Pour la première fois, l’UEFA va mettre la main à la poche pour aider les villes organisatrices d’un Euro. Le club des sites, présidé par Alain Juppé a approuvé à l’unanimité la proposition financière de Michel Platini, président de l’UEFA : 10 millions d’euros mobilisables tout de suite, et 10 millions après l’évènement, en fonction du bon déroulement de l’Euro 2016, a annoncé le maire de Bordeaux, président du club des villes sites, à l’issue d’une réunion du comité de pilotage, ce jeudi.
Les dix villes hériteront donc chacune de 2 millions d’euros, ce qui peut paraître très modeste comparé au milliard d’euros de bénéfices que l’Euro 2016 pourrait rapporter à l’UEFA, grâce à la billetterie (gérée en direct par l’autorité du foot européen) et aux droits télé.
« On ne va pas se tordre le nez, a toutefois déclaré Alain Juppé, nous sommes satisfaits de cette proposition pour faciliter l’acceptabilité sociale de l’Euro. »
70 millions d’euros pour les 10 villes
Ce à quoi il ajoute dans la hotte des villes hôtes : 20 millions d’euros versés par la Fédération française de football, destinés à la rénovation et la création d’équipements à destination du football amateur, les 20000 places offertes par l’UEFA aux jeunes les plus défavorisés, et les 31,5 millions d’euros payés par l’UEFA pour la location des stades et une partie de l’équipement des fans zones – l’utilisation du Grand Stade rapportera par exemple à Bordeaux 350000 euros par match, soit 1,75 million pour l’ensemble de la compétition (mais la ville devra peut être indemniser le consortium SBA (Stade Bordeaux Atlantique) pour cette mise à disposition).
Interrogé par Rue89 Bordeaux, l’économiste Bastien Drut, auteur notamment de « L’économie du football professionnel » (La Découverte), relativise toutefois l’annonce de cet héritage, comme il est officiellement appelé, de 20 millions versés par l’UEFA :
« On ne peut que se réjouir de cette initiative et on peut se demander pourquoi celle-ci n’est pas venue plus tôt, étant donné que les collectivités locales participent au financement de la rénovation et de la construction des stades. Ceci étant dit, l’enveloppe reste faible par rapport aux dépenses engagées. »
Flou sur les effets du foot
Soit notamment 1,7 milliard d’euros investis dans les stades, rappelle le Premier ministre Manuel Valls, qui se félicite de l’impact sur l’emploi – 15000 emplois directs, 4000 emplois durables liés à ces équipements.
En revanche, les responsables présents jeudi au Palais Rohan se sont gardés de chiffrer les retombées économiques attendues. Et pour cause, poursuit Bastien Drut :
« Les études peinent généralement à mettre en évidence des retombées économiques significatives pour les pouvoirs publics et pour l’économie locale lors des grands événements sportifs. »
Ce que confirme la SA Euro 2016, organisatrice :
« Faute d’outil adéquat, il n’est pas actuellement possible de chiffrer ou d’évaluer les retombées globales, directes ou indirectes, immédiates ou à terme, d’un grand événement organisé en France. De ce point de vue, la mise en chantier par le Gouvernement d’un outil de mesure des retombées des grands événements sportifs, dont l’Euro 2016 pourrait constituer la première mise en application, constitue une intéressante novation. »
« Le tourisme baisse pendant les évènements sportifs »
L’UEFA met tout de même en avant l’exposition médiatique de l’évènement :
« L’exposition télévisée du tournoi donnera aux villes-hôtes une visibilité exceptionnelle. Sur la base de l’audience de l’Euro 2012, on sait par exemple qu’une ville accueillant 5 matches de l’EURO 2016 sera vue au minimum par 650 millions de téléspectateurs dans le monde entier. C’est une chance exceptionnelle de promotion pour les sites. »
L’impact sur le tourisme est toutefois sujet à caution :
« On assiste souvent à des effets de substitution lors des tournois, estime Bastien Drut. Des personnes qui seraient en “temps normal” venus visiter la ville peuvent ne pas venir par peur de l’encombrement, de bagarres, etc. Le tourisme baisse pendant les grands événements sportifs. Sur le long terme, il est possible que l’image d’une ville s’améliore mais c’est extrêmement difficile à prouver et les effets peuvent aussi être négatifs : imaginez par exemple une scène d’émeute retransmise partout dans le monde… »
A qui profite le dribble ?
Ou une grève dans un bus. A l’arrivée, et dans le contexte que l’on sait pour les finances publiques, le coût de l’évènement inquiète les collectivités du club des sites, qui disent rester « vigilants et mobilisés quant aux équilibres économiques de cette compétition et s’inquiètent de la perspective de la suppression prochaine par l’Etat de la taxe sur les spectacles ».
Mais à qui va profiter l’Euro, finalement ?
« Il n’y a évidemment pas que des perdants, répond Bastien Drut. Avec Stefan Szymanski, nous avons montré que l’affluence au stade augmentait durablement de 15% pour les clubs de 1ère et 2e division quand un pays accueille l’Euro ou la Coupe du monde. »
A Bordeaux, les grands vainqueurs de l’Euro2016 seront donc… les Girondins, qui vont hériter d’un stade flambant neuf, largement financé par les contribuables – 6,7 millions d’euros par an pour la ville, d’après le calcul des opposants au partenariat public-privé conclu pour sa construction, et qui demande son rachat par le club. Une position que partage l’économiste Bastien Drut :
« Je déplore le fait que la France n’ait pas saisi l’opportunité de l’Euro 2016 pour essayer de faciliter l’acquisition des stades par les clubs… Cela serait pourtant pour eux un moyen de développement économique, c’est dommage. »
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