
Inaugurée vendredi dernier, et en service le 16 mars, l’extension de la ligne C va emmener le tramway près des deux tiers des Béglais, et relier les Terres Neuves au reste de la ville. De quoi réussir la greffe de ce nouveau quartier, né sur les gravats de la cité Yves-Farge, et davantage tourné vers Bordeaux ?
Noël Mamère, maire de Bègles, et Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, en goguette dans le tramway sur un fond d’air disco joué par la Grasse bande, entourés de nombreux Béglais : l’inauguration de l’extension de la ligne C du tramway vendredi dernier se fait « à la béglaise », façon fête de la Morue.
Si Noël Mamère préfère offrir un vestige de l’ancien tramway – découvert durant le chantier – à un de ses administrés plutôt qu’à Alain Juppé, l’ambiance est joviale et bon enfant. Mais le voyage n’est pas tout à fait inaugural : les usagers ne pourront faire les 3,7 kilomètres entre les Terres Neuves et le lycée Vaclav Havel qu’à partir du 16 mars. L’occasion, espère la mairie, pour les modernes et atypiques Terres Neuves de devenir un véritable lieu de vie et un nouveau quartier intégré au village béglais.
Pour l’heure l’arrêt Terres Neuves, encore le terminus de la ligne C pour quelques jours, est à mi-chemin entre le quartier moderne avec ses immeubles design, et la friche avec ses bâtiments anciens destinés à la démolition qui résistent encore face aux multiples constructions.
« Work in progress »
Les aménagements paysagers essaient de faire oublier les tas de sable et les barrières de travaux. Si le quartier était un site internet, on pourrait y lire « work in progress ». Et pourtant sur les 1100 logements prévus sur le quartier, les 4/5e sont livrés et habités aux trois-quarts. Et ça, c’est déjà un premier pari remporté.
Au milieu des beaux immeubles – modèles de magazines d’architecture – et des entreprises liées au domaine de l’économie créative (production audiovisuelle, du spectacle, du design et de la communication…), on oublie facilement qu’ici se dressaient les tours de la cité Yves-Farge, démolies entre 2007 et 2010 dans le cadre d’une opération de renouvellement urbain.
Dans le quartier, la mixité sociale reste néanmoins une priorité, car les logements sont constitués à parts égales de locations, de biens en accession à la propriété et d’autres en accession libre. La moitié des anciens habitants de la cité ont été relogés dans le quartier, estime-t-on chez Vilogia, aménageur du site. Et comme les Terres Neuves font partie de zone de rénovation urbaine, entre la TVA à 5,5 %, l’aide à la pierre de Bordeaux Métropole et le prêt à taux zéro, les acquéreurs peuvent y trouver un T4 à 200 000 €. Aux portes de Bordeaux.
Commerçants contents
Afin d’assurer le développement du quartier, la ville a également souhaité en faire une zone d’activités.
« Ce projet est original et exemplaire, se félicite Jean-Etienne Surleve-Bazeille, adjoint au maire chargé de l’urbanisme, car nous apportons des logements, des emplois avec la cité numérique et les entreprises liées à l’économie créative et les transports avec le tramway. »
Des arguments qui ont convaincu les commerçants. Si la supérette Casino se sentait un peu seule au début, elle est maintenant entourée par un coiffeur, La Poste et une pharmacie depuis janvier. Ce dernier commerce « n’a pas été facile à convaincre », reconnaît Isabelle Boudineau, première adjointe au maire. Installé 300 mètres plus loin auparavant, Raphaël Chanseau avait quelques doutes quand il a ouvert son officine face au tramway, en raison de l’absence de parking notamment. Mais un mois et demi après son installation, il ne cache pas sa satisfaction.
« On a un bel emplacement, il y a du monde tout le temps, à 100 mètres près cela aurait pu être complètement différent. » Il a déjà doublé son effectif de salariés et attend avec impatience l’extension du tramway : « Ça va apporter des gens des deux côtés ».
Même satisfaction pour les propriétaires du Café Comptoir de Bègles, brasserie installée avenue Jules Guesde depuis septembre 2013.
« Après avoir vendu notre affaire de Bordeaux centre, on s’est intéressé à la périphérie et on a vu que ça bougeait à Bègles entre les Terres Neuves et Euratlantique, et on a trouvé cet ancien salon de coiffure, près du tram. Quand on a vu qu’il y avait le 48 en face, on s’est dit qu’il devait y avoir des perspectives… », explique Eric, le propriétaire.
A trois stations de la gare Saint-Jean
Et effectivement quelques jours après son ouverture, le lieu affichait déjà complet tous les midis. Les propriétaires pensent qu’avec l’ouverture du pont Jean-Jacques Bosc, prévue fin 2018, et la transformation des abattoirs en pôle régional culturel, leur activité devrait encore profiter. Bègles devient vraiment un lieu stratégique. « The place to be » en somme.
Pourtant en 2008, quand les premières entreprises se sont installées, il fallait y croire.
« Il n’y avait pas de commerces, ni de logements, se rappelle Marie Alibert, chargée de communication à l’école supérieure des techniques du spectacle et de l’audiovisuel Adams 3iS. Le site était en friche et nous n’avions aucune visibilité. L’image n’était pas terrible. Et puis, cela s’est développé, grâce au tramway. Nous avons beaucoup d’étudiants ou de professionnels en formation qui ne sont pas de Bordeaux, alors la gare Saint-Jean à trois stations de tram est un bon argument. Et avec la résidence étudiants à côté, on peut proposer aux parents d’aller visiter un studio pour leur enfant en même temps qu’ils découvrent l’école ».
Une installation qui s’avère hautement stratégique aujourd’hui.
« Nous bénéficions de l’avantage d’être proche de Bordeaux tout en étant à Bègles. Grâce aux partenariats avec la ville et les autres entreprises, nous avons pu réaliser des films et des sujets qu’il aurait été difficile de faire à Bordeaux centre. »
Les Terres Neuves et Bègles : la greffe prend-t-elle ?
Le deuxième challenge pour les Terres Neuves est de s’intégrer au reste de la ville. Et pour l’instant, cela ne semble pas évident. A l’arrêt Terres Neuves, le quotidien des habitants est plutôt tourné vers Bordeaux. C’est le cas de Manon : cette jeune néo-Béglaise installée aux Terres Neuves depuis juillet, n’a jamais mis les pieds dans le centre de Bègles.
Sur place, elle a tout : le logement, les commerces et le tramway et son quotidien est plutôt tourné vers Bordeaux ou Pessac, pour son travail, où elle se rend en bus. Même chose pour Aurore qui habite près du Casino depuis un an et va travailler en voiture route de Toulouse, sans connaître le reste de sa ville.
Rares sont les résidents « hors Terres Neuves » qui se promènent dans le secteur. Et pour cause : sans l’extension du tramway, les deux pôles se retrouvent dos à dos. Une situation qui pourrait changer dans les prochaines semaines puisque que grâce au tram, les Terres Neuves deviendront un lieu de passage incontournable. Tout le monde y croit, du moins.
« J’habite près du stade, explique Cécile en posant son Vcub à l’arrêt Terres Neuves, je prends ma voiture jusqu’aux Terres Neuves et ensuite le vélo ou le tram pour aller à Bordeaux. Avec le tram à Bègles, je n’aurai plus besoin de prendre ma voiture pour faire 2 kilomètres. »
Les deux tiers des Béglais auront accès au tramway
Et elle n’est pas la seule à l’attendre. Anaïs qui habite à 400 mètres de l’arrêt stade Musard n’aura plus besoin de demander à ses enfants de pédaler pour rentrer de Bordeaux, Orianne et Hamza, deux lycéens, vont gagner 20 minutes pour faire le trajet Villenave d’Ornon-Ravezies et Aurore qui habite à 200 mètres du tramway va économiser 15 minutes de son temps matin et soir. Quant à Françoise qui vit en face des Terres Neuves, côté Bordeaux, elle va pouvoir aller au parc de Mussonville sans prendre sa voiture.
Cette extension va également booster la popularité de la gare de Bègles, « trop confidentielle », estime Clément Rossignol, adjoint chargé de l’urbanisme :
« La fréquence des TER va s’intensifier, ce ne sera plus la peine d’aller à la Gare Saint-Jean et ce quartier va devenir un lieu de vie. »
A partir du 16 mars, les deux tiers des Béglais auront accès au tramway. Et ce lien entre les différents quartiers, grâce au tram, la mairie y croit. On peut la comprendre au vu des 500 000 € investis chaque année depuis cinq ans pour rénover le mobilier urbain et aménager les alentours…
« C’est un gros effort, ce n’est pas comme pour la première phase à Bordeaux où tout avait été financé par la communauté urbaine », raille Isabelle Boudineau, la première adjointe.
Et si les habitants de Bègles étaient tentés d’ignorer leurs Terres Neuves, la mairie rappelle que sans ce quartier et sa densité, le tramway n’aurait jamais traversé la ville.
Le bilan est pour le moment très mitigé, ce n'est pas une réussite.
Hormis la proximité avec Bordeaux, le quartier n'a pas grand chose d'attractif. C'est mort, froid, sale dans les rues, pas fini. Au niveau de la sécurité c'est feux de poubelles et dégâts sur les voitures en plus. Le parking privé situé dans le quartier n'est pas entretenu, pas besoin de payer l'abonnement c'est libre d'entrée toutes les portes ont été fracturées... Et dès qu'il fait beau le dimanche, les motocross abiment la pelouse du tramway...
A voir comment ça évolue dans les prochaines années, mais moi je n'en serai pas !
Certes il y a une mixitee interessante mais une insecurite presente, rien n est respecté, on est jamais rassuré en traverssant ce lieu si lugubre.
Pas une grande reussite pour l instant.
Le quartier est sale, les poches d'ordures ménagères sont "déposées" sur le trottoir alors que nous disposons de containers enterrés, le sol est jonché de canettes de bière, d'emballages divers et variés et mégots de cigarettes par milliers. Les gens déposent leur encombrants sur le trottoir. La mixité sociale souhaitée par la Mairie ? sans commentaires ... Les immeubles neufs de logements sociaux sont déjà dégradés.
Je suis sidérée par les articles de presse élogieux de ce quartier, ils devraient interroger les propriétaires qui ont investis dans ce quartier.
Car pour l'heure, il s'agit d'un échec : Trop technocratique, trop médiatique, trop loin des transitions assumées collectivement par une population impliquée, trop coupé de Bègles, trop passé en force sur certains aspects, trop minéral, les Terres Neuves n'ont finalement de neuves à l'arrivée que le nom, les problématiques qui s'y rencontrent exponentiellement au fil des mois n'étant que la version ajournée et remodelée des anciennes : froideur, saleté, déshumanisation du cadre, absence de vie sociale et de sécurité minimale, déficit de la mixité annoncée, incivilités et dégradations constantes qui ne rencontrent que l'absence de quelconque volonté visible que ce soit d'y apporter la moindre solution, tout le monde se renvoyant la balle sans jamais assumer sa part... il ne reste dès lors qu'un quartier paradoxalement enclavé malgré le tramway, coupé du Bègles historique et de sa vie socio-culturelle, dont les premiers propriétaires vont finir par quitter les lieux petit à petit pour quasiment le ramener à sa configuration initiale où populations précaires, étudiants "pas concernés" et jeunes travailleurs "en transit" formeront le gros des troupes, le tout sous la férule de quelques poignées de délinquants abandonnés à leur sort et autres parasites sociaux pour qui le nouveau quartier, loin de représenter une opportunité pour insuffler une inflexion quelconque et changer le cours de leur vie, n'aura été que l'occasion d'une "adaptation" au nouvel environnement. Pas facile d'implanter des bobos au milieu de ce qui était jadis la classe ouvrière...
De ce semi-fiasco émerge des constatations contradictoires, entre intérêt indéniable de la ligne de tramway, offrant à Bègles la porte sur la ville-centre qui lui manquait depuis toujours et véritable cordon ombilical pour des quartiers jusque là "enterrés" au cœur de Bègles, et échec global de la transition du quartier, où en outre ce qui tend à lui conférer son peu d'intérêt est voué à disparaître pour laisser en lieu et place les espaces d'une simple amplification de ce qui est d'ores-et-déjà constaté. Comment rectifier le tir serait donc la bonne question à se poser, mais elle ne semble ni à l'ordre du jour des pilotes ni même vraiment dans les intentions. Quant aux capacités...
Il faudrait pourtant songer sérieusement à répondre aux simples questions que posent les populations concernées (aux deux sens du terme) et commencer par ramener autour de la table un certain nombre d'acteurs et parties prenantes, en rappelant à chacun ses engagements et obligations contractuelles, pour ne serait-ce que doter le quartier de standards de vie classiques (sécurité, hygiène, stationnement, etc.) et par la même occasion essayer d'y impulser une vie sociale pour tenter de rompre avec le caractère tristement impersonnel et absolument lisse de l'architecture, dont le choix, une fois le clinquant de la présentation ramené à sa banale réalité tout simplement froide et laide, ne cesse d'interroger.
Certes, il ne pouvait naître ici un quartier d'échoppes ou de pavillons résidentiels et immeubles limités à R+2, la densification autour du tramway faisant partie du cahier des charges, mais des règles de prospect mieux respectées et un front bâti qui laissent un semblant d'espace à la vie là où elle a lieu n'auraient pas nui à la perspective. Les finitions éternellement attendues apporteront peut-être leur lot de petites réponses à quelques questions mais il s'agirait de comprendre enfin ce qui ne fonctionne pas d'une part et ce qui ne peut pas fonctionner d'une autre. Pour la première, il y a d'abord l'absence de prise ou de tenue des responsabilités, de Vilogia en tête à la commune en passant par divers acteurs publics dont le "wait and see" semble la règle cardinale et passablement intangible ; pour la seconde, un modèle de développement urbain qui reprend et concentre savamment les erreurs d'aménagement qui constituent pourtant l'actuel standard de "rénovation" et autre "réhabilitation" de l'espace urbain : architecture froide et globalement pitoyable relevant du low cost visuel, minéralisation outrancière à laquelle les apports tardifs par acquis de conscience ou simple prétexte ne changent rien à la nature des lieux, paradigme sécuritaire à effet inversement proportionnel au résultat recherché de par le déficit fonctionnel et le rejet mécanique du caractère intrinsèquement totalitaire de normes constituées exclusivement d'obligations et jamais de choix...
A quand une vraie réflexion sur cette dernière question, et surtout ailleurs que sous les fourches caudines monolithiques d'institutionnels qui relèvent tous du même cahier des charges sans compréhension réelle des effets pervers d'un tel modèle, ni évidemment sans âme quelconque pour emprunter à la vie locale et transcender ses mutations puisque la technocratie "apolitique" décide de tout à la place de l'humain dépolitisé ? A part un pôle de communication et création visuelle qui a quelque chance de devenir un projet réussi et un outil en accord avec les missions, que reste-t-il aujourd'hui des ambitions affichées en formes de slogans, de l'intégration des interfaces à la mixité tant vantée ? En tout cas si on veut dépasser les limites de l'auto-satisfaction permanente et de l'enfumage médiatique.
Merci pour vos réponses
En 1 mois, 3 commerces dégradés dont un brûle. Le dernier c'était ce soir.
Pour notre part nous fuyons ce quartier. Un conseil, n'acheter surtout pas ici...
Je me suis donc mise à chercher des commentaires sur internet sur ce quartier et je découvre tous ces avis qui semblent dire que rien n'a changé depuis 2014.
J'ai du mal à comprendre pourquoi les gendarmes semblent avoir peur d'une vingtaine de jeunes qui ne font finalement que faire des tours de moto-cross et squatter autour de leurs voitures...
Pour l'instant je n'ai vu aucune voiture vandalisée...
Pourtant au quotidien j'apprécie ce quartier, on s'y gare facilement, il y a beaucoup de commerce et on a le tram aux pieds de nos résidences.
J'ose vraiment espérer que les choses changeront avec l'arrivée de nouvelles populations... J'avoue qu'étant seulement locataire, je ne prends pas trop de risques et je comprends la réticence à investir dans l'immobilier ici... C'est pourtant possible de désenclaver un quartier... Qu'est-ce qui fait que ça ne prend pas ici ?