Pour la première fois, le forum de la cohésion sociale et territoriale se tenait à Darwin. Le Hangar 14, où s’étaient déroulées les éditions précédentes, accueillait ce même jour un meeting de Nicolas Sarkozy. Alain Juppé y était présent et s’est fait huer par les militants UMP qui supportent l’ancien Président. Il s’est rendu ensuite au Skate Park de la caserne Niel pour intervenir à la conférence : « Notre modèle social à l’épreuve des mutations ».
Le maire de Bordeaux a fait allusion au discours de son probable futur adversaire aux primaires de la droite, qui a abordé une nouvelle fois la question de l’âge de l’ex Premier ministre :
« J’ai pris deux ans de plus puisqu’on vient de prétendre que j’avais 71 ans ! »
La conférence de la consolation
Après avoir été malmené par les partisans sarkozystes, Alain Juppé allait être requinqué pendant cette conférence par une assemblée acquise à sa cause, aussi bien sur l’estrade que dans le public. Ce dernier est venu nombreux pour écouter le maire, entouré de Geneviève Ferone-Creuzet, experte en responsabilité sociale des entreprises ; Alexandre Jardin, écrivain cinéaste, fondateur du mouvement Bleu Blanc Zèbre ; et Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental.
Le bal des éloges est ouvert par Alexandre Jardin, évoquant Darwin :
« Vous avez à Bordeaux un lieu qui illustre ce que doivent être dorénavant les initiatives citoyennes. Car il faut arrêter d’attendre que les solutions viennent d’en haut. Chacun doit faire sa part et fabriquer ses propres solutions. »
Alexandre Jardin a développé sa théorie du discrédit de la parole politique qui rend urgente l’ouverture d’une troisième voie, tout en érigeant Alain Juppé au rang des « faiseux » puisqu’il a permis de telles initiatives dans sa ville. Applaudissements nourris de la salle.
« La beauté, c’est Bordeaux ! »
Geneviève Ferone-Creuzet a déploré de son côté « les mots qui se vident de sens » dans les discours politiques : innovation, numérique… Elle salue l’arrivée d’une « nouvelle civilisation » :
« Il y a quelque chose derrière cette crise ; une volonté de rebondir et de se sentir utile. Il y a des initiatives magnifiques qui prennent forme car il y a chez l’homme cet ADN universel qui le rend toujours entrepreneur. Il suffit de lui rendre sa dignité dans ses moments difficiles (…), rendre à l’humain sa beauté car la beauté est structurante. »
Il n’en fallait pas plus pour que le maire de Bordeaux saisisse de si belles perches. Il a témoigné de sa rencontre avec une SDF dans le quartier de Saint-Christoly qui lui avait ouvertement reproché de ne pas l’avoir saluée : « Vous êtes passé et vous ne m’avez pas regardée. » Alain Juppé fait état d’une « leçon sévère » sur le principe d’ « exister pour l’autre ».
Il a par ailleurs vanté les retombées pour la ville de son patrimoine : « La beauté c’est Bordeaux ! » a lancé Alain Juppé. Geneviève Ferone-Creuzet a approuvé, faisant valoir le fait que la capitale girondine est devenue une ville attirante, brandissant un indicateur sans faille : « Au point que les Parisiens veulent venir y vivre ». Applaudissements nourris de la salle.
Nourrir des espérances
Dans ce sens, Jean-Paul Delevoye a reconnu à Juppé « le pouvoir de fédérer des énergies ». Cet ancien ministre, qui a pris ses distances avec son ex-parti politique l’UMP, a attribué au maire de Bordeaux « la qualité de faire confiance » :
« Le pouvoir est là pour faire confiance car chaque personne veut être coproducteur du futur. On ne maitrise plus la circulation des capitaux comme on ne maitrise plus la circulation des idées. Il faut mettre fin à l’économie de l’acquisition et encourager l’économie de partage. »
Il faut donc nourrir les espérances, pour empêcher de « se réfugier dans des votes extrêmes ». Delevoye a fustigé les politiques qui « se ressemblent pour conquérir le pouvoir ». Applaudissements nourris de la salle.
« Une crise de foie de langue de bois »
En l’absence d’un réel débat, Alain Juppé a juré se soucier de « la protection de l’environnement comme de la prunelle de ses yeux ». Il a rappelé les 70% d’économie d’eau faits par la Ville sur l’entretien de ses espaces verts. Il a également évoqué le cas qu’il juge regrettable d’une usine empêchée de s’installer sur un terrain de la CUB car une espèce rare de tortue venait d’y trouver refuge : « On doit appliquer les normes avec intelligence. »
Rien de vraiment nouveau, en quelque sorte : les discours politiques adoubent désormais des idées déjà en place et issues de volontés parallèles. Un peu plus tôt, Geneviève Ferone-Creuzet se plaignait d’ « une crise de foie de langue de bois »…
Chargement des commentaires…