La saison avait pourtant bien commencé pour le promu. Las, depuis le mois de janvier, les Tangos font du surplace. Au grand dam de leurs entraîneurs, Fabrice Nivard et Alexandre Pérès.
Tangos, quel drôle de nom !
« C’est à cause des couleurs de leur maillot : l’orange et le bleu. L’orange, c’est le coucher du soleil sur la Garonne. C’est poétique, n’est-ce pas ? Mais si vous voulez, je peux vous donner une autre version : le tango, c’est la couleur du pastis quand on met de l’orange dedans ! »
Pareille explication appartient à Jean-Louis Couturier, l’emblématique président du club. Elle est confiée à Renaud Borderie qui vient de consacrer un beau livre au sport à Lormont : Rencontres sportives à Lormont aux éditions Confluences. Le rugby y occupe une place de choix.
Jean-Louis Couturier, c’est l’âme du club, sa poutre. Il en fut joueur et en détient les rênes depuis quarante ans. Un homme très attachant dont la personnalité illumine le livre de Renaud Borderie.
On joue au rugby à Lormont depuis 1924. Les joueurs « s’entraînaient chichement sur un pauvre terrain après le quai Carriet ». Aujourd’hui, ils évoluent sur de superbes installations. Le club compte 450 licenciés, une belle école de rugby. Il a sa maison, la maison du rugby Pierre Lemaire, tenue par Jean-Pierre Gourmanel. Son budget tourne autour de 450 000 €. Nous sommes loin des sommes dévolues aux clubs du Top 14. Et pourtant, il tourne !
Ce qui est passionnant dans le livre de Renaud Borderie, auquel Jean-Paul Callède a prêté son érudition et Bernard Brisé ses talents de photographe, c’est d’être confronté à tous ces bénévoles qui donnent son âme au club.
Il s’attarde sur Jean-Pierre Gourmanel, ce retraité qui consacre tout son temps, tout, à la maison du rugby. Il fut joueur, entraîneur. « J’ai tout connu » dit-il. Il consacre des lignes méritées à Marie-Jo et Georges Bonhoure.
Georges fut un très bon arbitre, racé et respecté. Il est secrétaire général du club, éducateur des moins de 15 ans, directeur de match. Autant dire qu’il ne compte pas ses heures. Marie-Jo est bénévole à la Maison du rugby. Elle s’occupe des casse-croûtes des jeunes le samedi, du bar le dimanche, de l’accueil des joueurs le mardi et le jeudi. Leur club de cœur, c’est Cenon. Il a fusionné avec Lormont en 1995. Une fusion dictée par la raison.
Le rugby de la rive droite ne pouvait survivre qu’à cette condition. Puis Cenon a décidé de ne plus aider le sport d’élite et de ne subventionner que l’école de rugby. Le Club devient alors le Club Athlétique Lormont-Hauts de Garonne.
Il y a aussi des portraits d’anciens joueurs comme Denis Micklou. Il évoque Jean-Louis Couturier auprès de Renaud Borderie :
« C’est un Monsieur, un colosse. C’est quelqu’un… Vous voyez quand je parle de lui, ça me… »
On rencontre encore Jean-Jacques Dupuy. Il était demi-de-mêlée à Bègles lorsque Jean-Louis Couturier, en 1982, vient le chercher pour que le club franchisse un palier. « Des hommes comme lui, ils emmènent loin », déclare-t-il à Renaud Borderie. Recruté comme joueur, il s’est retrouvé entraîneur.
« Au cours de la première séance, l’entraîneur n’était pas là. A la seconde non plus. Tout le monde s’est tourné vers moi. »
Il a remis le club sur la bonne pente sportive, lui a imposé la rigueur nécessaire aux bons résultats. Plus d’entraînements et moins de pastaga. Jean-Jacques Dupuy est un leader, dans la lignée des demi-de-mêlée de caractère, comme Fouroux, Berbizier, et, plus près de nous, Morgan Parra.
Enfin, le livre réserve quelques pages à Vincent Forgues le capitaine de l’équipe. Cet ancien du Stade Toulousain, de Brive, de Pau a évolué au plus haut niveau. « C’est un club où je me sens bien », dit-il. Et il a vécu pleinement l’accession en fédérale 1. Pourtant le club connut une période creuse la saison dernière. Jean-Louis Couturier convoqua ses joueurs et leur tint ces propos :
« En ce moment c’est dur. Vous devez remettre l’équipe dans le droit chemin. Je veux la montée en Fédéral 1. Je ferai le nécessaire, vous savez que vous pouvez compter sur moi mais je veux la montée. »
Les Tangos répondirent à l’attente de leur président mais échouèrent en demi-finale.
« Qu’est-ce qu’on aurait voulu lui offrir une finale ! » confie Vincent Forgues.
Le livre de Renaud Borderie vaut vraiment que l’on s’y arrête. Il témoigne de la permanence d’un rugby humain, d’un vivre ensemble noué dans la complicité que crée ce facétieux ballon qui rend nos vies moins ordinaires et plus fraternelles. Des hommes comme Jean-Louis Couturier sont des pépites. Ce n’est pas Michel Maillet, cette autre grande figure du rugby girondin qui dira le contraire.
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