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Bordeaux fête le vin… sans finir bourré : promis, juré, craché ?

Stephan Delaux, adjoint au maire de Bordeaux en charge du tourisme, de la promotion touristique du territoire, de l’animation de la ville et de la vie fluviale, n’en démord pas : « Bordeaux Fête le Vin est une fête à déguster et non à boire ». Vraiment ?

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Bordeaux fête le vin… sans finir bourré : promis, juré, craché ?

Les comptoirs de Bordeaux fête le vin (WS/Rue89 Bordeaux)
Les comptoirs de Bordeaux fête le vin (WS/Rue89 Bordeaux)

Lors de la conférence de presse tenue au Grand Théâtre en avril dernier pour présenter le programme du « Bordeaux fête le vin » (BFV), Stephan Delaux a souligné à plusieurs reprises le caractère sérieux si ce n’est sacré de LA fête estivale mettant à l’honneur le patrimoine vinicole Bordelais :

« BFV est un événement “à déguster” et pas “à boire”. »

Ce qui a fait sourire une bonne partie de l’assemblée, notamment… Alain Juppé. Le maire de Bordeaux s’est permis une petite taquinerie en présentant le Tickarte (inclus dans le Pass Dégustations et permettant de se déplacer de façon illimitée toute une journée sur le réseau TBC durant l’événement), demandant si on pouvait du coup dépasser les 5 cl de conso au cours de la journée dans le cas où on prenait le Tram !

Des chiffres qui font tourner la tête

Pour bien mesurer l’importance – économique entre autres – de cet événement phare de l’œnotourisme dans l’Hexagone, rappelons-en quelques chiffres :

Lors de sa 8ème édition (du 28 juin au 1er juillet 2012), ses 2 km et 80 appellations de Bordeaux et d’Aquitaine ont attiré plus de 500 000 visiteurs français et étrangers – 300 journalistes français et internationaux – pour plus de 50 000 Pass Dégustations vendus.

Le BFV c’est aussi et surtout la présence de 800 à 1 000 vignerons répartis sur 4 jours pour un potentiel de 600 000 dégustations et un volume de 55 000 bouteilles, un budget de plus de 2 millions d’euros et 50 partenaires (publics et privés).

Enfin, depuis sa création en 1998, la biennale qui était à l’origine « une simple animation au service des vignerons bordelais », selon les termes de Stéphan Delaux, est passée de 1,5 à environ 6 hectares, impliquant une organisation de plus de 1 500 personnes et des retombées économiques directes estimées entre 15 et 20 millions d’euros pour les commerces locaux (hôtels et restaurants).

Des chiffres à chouchouter donc, d’autant que cette manifestation n’est pas seulement une aubaine pour les professionnels hôteliers bordelais puisqu’elle est aussi indispensable au rayonnement de la « marque » Sud-Ouest de la France à l’international. Ainsi, le BFV est devenu un « produit » vendu à de nombreux croisiéristes cette année, tandis que sa version Bordeaux Fête le vin à Québec a permis d’y faire augmenter les vente de Bordeaux de 17,2 % selon Stephan Delaux.

Un concept qui s’exporte bien puisqu’il a également été repris en Asie et bientôt à Bruxelles où se tiendra la première édition du BFV du 11 au 14 septembre. Prochaine cible des viticulteurs bordelais ? Londres.

De la théorie…

En théorie, le BFV est un rendez-vous incontournable des amoureux du vin, dégustateurs aguerris et passionnés chevronnés.

En théorie, on s’y rend et on en repart à pied ou en Tram, on utilise ses 13 coupons dégustation (bons pour un verre d’une contenance de 0,5 cl chacun) sur plusieurs jours et surtout, on recrache dans les crachoirs prévus à cet effet.

Lors de la conférence de presse, au moment d’évoquer les mesures de sécurité qui seraient appliquées, on nous a présenté plusieurs initiatives comme le stand de covoiturage, celui tenu par la Sécurité Routière pour se tester avant de repartir ou encore l’immense parking à vélos mis à disposition en bas allées d’Orléans. Sans compter les effectifs renforcés de Police Nationale, les doubles rangées de barrières positionnées le long de la Garonne, la trentaine de bénévoles de la Protection Civile répartis dans les postes de secours et la cinquantaine de gardiens de la société Eclipse.

… à la pratique

Dans les faits, quiconque a déjà arpenté les quais de la Garonne au moment du BFV, sait qu’il existe plusieurs publics : les touristes avides de découverte et de culture, les habitués ou les néophytes en quête d’échange et de partage en « direct avec le producteur »… et les autres. Ceux qui comptent utiliser tous leurs tickets la même journée, ceux qui repartent au volant, ceux qui restent tard le soir ou veulent profiter du weekend pour décompresser et surtout, ceux qui ne recrachent pas.

Et lorsque l’on sonde les Bordelais sur la question – « pensez-vous que l’on puisse repartir du BFV en état de conduire ? », « par quel moyen êtes-vous venus ? », « est-ce que vous avalez ou vous recrachez ? »… –, les réactions sont plutôt mitigées. Mais le meilleur moyen de savoir comment se côtoient et se gèrent tous ces publics, c’est encore d’aller sur place, en conditions réelles.

Le stand de la Sécurité routière (AFGL/Rue89 Bordeaux)
Le stand de la Sécurité routière (AFGL/Rue89 Bordeaux)

« Testez-vous ! »

Le stand Sécurité Routière est bien en place, garni d’éthylotests et de brochures de sensibilisation à la conduite en état d’ivresse. Georges Soulas, Coordinateur sécurité routière à la préfecture de Gironde m’y explique que tous les détenteurs d’un Pass Dégustations disposent d’un coupon « Testez-vous » à utiliser sur le stand, mais qu’en cas de doute, n’importe qui est bien sûr invité à s’y rendre.

« On leur dit si c’est positif ou pas. S’ils veulent estimer leur taux on peut le faire à l’aide de l’ordinateur dans lequel on va rentrer leurs données physiques (sexe et poids), ce qu’ils ont bu et à quelle heure, et le temps qu’il leur faut avant de pouvoir conduire dans les règles. »

Une aubaine pour les (jeunes) adeptes de « concours » alcoolisés ?

« Ce n’est qu’une estimation, on ne peut pas leur donner leur taux exact. Et pour ce qui est de les empêcher de prendre le volant, ce n’est pas en notre pouvoir non plus. On ne peut que tenter de les dissuader de repartir en conduisant mais nous ne sommes pas la Police. »

Paroles de dégustateurs

Nous sommes en plein après-midi, et si la foule clairsemée est majoritairement composée de touristes et de quinquagénaires ou plus, la Police est justement déjà bien présente, en unités mobiles comme aux entrées principales. Les agents de sécurité arpentent également les quais ainsi qu’un bénévole de la Protection Civile sur son vélo.

Tout semble sous contrôle et l’ambiance est plus aux rencontres studieuses – quoique joyeuses – qu’aux beuveries entre potes. Une impression générale que confirme la plupart des visiteurs interrogés et qui permet de dresser l’état des lieux de cette journée d’ouverture décidément placée sous le signe de la responsabilité.

Le couple de touristes italiens trentenaires :

« Repartir bourrés du BFV ? Non, pas question. Nous sommes là pour la passion du vin, nous faisons ça avec sérieux. »

Catherine et Jacky, le couple de sexagénaires bordelais :

« Repartir du BFV sans être un tout petit peu éméché ? C’est difficile si on utilise tous ses tickets ! Mais pour nous, le problème ne se pose pas puisque nous sommes à pieds ! »

Les quinquagénaires américaines venues de San Francisco :

« It’s all about testing and learning and not about being drunk. » (C’est pour apprendre à déguster le vin et non pas pour être ivre). Mais elles avouent qu’elles ne se risqueraient pas à prendre le volant…

Laure et Marie-Juliette, les copines bordelaises trentenaires :

« On ne peut venir qu’aujourd’hui mais on ne pense pas utiliser tous nos coupons donc on va sûrement donner ceux qui nous resteront. On ne se force pas à tout boire, juste ce qui nous plaît, d’autant qu’avec ce soleil qui tape ce serait risqué ! On est venue en Tram et à vélo, au cas où. »

Patrick et Guillaume, 31 ans, venus de Paris :

« Fêter le vin sans rouler par terre ? Pour l’instant on pense que c’est possible (il est 16h30) mais dans 2 h ce sera peut-être différent ! »

(AFGL/Rue89 Bordeaux)
« On a recraché quelques verres » (AFGL/Rue89 Bordeaux)

Mathilde, Soukaina et Yelena, la vingtaine, bordelaises :

« Bien sûr qu’on ne boit pas tout, on a recraché quelques verres. Et s’il nous reste des tickets on les donnera, avant de repartir comme on est venue, à pied ou en Tram. »

Mathilde et Arthur, étudiants bordelais :

« Repartir sobre du BFV ? Impossible ! Là ça va encore mais attendez ce soir ! »

Même son de cloche du côté de Sophie et Sébastien, producteurs sur le stand Bordeaux Supérieur Rouge :

« Les visiteurs savent tout à fait garder le plaisir de la dégustation de façon constructive c’est à dire en recrachant, en prenant le temps d’apprendre… du moins en journée ! »

Rendez-vous est donc donné vendredi soir et ce weekend.


#Alain Juppé

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