les particuliers qui, par le plus grand des hasards, se laissent tenter par une table basse ou un séchoir de linge. L’objet récupéré retrouve illico une deuxième vie. Il y a aussi d’autres particuliers qui, mieux organisés, en font un petit business sur Leboncoin. Viennent ensuite les semi-professionnels : les brocanteurs, chineurs, ou revendeurs de métaux ou cartons.

Georges (le prénom a été changé) est brocanteur et « fait les poubelles ». Quand il voit un tas de meubles sur le trottoir, il s’arrête, jette un coup d’œil et avise.

« Je ne suis pas vraiment rencardé. C’est au petit bonheur la chance. Il y en a d’autres qui connaissent les jours et les horaires. Ils ont les tuyaux des employés municipaux ! »

Comme nous avons du mal à le croire, Thierry donne l’exemple de cet ancien fonctionnaire territorial reconverti en brocanteur et qui possède un hangar avec pignon sur rue, rempli de « bons tuyaux ».

Il y a bien d’autres objets intéressants pour se « faire un billet ». Sur le trottoir, les palettes de bois brut disparaissent très vite, de même que les métaux et le carton. Le bois peut être revendu facilement ou être utilisé pour se chauffer. Les métaux et les cartons sont récupérés pour être vendus à des ferrailleurs. « Tout est revendu chez Decons, chez qui les brocanteurs rachètent des vieux poêles à bois ou des vieux outils… »

La revente des métaux est une affaire qui roule. Le cuivre est actuellement l’un des plus recherchés et des plus utilisés, ce qui lui garantit l’un des prix de revente les plus intéressants : entre 5 et 6€ le kilo. C’est un métal courant que l’on peut trouver dans les câbles électriques, les tuyaux de plomberie, les vielles casseroles ou encore certaines gouttières et couvertures.

« Tu as entendu parler de ces ferrailleurs pétés de thunes ? Ils avaient même des brûleurs de câbles », nous rappelle Georges.

Les bonnes affaires des uns font les mauvaises affaires des autres

Des encombrants déposés sur le trottoir en centre-ville, 58 % des matériaux sont recyclables, alors que sur l’ensemble de la ville, ce pourcentage tombe à 18%

Cependant, les collectivités cherchent des solutions encore plus en amont. Nombreuses sont celles qui valorisent l’apport volontaire en déchèterie, qui coûte deux fois moins cher que la récupération en porte-à-porte. Une solution qui priverait les chineurs d’une source légale d’approvisionnement. Car, récupérer un objet dans la rue est tout à fait légal, alors qu’en dehors de la voie publique, cela s’apparente à du vol.

« De toute façon, tu ne peux rien récupérer dans les déchèteries. Sous prétexte de sécurité ou de je ne sais pas quoi, déclare Georges. Mais c’est pas ça la vraie raison. Il y a qu’à voir ceux qui bossent dans les déchèteries. Ils se mettent de côté ce qui en vaut la peine et tu les retrouves à faire les vides greniers le dimanche. »


#brocanteurs

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