Travailleur et passionné, tels sont les qualificatifs qui reviennent le plus souvent au sujet de Benjamin Malaty. Deux qualités qui lui ont probablement permis de devenir en quelques années l’un des meilleurs – voire le meilleur – spécialistes français du marathon. Et de participer aux Championnats d’Europe d’athlétisme, qui ont débuté le 12 août à Zurich (Suisse) et s’achèvent le 17 août par, notamment, le marathon.
Pourtant, à l’été 2011, il a bien failli raccrocher ses runnings, faute de résultats probants malgré un investissement très important et des sacrifices.
Né à Agen en 1986, Le Lot-et-Garonnais a commencé par jouer au foot à Saint-Sylvestre-sur-Lot, où il a passé son enfance. Puis sa mère – une « super maman » qui a élevé Benjamin Malaty, sa sœur et son frère seule avec le soutien des grands-parents – est contrainte de déménager à Agen. Benjamin, âgé de 9 ans, opte alors pour l’athlétisme.
« J’aimais bien courir et quand j’ai vu à la télévision les championnats du monde d’athlétisme de 1995 qui se déroulaient à Göteborg (Suède), ce fut une révélation. J’ai eu envie de m’y mettre », raconte le sportif.
« Il sait où il veut aller »
Inscrit au Sporting Union Agenais Athlétisme, il teste d’abord un peu toutes les disciplines, comme c’est l’usage : le sprint, le saut, le lancer… Ça n’est qu’une fois sa croissance quasi finie qu’il se lance dans le demi-fond. Ses prédispositions sont évidentes. L’entraîneur des meilleurs athlètes du département, Messaoud Settati, devient son coach lorsqu’il a 12 ans, et le suit toujours aujourd’hui.
« Benjamin comprend très vite, il s’adapte à chaque entrainement, indique-t-il, fier de son poulain. Il sait ce qu’il veut et où il veut aller. Mais il cherche à courir trop souvent. Je ne le souhaite pas car il va systématiquement se donner à 100%, sans réserves. Il ne peut pas aller doucement, il ne sait pas aller doucement. »
Le marathonien lui en est reconnaissant :
« Il m’a transmis des valeurs de travail et de persévérance. Grâce à lui, j’ai toujours été fidèle à l’entraînement, et cela a porté ses fruits. »
Un parcours en dents de scie
C’est en 2004 que l’athlète éclot réellement : il arrive 25e au championnat de France de cross juniors.
« Cela a été le tremplin, se souvient le sportif. Ce résultat m’a permis de croire en moi. J’ai compris que j’avais un potentiel à exploiter. »
Malgré des bonnes perfs en catégorie espoir sur 1500 m et en cross (5e au championnat d’Europe 2008), il peine ensuite à retrouver l’équipe de France.
« Je commençais à me poser des questions, à prendre conscience de mes limites sur les épreuves courtes. J’envisageais de mettre ma vie sportive entre parenthèses », se rappelle l’Aquitain.
Il préfère assurer ses arrières en poursuivant ses études à Bordeaux. Il rejoint alors le club d’athlétisme de l’Union sportive talençaise (UST), à Talence (33), où il réside.
Après une licence d’administration économique et sociale, il obtient, en 2010, un master 2 en aménagement du territoire. Nouvelle déception, côté professionnel cette fois : impossible de décrocher un emploi.
Démotivé, l’athlète se lance un ultime défi sportif : réaliser un semi-marathon puis, si cela se passe bien, un marathon. Particulièrement affûté – 1,80 m pour 62 kg –, le jeune homme est taillé pour.
Champion de France de cross
Enfin, l’effort paye et les réussites s’enchaînent : après un beau chrono (1h04 – soit 19,6 km/h de moyenne !) au semi-marathon de Reims en octobre 2011, Benjamin Malaty termine 12e aux championnats d’Europe de cross-country à Velenje (Slovénie), et premier par équipe. En mars 2012, il devient champion de France de cross long à La Roche-sur-Yon.
« C’est mon plus beau souvenir. Même si c’est peu médiatisé, c’est un championnat à part. Je suis un crossman, j’aime la boue ! »
Il s’attaque alors à la mythique distance de 42,195 km, lors du marathon de Paris en 2012 : il termine 19e et premier Français en 2h 13min 15s, derrières les rois du marathon, les Kényans et Ethiopiens. Mais il loupe la sélection pour les Jeux olympiques (JO) de Londres en 2012 de 3 minutes.
« Cela m’a fait un pincement au cœur. J’avais des résultats mais pas de retombées directes », lâche-t-il.
Un athlète double casquette
En 2012, la mairie de Talence lui propose un poste de chargé de mission en développement économique, de 25 heures par semaine. Ravi, il s’entraîne le restant du temps, soit environ 30 heures hebdomadaires, répartis en 12 entraînements. Des semaines chargées dont il s’accommode.
« J’ai trouvé un parfait équilibre pour m’épanouir, sportivement et professionnellement. Je suis l’un des rares athlètes français de haut niveau à travailler. Aujourd’hui, je pourrais m’en passer, c’est un complément de salaire (Benjamin Malaty est aussi sponsorisé par Kalenji, la marque de Décathlon dédiée à la course à pied Décathlon, en tant qu’athlète et développeur de produits, aux côtés de Stéphane Diagana, NDLR). L’athlétisme c’est très bien, mais cela peut s’arrêter du jour au lendemain. »
Bertrand Cousin, responsable du service Développement économique à la mairie, ne tarit pas d’éloges à son sujet :
« Il est toujours disponible, efficace et s’est rendu indispensable à la vie économique de la ville. C’est un plaisir de l’avoir comme collaborateur. Il est aussi gentil, posé et a de l’humour. En bon marathonien, il est lent au démarrage, mais excelle sur le long terme. »
Talence a profité de sa double casquette pour faire courir 2000 m aux chefs d’entreprise afin de collecter des fonds pour la recherche médicale lors du Décastar 2013 – une course figurant au calendrier de la Coupe du monde des épreuves combinées, qui se déroule à Talence chaque année (NDLR : prochaine édition, les 20 et 21 septembre).
« Une cinquantaine de patrons talençais ont joué le jeu devant 6000 personnes avec pour coach et concurrent Benjamin Malaty, . A chaque tour de stade, les cinq derniers étaient éliminés. Pour Benjamin, c’était facile, il était très à l’aise et courait avec le sourire, tandis que nous crachions nos poumons ! »
Yannick Dupouy, son partenaire d’entraînement et ami, apprécie aussi ses qualités :
« C’est un très gros travailleur, quelqu’un qui a le sens de l’effort, qui ne triche ni en athlétisme, ni avec ses amis. Il est dans le partage et dans l’échange. Ses défauts ? Il intellectualise peut-être un peu trop les choses. Il devrait se mettre en mode automatique et ne pas trop réfléchir, notamment par rapport à ses blessures. »
Être dans le Top 10 à Zurich
En 2013, Benjamin se classe 13e premier Français au marathon de Paris, en 2h12. Il est sélectionné sur cette épreuve pour les Championnats du monde d’athlétisme 2013 à Moscou. Seul représentant français sur la distance, il arrive 28e, après avoir beaucoup souffert de la chaleur. Déçu par sa performance et éprouvé par la course, l’athlète a du mal à se remettre en selle.
Blessé (tendinite à l’ischio-jambier) depuis Moscou, il a préféré se préserver, ne participant qu’à quatre courses en 2014, dont aucun marathon. De quoi faire le plein de fraîcheur avant le grand rendez-vous européen :
« C’est l’été, il risque de faire chaud, et le parcours est très dur. Je pense parvenir à me hisser dans le top 10, même s’il peut y avoir de nombreux rebondissements et surprises. »
Gare au « mur » !
Son collègue Yannick Dupouy est confiant :
« Je crois à son potentiel pour l’Europe. Il monte en puissance et il a fait une bonne prépa. On ne sait pas comment le corps va réagir après le 30e km (NDLR : le fameux “mur” du marathon, qui correspond à un épuisement des réserves en glycogène – le carburant – et se caractérise par un manque d’énergie). Mais c’est un parcours vallonné, qui peut lui convenir. »
L’athlète a fait le choix de s’entraîner en région bordelaise plutôt qu’en altitude car il a ses repères ici, dit-il. On peut le voir s’entraîner au stade de Thouars et dans le bois (malgré les nombreux rats qui jalonnent le parcours), à Talence. Mais il part souvent pour des stages à l’étranger : au Kenya avec les maîtres de la course de fond, ou, plus récemment, au Japon, dont il salue la « discipline » des athlètes.
Lui-même avale les kilomètres et mène en parallèle une vie d’ascète : alimentation variée et équilibrée, bonne hydratation, ni cigarette ni alcool et beaucoup de sommeil.
« Une bonne hygiène de vie améliore la récupération et limite les blessures. Ce sont des sacrifices quotidiens, mais j’ai toujours mangé sainement, par exemple, et c’est fondamental pour mettre toutes les chances de son côté », répond-il.
Absent du marathon de Bordeaux Métropole
Ses objectifs après Zurich ?
« Me qualifier pour les Jeux olympiques d’été qui se dérouleront à Rio de Janeiro (Brésil) en 2016. Y participer, ce serait le Graal. Pour me qualifier, je dois faire un énorme chrono au printemps prochain à un marathon homologué, qui attire du beau monde et qui soit un peu plus facile que celui de Paris. Je songe à Londres ou Amsterdam, qui sont plus plats. Je n’ai pas droit à l’échec : un marathon se prépare deux à trois mois avant et je ne peux les enchaîner. C’est comme un match de boxe en 12 rounds : on ne peut pas combattre toutes les semaines ! »
On ne le verra pas au marathon « Bordeaux métropole », dont la première édition se tiendra samedi 18 avril 2015. L’épreuve qui devrait traverser la ville de Bordeaux et plusieurs villes de la communauté urbaine se déroulera en nocturne.
« C’est très bien qu’il y ait enfin un marathon à Bordeaux, il y avait un manque terrible ! Mais je suis partisan du marathon le matin, pas le soir. L’effort est très dur et exigeant et le corps fatigué en fin de journée. En plus, il ne sera pas homologué les premières années et n’attirera pas d’emblée les stars mondiales de la course de fond », pense le Talençais.
Des stars qu’il retrouvera en partie – à l’exception de ses rivaux habituels, les Africains de l’Est –, le 17 août prochain dans la cité suisse. Le départ du marathon sera donné au stade de Letzigrund à Zurich à 9h. Une heure qui devrait convenir au marathonien matinal.
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