Bobo-sapiens ? Non, simplement des étudiants conscients de certaines dérives de notre société, renforcées par les grandes villes et la précarité étudiante : malbouffe, gaspillage, agriculture irrespectueuse de la nature, pollution de l’environnement, etc. Face à cela, ils s’organisent localement et proposent des solutions, ou du moins – et c’est déjà beaucoup ! – enclenchent des réflexions.
Ainsi, dans les recoins du campus de Pessac-Talence, on peut trouver deux jardins-potagers étudiants : celui d’Appellation Origine Campus (AOC) et celui de L’Astragale et la Fourmi. Les quelques espaces verdoyants de la lisière bordelaise peuvent donc servir à autre chose qu’à la construction d’immeubles gris et autres terrains de foot synthétiques, semblent-ils nous dire. Ces associations ne cherchent pas à produire le maximum de légumes pour s’en mettre plein la panse et faire des économies, mais d’abord à recréer du lien entre étudiants et avec la terre.
Et ce au risque d’être taxés par certains de vouloir revenir à la charrue tirée par les bœufs, de vouloir balayer le progrès technique, agronomique et chimique du XXème siècle – que l’on dit seul capable de nourrir toute l’humanité. Nous, habitants des grandes villes, avons perdu notre lien à cette terre qui nous nourrit, qui est notre environnement, sans laquelle nous ne sommes rien.
D’où vient cette nourriture qui est dans nos assiettes ? Comment est-elle produite ? Où vont ces déchets dont nous croyons voir la disparition dans des sacs poubelles ? C’est cette conscience des éléments qui nous entourent (graines et fruits, compost et humus, etc.), leur cycle de vie du début jusqu’à la fin puis au recommencement, que ces associations contribuent à ranimer.
Blettes et méchants
En dehors des potagers et des sessions de jardinage, ces associations essaiment aussi dans la tête des étudiants. L’Astragale et la Fourmi propose des balades découvertes de la nature, dans la région bordelaise et au-delà, pour apprendre à connaitre cet environnement proche ; AOC a produit des affiches-calendriers des fruits et légumes de saison, affichés dans les restaurants universitaires.
Mais ces initiatives se heurtent parfois à d’autres visions des choses. Comme à Grenoble : les étudiants-jardiniers y ont fondé leurs « Jardins d’Utopie » suite à l’opposition au CPE (contrat première embauche) en 2006, en s’octroyant l’utilisation d’une parcelle de verdure du campus. Aujourd’hui, après huit années de culture et d’échange, ils sont confrontés au « Bureau de l’aménagement durable » (qui ne doit pas l’être tant que ça …) de leur campus, qui veut tout simplement détruire ce lieu de vie qu’ils ont patiemment façonné.
Bon, ça c’est pour les étudiants, et c’est très enthousiasmant. Mais l’Université et son apparence immuable et austère, où en est-elle ? Les restaus U, par exemple : on y mange toujours la même chose. Tomates et courgettes en hiver, cuisses de poulet atrophiées et sans goût, j’en passe. Il y a bien des tentatives de temps à autre (semaine du goût, repas étiqueté « produits de saison » une fois par saison), mais dans l’ensemble on continue à se vautrer dans l’industriel (on me rétorquera que pour 3,15 euros c’est difficile de faire mieux – mais essaie-t-on seulement ?).
N’empêche que le SIUMPS (médecine préventive), de son côté, propose aux étudiants des Petits Paniers Campus : pour une somme modique, un panier de fruits et légumes à commander chaque semaine pour la suivante. Il s’agit en fait d’une adaptation des Amap et des circuits courts pour permettre aux étudiants qui ne sont pas férus de topinambours, blettes, panais, etc., d’y gouter avec modération et de manger sainement pour pas cher. Et puis il y a des conseils de cuisine (comme cette très bonne idée de purée céleri et pommes !). Quant aux ananas, mangues et autres tomates cerises en février que l’on y trouve, ils font office de produits d’appel dira-t-on …
Les formations « vertes » poussent comme des champignons
Ce qui peut enfin attirer notre attention, ce sont les formations universitaires qui se développent dans ces domaines. Difficile de savoir si ce n’est qu’un effet de mode qui profite de l’écoblanchiment et du succès économique du secteur, ou bien un vrai mouvement de fond.
Par exemple, à l’Université Bordeaux Montaigne, le master professionnel « Ecologie humaine » (à ne pas confondre avec le mouvement ambigu de Tugdual Derville) : il s’intéresse aux « relations entre l’homme et ses environnements au travers des activités de production et de consommation de biens et services ». Ses étudiants sont notamment à l’origine d’un projet de recyclerie universitaire : le principe est de récupérer des biens (électroménager, meubles, habits, livres, vélos, etc.) abîmés ou délaissés, de les rafraîchir, rafistoler, réparer, puis de les redistribuer à ceux qui en ont besoin. Ça n’est pas encore fait, mais ils y travailllent !
Enfin, pour finir, la licence professionnelle « Chargé(e) de projet de solidarité internationale et développement durable » : ses étudiants organisent ce mercredi 19 février un forum « Mondialisons nos solidarités » où il sera notamment question de consommation responsable.
Voilà quelques initiatives plus ou moins récentes ; mais un morceau du paysage seulement : la partie découverte et féconde du champignon. L’occasion de prendre conscience que les choses bougent, partout, que les initiatives et les gens qui s’engagent ne sont pas si isolés que ça. En tout cas, comme dans la légende du colibri, ils font leur part, et nous invitent à faire de même !
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