Il est loin le monopole du restaurant chinois à volonté qui sous la bannière éponyme proposait quantité de plats asiatiques d’origines variées, le plus souvent aux accents vietnamiens. Loin aussi le monopole des chaînes de sushis franchisées qui incarnaient à elles-seules la gastronomie japonaise aux yeux des Français avides d’exotisme culinaire.
Depuis quelques années, une nouvelle vague de restaurants asiatiques fleurit sur les trottoirs du Vieux Bordeaux. Ils sont thaïs, indonésiens, japonais, coréens, cambodgiens, voire un peu tout ça à la fois sous l’étiquette « fusion food », cette cuisine inspirée de toutes les traditions culinaires asiatiques.
L’essor de la cuisine de rue – telle qu’elle est pratiquée quotidiennement en Asie – explique en partie ce phénomène, combiné à une tendance à la spécialisation des restaurants, que ce soit par localisation régionale ou par produit. Face à l’engouement des Bordelais, le business se développe autour d’enseignes qui deviennent chaînes et quadrillent les points névralgiques de l’hyper centre.
En marge de ces comptoirs de street food émergent des adresses isolées, des ovnis de la gastronomie japonaise, coréenne, chinoise ou fusion, proposant une cuisine authentique, créative et raffinée.
Empires « street food »
Sur la place Fernand Lafargue, trois enseignes concurrentes se font face : le Santosha, cantine indonésienne branchée, le Pitaya, comptoir de rue thaïlandais et le Moon Wok, restaurant d’inspiration cambodgienne. Un peu plus haut rue Saint-Rémi, un autre Pitaya nargue Fufu, un noodle bar japonais…
Le grand jeu d’échecs continue dans Bordeaux, où le Nobi Nobi, concurrent direct de Fufu, a pignon sur rue Sainte-Catherine, non loin d’un autre Pitaya et d’un Wok to Walk, chaîne de restauration internationale d’inspiration thaïlandaise. Fufu a positionné un autre pion aux Chartrons, quand Pitaya s’est installé aux Capucins.
Le réseau de la street food asiatique a tissé sa toile au cœur de la ville. Comment s’y retrouver parmi toutes ces enseignes ? Où est la limite entre business et authenticité, quand il est question d’une cuisine tellement riche et séduisante mais aussi tellement galvaudée ?
Pour Emmanuel Meuret et Ange-Ludovic Chassagne, propriétaires des Fufu et de Santosha – et ex-propriétaires du Moshi Moshi (revendu) et du Sumi (fermé), business et qualité ne sont pas antinomiques. Après avoir vécu plusieurs années au Japon et enchaîné quantité de voyages à travers l’Asie et notamment en Indonésie, ils ont donné naissance au Santosha en 2007, proposant des plats indonésiens, balinais et malaisiens. Le restaurant vient d’ailleurs de faire peau neuve, avec deux woks en plus, une cuisine optimisée et de nouvelles références à la carte, comme le curry vert de poisson.
Pitaya fait des petits
C’est en 2010 qu’ils ont lancé Fufu 1, puis Fufu 2 en 2014, spécialisés dans les ramen, des pâtes à base de farine de blé plongées dans du bouillon et le plus souvent accompagnées de viande, de légumes ou de poisson. La clé de leur réussite : l’authenticité d’une cuisine traditionnelle, des ingrédients faits maison dans leur laboratoire (pâtes et bouillons compris) et de vrais woks au gaz. Le succès est au rendez-vous, récompensant une démarche de qualité.
Autre exemple de business model réussi : les comptoirs de rue thaïs Pitaya. Le premier restaurant a été ouvert en 2010 place Fernand Lafargue par Sing-Lee Ly, d’origine cambodgienne. Aujourd’hui on en compte cinq, appartenant désormais à Kheng Ly (son frère) et Kenan Guclu. Le dernier restaurant ouvert rue Sainte-Catherine en 2015 devient l’unité-pilote d’un concept en passe d’être franchisé à travers toute la France et le Benelux. La street food thaï version Pitaya séduit par ses saveurs, le bon rapport qualité/prix et la rapidité d’exécution.
Le bas de la rue Sainte-Catherine, l’axe passant par excellence estampillé « quartier étudiant », regorge d’adresses plus ou moins qualitatives dédiées à la cuisine asiatique. Nobi-Nobi, ouvert en juillet 2014 par Sing-Lee Ly (qui n’a plus aucun rapport avec Pitaya) propose une cuisine de rue japonaise, à base de ramen, d’okonomiyaki (crêpe cuite sur teppen yaki) ou encore takoyaki (spécialité d’Osaka).
Wok marketé
Non loin de là, Wok to Walk, chaîne d’inspiration thaï créée à Amsterdam en 2004 et qui compte aujourd’hui plus de 50 restaurants dans 15 pays, propose une version européanisée et « marketée » du wok. Le client choisit sa base, ses ingrédients, sa sauce (dénommées Tokyo, Hong Kong, Shanghai, Beijing, Saigon, Bali… pas vraiment traditionnel thaïlandais) et ses toppings. On observe exactement le même concept chez Moon Wok place Lafargue (qui s’affiche cambodgien). On citera également Wok Way, qui propose des nouilles chinoises maison très appréciées, ou encore Wa rue des Piliers de Tutelle.
Authentique ou européanisé, qualitatif ou médiocre, franchisé ou indépendant, ces comptoirs de rue asiatiques qui ne désemplissent pas dans ces zones de passage créeront à coup sûr de nombreuses vocations parmi les investisseurs en quête d’un concept rentable.
La cuisine asiatique revisitée
Aux confins de ce réseau street food émergent de nouveaux restaurants japonais, coréens ou « fusion food », incarnant ou revisitant la cuisine asiatique, comme l’ont fait il y a quelques années déjà (en 1985 !) les frères Andy et Tommy Chan au Bonheur du Palais avec la haute gastronomie chinoise.
Jérome Billot, ce Français originaire d’Annecy a ouvert « Dan » en 2013, où il brille par l’inventivité de sa cuisine franco-hongkongaise. Il a 20 ans quand il quitte la Suisse pour Hong-Kong, après avoir fait ses armes à l’Ecole Bocuse et chez Georges Blanc. Il restera 8 ans en Asie, s’imprégnant d’influences chinoises et japonaises qui plus tard nourriront sa cuisine. Après avoir dirigé plusieurs bistrots français, il épouse une hongkongaise et tous deux rentrent à Annecy.
En 2013, ils cherchent un endroit où ils se sentent bien, un endroit où élever leurs enfants. Bordeaux leur tend les bras. Il y a encore de la place, la ville surfe sur une bonne dynamique, c’est le moment pour eux de se lancer. Pari remporté puisque Dan connaît aujourd’hui un succès phénoménal.
Sushis ou kimchi ?
L’Exquis, ouvert début 2015 rue de Guienne fait aussi parler de lui, où le chef (et propriétaire) Tetsuroh Miyamoto – un ancien du Moshi Moshi ! – sublime la gastronomie japonaise.
Le Japon, également à l’honneur chez Maruya Dining Japanese aux Grands Hommes, un restaurant devenu une référence, où l’on déguste entre autres d’excellents sushis, mais pas que !
Une pépite venue tout droit de Corée vient compléter ce tableau d’indépendants, le Mokoji, non loin de la place Camille Jullian. Une carte courte, des produits frais, la Corée à portée de palais, avec ses bibimbap – un plat à base de riz, légumes, viande (souvent du bœuf), œuf et sauce pimentée – et son kimchi maison, des légumes fermentés au piment.
En mode nomade ou dégustation, la cuisine asiatique a encore de beaux jours devant elle à Bordeaux. Et si le doute s’installe quant à l’authenticité d’une adresse, il est de bon ton de penser que les papilles de plus en plus affutées des aficionados bordelais feront la différence.
Quelques bonnes adresses asiatiques à Bordeaux
- Fufu et Fufu 2, les meilleurs ramen de Bordeaux, avec une mention spéciale pour le tantanmen et les gyoza.
Fufu, 37 rue Saint-Rémi, 33000 Bordeaux
Fufu 2, 71 cours Portal, 33300 Bordeaux
- Pitaya, pour sa rapidité et la justesse de ses assaisonnements
5 adresses à Bordeaux, voir leur page facebook
- Santosha, pour son ambiance surf et sa cuisine indonésienne minute
2, place Fernand Lafargue, 33000 Bordeaux
- Maruya Dining Japanese, pour son menu dégustation à 28€ tout en finesse
1, rue Fénelon, 33000 Bordeaux
- Au Bonheur du Palais, pour l’incarnation de la haute gastronomie chinoise
74, rue Paul Louis lande, 33000 Bordeaux
- L’Exquis, pour sa cuisine japonaise raffinée
3, rue de Guienne, 33000 Bordeaux
- Dan, pour sa créativité franco-hongkongaise
6, rue du Cancéra, 33000 Bordeaux
- Mokoji, pour sa cuisine coréenne simple et franche
13, rue du Serpolet, 33000 Bordeaux
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