Marc Pena nous l’a rappelé plusieurs fois, il est à la tête d’une entreprise familiale. Rien à voir avec les autres acteurs du monde florissant des déchets, mastodontes auxquels il prend des parts de marché en Gironde.
L’affaire familiale, créée dans les années 60 est devenue florissante. Pour Pena Métaux, le chiffre d’affaires a plus que doublé entre 2009 et 2013 passant d’un peu plus de 21 millions d’euros à plus de 58 millions. Etablie à Mérignac par Pena père, l’entreprise, qui ne s’occupait que de récupération de ferrailles a considérablement étendu son champ d’activité.
Déboisement illégaux
En 2001, un arrêté préfectoral autorise Pena Métaux à exploiter une unité de récupération et de traitement de métaux et de transit de déchets industriels. Il stipule clairement, comme pour toute ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement) soumise à autorisation, que toute modification de son activité doit faire l’objet d’une nouvelle autorisation. Mais les choses, apparemment, ne vont pas assez vite pour l’entreprise. Entre 2001 et 2014, comme on le voit grâce à un montage sur Google Map réalisé par l’association de riverains Asso2P la surface occupée par l’entreprise a plus que doublé.
Alors qu’une nouvelle demande d’autorisation est à l’étude à la Préfecture de Gironde pour permettre à Pena d’étendre son activité, l’entreprise n’a pas attendu pour défricher illégalement des terrains boisés. Un courrier de la Mairie de Mérignac de février 2013 envoyé à l’association de riverains constate les faits :
Mise en demeure
Créée en 2012, cette association de riverains mène une bataille contre l’entreprise dont ils subissent les nuisances (déchets stockés à même le sol, présence de déchets toxiques, accumulation de poussières sur la chaîne de broyage qui se répandent dans l’environnement). Financée par l’association, une analyse des eaux du fossé proche de l’entreprise a révélé des taux de cuivre et de plomb 20 fois et 30 fois supérieurs aux limites autorisées.
Des résultats qui ne sont pas jugés recevables par la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), chargée du contrôle des installations classées à cause des conditions du prélèvement (un jour sec, dans une eau stagnante). Quant à associer Pena et la pollution, rien ne permet de l’affirmer, juge Didier Gatinel, responsable de l’unité territoriale, car l’activité de l’entreprise ne nécessite pas l’utilisation d’eau dans ses process. Pourquoi ne pas refaire des analyses mieux calibrées ?
« C’est un autre problème. Il y a 500 ICPE soumises à autorisation à contrôler pour 14 agents. Je ne vais pas vous dire que Pena est exemplaire et que ses rejets dans l’environnement ne posent aucun problème, mais il y a des cas, en Gironde, qui génèrent des risques plus importants et sur lesquels je préfère réserver les contrôle inopinés. »
Néanmoins, en mai 2014, l’entreprise s’est fait rappeler à l’ordre. Après un rapport d’inspection de la DREAL en 2013, elle est sous le coup d’un arrêté de mise en demeure datant de mai 2014. Le motif : extension de la zone d’activité et changement de la nature des activités, stockage de déchets sur des surfaces non imperméabilisées, non respect des prescriptions techniques concernant la canalisation des effluents aqueux, etc.
Depuis, le dossier est en cours, affirme Didier Gatinel. Pena a répondu point par point aux manquements soulignés, fait un dépôt de demande de subvention auprès de l’agence de l’eau pour l’équipement de gestion des ses effluents aqueux et, depuis la visite de l’inspecteur des installations classées en 2013, sa surface d’exploitation a retrouvé, pour ce qui est du stockage et du traitement, les limites de la zone de 2001, assure la DREAL.
Aller plus vite que la musique des administrations
Interrogé par Enquête Ouverte sur cet arrêté de mise en demeure, Marc Pena répond qu’il n’attend plus que l’autorisation d’extension de son activité pour pouvoir réaliser les travaux nécessaires à la réduction des nuisances. Un permis de construire pour couvrir la chaîne de broyage a en effet été attaqué au tribunal administratif par l’association des riverains au motif qu’il ne respectait pas l’autorisation d’exploitation de 2001.
« Cet exemple montre que le cas de Pena Métaux crée des crispations fortes, souligne Didier Gatinel. Ce blocage est paradoxal car couvrir aurait été un moyen de réduire les nuisances. »
Dans une lettre adressée en mai 2014 au Collectif Déchets Girondin, Marc Pena reconnaissait être conscient des gênes générées par son exploitation et affirmait qu’il entreprendrait dans les jours prochains la construction d’un bâtiment afin de couvrir la zone de nuisances.
Une méthode qui consiste donc à devancer les autorisations, puis obtenir une régularisation. Le dossier d’extension, en cours de traitement donnera lieu à une enquête publique, qui promet d’être animée. D’autant qu’au problème de l’emprise foncière et des nuisances s’ajoutent d’autres enjeux : la valeur des maisons limitrophes, l’histoire d’une petite route abîmée par le trafic, fermée d’office par la municipalité et transformée en dépotoir, etc. A lire bientôt.
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