Le 11 octobre, nous célébrerons la Journée internationale de la fille, date promulguée par l’ONU en 2012. Beaucoup l’ignorent, alors même que ce mouvement initie une immense prise de conscience, saluée en juillet dernier par le Girl Summit à Londres.
Alors, au moment de me pencher sur ce texte, mon esprit vole vers celle à qui nous pourrions dédier cette journée : Malala Yousafzai, qui à 17 ans devient Prix Nobel de la Paix. Un prix saluant l’immense courage d’une enfant martyrisée pour avoir combattu pour que toutes les jeunes filles de son âge accèdent à l’éducation. Ce qui lui a valu une tentative d’assassinat. Même une balle à bout portant ne l’a pas fait fléchir… Incroyable détermination.
Et puis, comme portée vers d’autres continents, je pense aux 220 jeunes Nigériennes enlevées sous prétexte qu’elles allaient s’instruire sur les bancs de l’école. Mais aussi à ces deux adolescentes indiennes de 12 et 14 ans agressées alors qu’elles se rendaient dans un champ… Violées et pendues par leurs agresseurs. Mais encore à Aichatou Mohamed, jeune réfugiée malienne au Niger, scolarisée dans un autre pays pour échapper à un mariage forcé…
Je ne ferai pas le tour du monde. Je le pourrais aisément. Partout sur notre planète des jeunes filles luttent pour échapper au pire. 700 millions de jeunes mariées avant leurs 18 ans. 130 millions de filles excisées…
A lire ces chiffres, nous ne pouvons penser qu’il s’agit juste d’un ailleurs. Le droit des femmes et de leurs filles bafoué de par le monde me laisse penser qu’il faudra bien longtemps encore faire entendre nos voix. Un engagement permanent car dès que le silence nous gagne, les femmes perdent du terrain. N’a-t-on pas constaté en Chine un retour aux mœurs et pratiques du passé alors même que le régime de Mao Zedong avait établi une égalité entre les hommes et les femmes ?
Quelle n’a pas été ma stupeur de constater cet été, fleurir sur les réseaux sociaux de très jeunes filles arborant des pancartes « Women against feminism ». Un souffle balayant d’un revers de main le combat de femmes engagées pour nous. Et même si, comme toutes les révoltes, certaines manifestations sont parfois excessives, on ne peut considérer que celles qui se battent pour l’égalité, l’éducation et la liberté ne représentent qu’un mouvement extrémiste, dogmatique et vindicatif.
Des droits qui progressent mais qui ne sont jamais acquis
Certes, nous avons de la chance. C’est ce que je me répète à chaque fois qu’une information venue d’un autre continent m’ébranle totalement. Notre pays nous offre une liberté enviée dans le monde. Grâce à nos mères, nous allons voter, nous gérons un compte en banque, nous pouvons travailler, conduire, aller au restaurant entre amies. Grâce à nos pères nous étudions, intégrons de grandes écoles, avons l’espoir de réussir. Grâce à nos gouvernements, nos droits progressent et nous intégrons les conseils d’administrations, les partis politiques. Grâce au peuple révolté, nous ne renonçons pas au droit à l’avortement…
Quelle immense chance de voir progresser nos droits pour nous et nos filles, poussées par des grands-mères qui se sont battues à la guerre, comme leurs hommes tenant fusils, usines et enfants.
Que dire alors à nos filles ? Que lutter pour l’égalité des droits, l’égalité de traitement, le fait de ne plus être rabaissée et de pouvoir faire ses choix n’est pas acquis ? Peuvent-elles entendre qu’en Europe, un adolescent sur trois a avoué être victime d’intimidation à l’école, qu’une jeune fille sur 10 de moins de 20 ans déclare avoir été agressée sexuellement au cours de sa vie en France, que 95000 individus de moins de 20 ans ont été victimes d’homicide dans le monde. A-t-on envie d’entendre tout cela lorsque la vie s’ouvre à nous ?
S’interroger sur sa place dans la société
Alors pour nos filles, que pouvons-nous imaginer ? Une éducation structurée et ouverte sur le monde contemporain. Ainsi, nos filles sauront-elles écrire des algorithmes informatiques. Programmer pour développer leurs capacités d’analyse et leur esprit critique. S’autoriser à rêver d’être ingénieures chez EADS ou Dassault. Déterminer les conditions écologiques, techniques et sociales de leur environnement. Apporter leur coopération à des projets associatifs pour apprendre à construire ensemble dès leur plus jeune âge, à partager, diriger, prendre part à la vie de leur cité. Suivre sur des MOOC des formations sur le leadership, le management, la confiance en soi et s’interroger sur leur place dans la société.
Pouvoir s’habiller comme il leur semble, avec ou sans talon haut, traverser leur ville à la nuit tombée sans risque, circuler dans le monde librement, vivre seule ou en famille, progresser dans leur carrière et avoir des enfants sans sacrifices, choisir de s’engager librement et sans pression dans un parti, embrasser une carrière politique en combattant pour des idées et non contre ses pairs, pousser le plafond de verre, ne pas avoir à réclamer un salaire égal à compétence égale, ne pas finir par renoncer car le combat semble trop dur… Garder les yeux ouverts sur le monde…
C’est une longue marche, une course de relais où les filles reprendront le flambeau des mères et des pères qui s’engagent à leur côté. Car rien ne se fera sans eux. « Il faut beaucoup aimer les hommes » écrivait il y a peu Marie Darrieussecq. Oui beaucoup aimer les hommes pour inventer notre monde.
Marie-Laure Hubert Nasser occupe le poste de Directrice de la communication de la ville de Bordeaux.
Elle est écrivain et auteur du blog AllezBordelaises.
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