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La réforme Peillon cherche son rythme à Bordeaux

À Bordeaux, la réforme des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et primaires entrera en application en septembre prochain. Ce dossier complexe et relativement polémique a été mis en sourdine pendant la campagne des municipales. Aujourd’hui, on sait de façon plus précise à quoi ressemblera la semaine des 16 000 élèves bordelais.

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La réforme Peillon cherche son rythme à Bordeaux

Salle de classe (Wikipedia)
Salle de classe d’une école élémentaire (Wikipedia)

« C’est une réforme très compliquée, très onéreuse, qui suscite le mécontentement de beaucoup de gens », nous expliquait en janvier dernier l’adjointe au maire de Bordeaux en charge de l’enfance et de la famille, Brigitte Collet, qui n’était pas encore en mesure de détailler l’organisation des nouveaux rythmes scolaires de la rentrée 2014.

« On travaille dessus, c’est un énorme dossier. Cette réforme est difficile à mettre en place, elle contrarie beaucoup de parents auxquels cela rajoute de la complexité dans l’organisation de leur vie quotidienne. Beaucoup d’enseignants aussi, qui seront contraints de travailler le mercredi matin. Et le gain pour les enfants n’est pas si évident que ça. »

À Bordeaux, le processus de concertation a été initié en janvier 2013 par un questionnaire remis aux écoliers. Les parents d’élèves étaient notamment appelés à donner leur avis sur le jour d’école supplémentaire imposé aux enfants. C’est donc le mercredi qui a été choisi par des familles soucieuses de préserver le samedi matin pour bénéficier d’un week-end complet de repos.

« Puis le maire a reçu les enseignants, les parents élus dans les conseils d’écoles et le monde associatif », détaille Brigitte Collet, qui balaie la critique faite par l’opposition de gauche à Alain Juppé d’une absence de réelle concertation. Le « porte-voix » de Vincent Feltesse sur les questions d’éducation pendant la campagne, Mathieu Hazouard, a en effet dénoncé des « rencontres bilatérales qui n’ont pas permis à l’ensemble des acteurs concernés de réfléchir tous ensemble à cette nouvelle organisation dans l’intérêt des enfants ».

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L’étrange tweet de Juppé

Alain Juppé s’interroge, via Twitter, sur l’opportunité d’appliquer la loi sur les rythmes scolaires. Le tweet du maire de Bordeaux date de jeudi soir : « Est ce bien raisonnable de s’accrocher à la réforme des rythmes scolaires qui colle des dépenses supplémentaires aux collectivités. »

Selon L’Express, le service de presse de la mairie n’est pas au courant de la publication du tweet. Celui-ci rappelle que « la réforme est bien en route à Bordeaux pour être appliquée à la rentrée prochaine ».

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Pas touche à la matinée

Concrètement, il a été décidé de ne pas toucher à la matinée de travail des écoliers, débutant entre 8h30 et 9h selon les écoles et s’achevant à 11h30. La pause méridienne sera prolongée d’un quart d’heure dans les écoles maternelles – la classe reprenant à 13h45 au lieu de 13h30 – et les activités péri-éducatives instaurées par la réforme seront insérées dans cette « pause apaisée ».

« Pour ne pas fatiguer les enfants, on va proposer des activités calmes, en petits groupes, ce qui favorisera l’interaction avec les animateurs : des contes, de la musique, etc. », explique Brigitte Collet.

Dans les écoles élémentaires, en revanche, il n’y aura pas de modification de la pause méridienne.

« Ils n’ont pas besoin de se reposer comme les tout-petits mais de faire des activités de découverte, notamment en dehors de l’école. Nous avons donc imaginé des animations de deux heures qui interviendront une fois par semaine et qui permettront d’organiser des sorties, pour aller au musée, au Grand Théâtre, en bibliothèque ou profiter d’un équipement sportif… »

Cette animation aura lieu de 14h30 à 16h30 – après, donc, une heure de classe en début d’après-midi –, le lundi pour un quart des 99 écoles bordelaises, le mardi, le jeudi ou le vendredi pour les autres. Les sorties n’auront pas lieu toutes les semaines : parfois les animations seront organisées au sein de l’école.

Une semaine irrégulière pour les élémentaires

C’est ce scénario qui suscite la plus vive désapprobation de Mathieu Hazouard. Pour lui, la mairie de Bordeaux trahit l’esprit de la réforme Peillon qui avait pour but d’alléger les journées des enfants de façon équilibrée sur toute la semaine :

« Avec ce programme, un quart des enfants d’élémentaire auront une semaine encore plus concentrée du lundi au vendredi midi, et ne profiteront des activités péri-éducatives que le vendredi après-midi, alors qu’ils seront déjà bien fatigués. Autres soucis : nous sommes fin mars et les directeurs d’écoles ne savent toujours pas quel jour de sortie leur sera attribué à la rentrée. Et la grande inconnue, c’est la fin de la classe, fixée à 16h au lieu de 16h30 avant la réforme. Que va-t-il se passer dans cette demi-heure ? Tout ceci manque de clarté. »

Brigitte Collet convient que bien peu de familles pourront récupérer leurs enfants à 16h et qu’ils partiront sans doute en garderie une demi-heure plus tôt, mais elle se défend de faire preuve de mauvaise volonté :

« Je rappelle que ce n’est pas notre réforme. Nous galérons pour la mettre en place. Les parents devront être compréhensifs et patients, en attendant d’éventuels ajustements. »

Un projet alternatif à la Bastide

Autre épine dans le pied de la mairie de Bordeaux, le projet « dissident » des neuf écoles de la Bastide fédérées au sein d’un Réseau réussite scolaire (RSS). Chapeauté par Martine Grat-Guiraute, la directrice de l’école Franck Sanson, ce projet proposait d’organiser la fin de la classe tous les jours à 15h15 ou 15h30, et de mettre en place les activités péri-éducatives dans l’heure qui suit.

Selon Martine Grat-Guiraute, cette formule avait le mérite de la régularité, un « élément primordial » pour les enfants qui quitteraient l’école tous les jours à la même heure et auraient un emploi du temps homogène tout au long de la semaine. Le projet a finalement été retoqué, entraînant une très vive déception chez ses artisans.

« Nous avons travaillé de façon acharnée pendant des mois, en parfaite concertation avec les parents, les enseignants et les associations du quartier auxquelles nous voulions confier les activités péri-éducatives pour créer une vraie dynamique à la Bastide, raconte Martine Grat-Guiraute, dépitée. Tout ce travail fait dans l’intérêt des enfants avec beaucoup d’enthousiasme, beaucoup d’efforts, s’effondre brutalement. Pourtant, Alain Juppé s’était montré intéressé. Je suis très déçue qu’on ne nous laisse pas mener cette expérimentation originale. »

Brigitte Collet renvoie la balle à l’Inspection académique qui n’a pas validé le projet. Elle précise quand même qu’il lui semblait difficile de confier les activités péri-éducatives à « certaines associations de la Bastide, trop petites, trop fragiles, voire à des intermittents du spectacle qui ne sont pas formés pour mener ce type de mission ».

Les associations qui ont répondu à l’appel à candidature de la mairie sont toutes déjà habituées à travailler au contact des enfants. Mais l’adjointe rappelle que l’année scolaire à venir sera en quelque sorte expérimentale à l’échelle de toute la ville. Les déçus pourront peut-être revoir leur copie et faire de nouvelles propositions l’an prochain.


#Alain Juppé

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