Pendant la campagne, les deux candidats ont foulé à plusieurs reprises la voirie usée et tant critiquée de ce secteur excentré. « Une des priorités de la prochaine mandature » pour l’équipe d’Alain Juppé ; « un quartier placé sous le signe du rattrapage » pour Vincent Feltesse.
« On dirait qu’ils découvrent Caudéran cette année », ironise Marc Guion de Meritens, le président du comité de quartier . Les candidats réalisent peut-être qu’avec ses 43 000 habitants, une population qui se renouvelle et beaucoup de griefs contre la Ville, Caudéran pourrait peser dans la balance des résultats.
« Ici, personne ne conteste »
Sur le marché des Pins Francs, les sujets de mécontentement ne manquent pas.
« Il n’y a pas d’harmonie, des immeubles se construisent dès qu’un terrain se libère, ma rue ressemble à une piste du Paris-Dakar, la piscine est en ruine… », se plaint Philippe, qui n’aime pas la manière dont son quartier évolue.
Pour Annick, ce sont les transports et leurs horaires aléatoires qui sont contrariants. « Rien n’a été pensé en cohérence », confirme Marc Guion de Meritens, qui s’est montré quelque peu acerbe face au candidat socialiste et ses promesses lors d’une réunion publique.
« On nous parle de médiathèque [au programme d’Alain Juppé et de Vincent Feltesse], c’est de l’affichage, assène le militant, nous n’avons plus de tissu associatif, pas de salle pouvant accueillir plus de 130 personnes, pas de lieu d’échange pour les séniors et même plus de loto ! Alors la médiathèque, est-ce une nécessité absolue ? »
Pour lui, Caudéran est « victime » de son immobilisme. « Ici, personne ne conteste, il n’y a jamais eu d’enjeu électoral, Caudéran a toujours voté à droite, l’insatisfaction ne s’est jamais traduite dans les urnes. »
Une urbanisation galopante
Depuis 1965, date de son rattachement à Bordeaux, l’urbanisation s’est faite au fil de l’eau. « Sans réflexion et avec un Plan local d’urbanisme fantaisiste », reconnaît volontiers Pierre Lothaire, maire adjoint du quartier.
« Il n’y a jamais eu de projet urbain, Caudéran était surtout une réserve foncière », renchérit Aurélien Rol-Tanguy, urbaniste à la mairie de Bordeaux.
Des immeubles de huit ou dix étages ont poussé de manière totalement aléatoire, au beau milieu de quartiers résidentiels. Lassés, les habitants ont multiplié les recours à l’encontre des nouveaux projets. Et les acheteurs tournent le dos à ces immeubles de standing vieillissants. Les prix de l’immobilier du quartier – appelé à tort le « Neuilly bordelais » – font partie des plus bas de Bordeaux (2580 euros le m2).
« Il y a beaucoup de produits à vendre, confirme Françoise Filattre, négociatrice chez Immo de France, mais Caudéran est sorti du trio de tête, remplacé par le Bouscat. »
Et cette ville devenue quartier n’a connu « ni transformation, ni développement économique », constate Susanne Eliasson, architecte de l’agence GRAU, chargée par la mairie d’établir le plan guide du quartier (lire encadré ci-dessous).
Une cité dans sa bulle
Les prix de l’immobilier qui s’effondrent, l’état de la voirie et une économie en berne sont pour Vincent Feltesse, le « résultat du délaissement de Bordeaux ». A la mairie, on évoque « un retard à rattraper », des habitants « frustrés ». Mais le terme « abandon » n’est pas évoqué.
« Il y a une impression de ralenti, mais on a fait notre travail : la desserte en bus a été améliorée, chaque année, des rues sont refaites, le quartier a la meilleure offre sportive de la ville… », assure Pierre Lothaire, le maire adjoint du quartier.
Pourtant l’équipe d’Alain Juppé multiplie les propositions pour séduire les Caudéranais : un bus à haut niveau de service – moins encombrant et moins cher que le tram, qui contournera le quartier par le nord – la rénovation de la piscine Stéhélin, la création d’un skate park… Des projets que l’on retrouve également sur le programme de Vincent Feltesse !
Pour Christophe Bibes, Caudéranais depuis 42 ans et patron du nouveau Café de la place, pas d’inquiétudes : ce quartier s’est développé, mais dans sa bulle :
« On subit cette image de ville dortoir, mais on a des commerces, on trouve de tout… »
Il en veut pour preuve l’arrivée de nouveaux habitants. Comme Romain, jeune père de famille qui a choisi Caudéran pour son calme, sa situation et son accès facile à la rocade. Pour Christophe Bibes, cela illustre le renouveau du quartier. Plus pessimiste, Marc Guion de Meritens parle de turn-over, d’une population qui ne s’investit pas…
« On assiste à la naissance d’un quartier, assure le restaurateur, il suffit juste de tourner les projecteurs vers lui ».
Dans dix jours, les candidats vont scruter à la loupe leurs résultats dans le quartier. Un bon début !
La ville-jardin de Bordeaux
Une étude paysagère et urbanistique sur le quartier pour tenter d’accompagner le développement de Caudéran et en faire une « ville jardin » est en cours. « L’objectif est d’établir un plan guide à l’horizon 2030, cela n’avait pas été fait depuis 18 ans », précise Aurélien Rol-Tanguy, urbaniste à la mairie.
« C’est très difficile de dire à quoi va ressembler Caudéran dans 20 ans, concède Susanne Eliasson, architecte de l’agence GRAU chargée du diagnostic et du plan guide. Caudéran a commencé à se développer comme une ville, avec plusieurs quartiers… mais une fois rattaché à Bordeaux, il n’a subi aucune transformation, pas de développement économique. C’est très particulier. Il faut renforcer le lien avec le centre par la mise en place de services et faciliter les liaisons afin que les habitants puissent se sentir Bordelais. Nous nous concentrons sur la clarification des qualités existantes, comme les espaces verts. »
Le plan guide sur lequel elle travaille devrait donner des orientations à la mairie pour harmoniser le quartier, créer des liaisons douces et un meilleur cheminement entre ses différents secteurs. Un nouveau plan local d’urbanisme devrait être voté afin de rétablir un équilibre entre zone pavillonnaire et zone densifiée.
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