Cette société privée, dont les principaux actionnaires sont Vinci (33,4%) et CDC Infratructure, filiale de la Caisse des dépôts (25,4%), va exploiter pendant 50 ans cette LGV, après l’avoir construite via le groupement d’entreprises Cosea. Elle justifie ses mesures visant à compenser les dégâts écologiques causés par la nouvelle infrastructure :
« Cosea ne fait que respecter les arrêtés réglementaires : replanter 1350 hectares de forêts est une obligation. »
Cosea affirme avoir déjà en avoir replanté depuis le début du chantier de la LGV (2012) 966 tout en admettant que « l’éloignement compensatoire se situe dans le périmètre des six départements (région Poitou-Charentes plus la Gironde) impactés par la LGV SEA ».
Lisea reconnaît ainsi que la loi n’oblige pas à reboiser à proximité des chantiers :
« Il faut trouver des propriétaires qui acceptent de le faire (reboiser, ndlr) »
Bilan de la compensation en 2017
Lisea précise par ailleurs que l’absence de bilan des mesures compensatoires est « normal : le chantier de la LGV est en cours ; le bilan sera fait quand la construction et les mesures compensatoires seront mises en place en 2017 ».
L’opérateur affirme sur ce point que « on a beaucoup progressé en termes de protection de l’environnement sur un tel chantier par rapport à des projets plus anciens. Il y a eu une évolution de la réglementation pour éviter au maximum les dommages à la biodiversité ».
Pourtant, la commission d’enquête sur le projet GPSO met en doute l’efficacité des mesures compensatoires : dans ses conclusions, un des motifs justifiant l’avis négatif sur les projets de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Espagne, c’est justement que « les impacts sur la biodiversité (du projet GPSO) seront importants » malgré les mesures de réduction et de compensation.
Thierry Charlemagne, directeur du service « développement durable » chez Lisea, souligne qu’il existe « un triptyque dans la loi biodiversité : éviter-réduire-compenser ».
« A chaque projet d’aménagement on doit d’abord regarder toutes les mesures d’évitement par rapport au milieu naturel ».
850 ouvrages de franchissement pour la faune
En matière de réduction de l’impact du chantier, Thierry Charlemagne précise que « Cosea a construit 850 ouvrages de franchissement pour permettre à la faune de traverser les lignes ».
« Des migrations d’espèces, comme les amphibiens, sont aussi opérées pour les remettre dans leur milieu naturel à proximité du chantier et du milieu impacté », poursuit Delphine Quintard, chargée de mission biodiversité à Lisea.
Mais là encore, et comme le répètent les associations environnementales, aucun bilan sur l’efficacité de ces dispositifs n’est disponible.
Enfin et surtout, Lisea reconnaît la complexité – pour ne pas dire plus – de la mise en œuvre de ces mesures compensatoires.
« On commence par définir un cahier des charges comportant les mesures de restauration des milieux à mettre en place, on liste des zones de prospection où l’on va aller pour identifier les sites susceptibles d’accueillir ces mesures et les propriétaires intéressés », résume Thierry Charlemagne.
Dans ce cadre Lisea a monté des « missions d’animation foncière » pour trouver des sites potentiels identiques à ceux impactés par le chantier.
« On contacte les gens – propriétaires fonciers, agriculteurs… – pour savoir s’ils seraient intéressés pour contracter dans le cadre de ces mesures compensatoires », poursuit Thierry Charlemagne.
Parcours du combattant
Une fois les sites potentiels définis, les experts de Lisea mènent des diagnostics écologiques pour confirmer s’il est possible de recréer un biotope similaire à celui impacté.
« Si le site est favorable on met alors en place un processus de conventionnement ou d’acquisition, poursuit Delphine Quintard : on signe une convention avec l’exploitant concerné et l’on envoie le dossier aux services de l’Etat qui valident à la fois le principe, la surface et les espèces concernées. Si le diagnostic dit que cette zone n’est pas favorable on n’y va pas. Si c’est positif, il faut aussi que les services de l’Etat valident le dossier. Pour l’acquisition, c’est beaucoup plus complexe car on rétrocède dans ce cas les terrains aux conservatoires d’espaces naturels. »
Trouver un terrain disponible où l’on pourra reconstituer un biotope, et un propriétaire consentant à le « geler » pendant vingt ans – durée de la convention passée avec Lisea –, relève du parcours du combattant. C’est pourquoi Les équipes de Lisea n’en sont qu’au stade de l’identification de ces sites « favorables », une procédure encore en cours.
Depuis le lancement du chantier de la LGV Tours-Bordeaux, seuls 700 hectares pouvant accueillir ces mesures compensatoires ont été validés par les services de l’État.
« On a aussi un stock d’un millier d’hectares potentiels qui font actuellement l’objet d’un diagnostic écologique, précise Thierry Charlemagne. Si c’est positif, ça va faciliter ces mesures ; si c’est négatif, ça va les rendre plus difficiles et alourdir le budget ; tout va dépendre des résultats de ces diagnostics et des animations foncières. C’est trop tôt pour faire un bilan. »
Quand on sait que le projet GPSO doit impacter 4800 hectares de biotopes (dont 2800 de forêts) on imagine la gageure que constitue l’hypothétique reconstitution des zones impactées par le chantier.
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