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Le camps des Sahraouis, Calais-sur-Garonne

L’expulsion du bidonville du pont Saint-Jean n’a pas changé la situation des réfugiés Sahraouis à Bordeaux. Sans solution d’hébergement, malgré les obligations qui incombent à l’État pour les demandeurs d’asile, une centaine d’entre eux on recréé un camps, soutenus par des habitants bordelais. Les associations en appellent aux collectivités.

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Le camps des Sahraouis, Calais-sur-Garonne

Le campement des réfugiés sahraouis (SB/Rue89 Bordeaux)
Le campement des réfugiés sahraouis (SB/Rue89 Bordeaux)

Les tentes sont agglutinées à l’ombre des arbres, où les sahraouis ont trouvé abri pendant la canicule. Chassés du bidonville sous le pont Saint-Jean, rasé le 29 juin dernier, une centaine de réfugiés – surtout des hommes, et quelques femmes –, se sont installés de l’autre côté de la route, au milieu de la bretelle d’accès au pont depuis les quais de la rive droite. Du linge sèche sur des cordes, quelques bouteilles en plastique jonchent le sol, mais le camps est propre.

Interdits de travailler pendant l’instruction de leurs demandes d’asile, les Sahraouis tuent le temps paisiblement, bouquinent, se relaient pour aller chercher de l’eau et boivent du thé. Trois à la suite, selon le rituel des peuples du désert.

« Le premier thé est amer comme la mort, le second est doux comme la vie et le dernier est sucré comme l’amour », sourit Wali Bahiamaana. Maîtrisant bien le français, ce quinquagénaire est considéré comme « le chef du campement » par des jeunes qui s’y trouvent. En provenance des camps de réfugiés sahraouis d’Algérie – le Sahara Occidental est en conflit avec le Maroc –, Wali Bahiamaana est à Bordeaux depuis octobre 2014, et demande asile « au pays des Droits de l’homme et de la liberté ». Mais cette demande vient de lui être refusée, et il attend le résultat de son recours devant la CNDA (cour nationale du droit d’asile).

« Nés sous la tente »

D’ici là, cela ne le dérange pas de vivre dans ces conditions – « Sahraouis, nous sommes nés sous la tente ! » –, mais il redoute qu’en l’absence de sanitaires sur place, des maladies puissent se déclarer.

Délogés d’un squat où leur situation était jugée indigne, les migrants se retrouvent quelques mètres plus loin, « dans des conditions encore plus précaires », estime Morgan Garcia, coordinateur de la mission squats de Médecins du Monde. Sans eau courante sur site, ni sanitaires ou électricité

Après l’expulsion du bidonville, la plupart des réfugiés ont décliné les rares propositions d’hébergement de la préfecture, très provisoires (quatre jours), et à des dizaines de kilomètres de Bordeaux, où les migrants ont pourtant besoin d’être présents pour suivre leurs démarches administratives.

Indignation

Les bulldozers ont en revanche renforcé l’indignation et la solidarité des bordelais : à la mobilisation spontanée de nombre de voisins et de militants a succédé la création d’une page Facebook « Aide aux réfugiés sahraouis », qui fédère aujourd’hui 1072 amis, et a permis de récolter 2600 euros pour acheter des tentes et offrir des repas collectifs aux réfugiés.

« Les gens sont choqués que ces réfugiés, après avoir vécu pendant des mois dans un bidonville, soient à la rue du jour au lendemain sans toilettes ni eau courante, et sous la canicule », explique Madina Querre, membre de ce collectif citoyen.

Ce jeudi, elle participe à une conférence de presse des associations – Médecins du Monde, Ligue des droits de l’Homme, Réseau éducation sans frontière, Asti (association de soutien avec tous les immigrés). Elles lancent une pétition, et ont à nouveau alerté les autorités locales dans une lettre ouverte.

« L’Etat dans l’illégalité »

« Conformément aux engagements internationaux de la France, un hébergement doit être assuré aux demandeurs d’asile durant la phase de traitement de leur demande par l’OFPRA (office français pour les réfugiés et apatrides) et la CNDA », rappelle ce courrier.

« Or on assiste à la démission de l’Etat, et la société civile tente de pallier cette défaillance en apportant des bouteilles d’eau ou des tentes », assène Morgan Garcia, pour lequel les autorités françaises sont dans l’illégalité.

A la préfecture d’Aquitaine, on indique que les « capacités d’hébergement sont saturées dans la région, suite à une augmentation de 40% du nombre de demandeurs d’asile par rapport à l’an dernier. Le préfet Pierre Dartout a donc donné la priorité aux personnes vulnérables, les malades ou les familles, en attendant l’ouverture en septembre de 70 places supplémentaires dans les CADA (centres d’accueil de demandeurs d’asile) en Gironde, qui s’ajouteront aux 900 places actuellement disponibles en Aquitaine ».

Droit à l’eau

Aussi, les associations interpellent Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole, et Jean-Luc Gleyze, président du conseil départemental :

« Face à l’incurie de l’Etat dans le respect de ses engagements (assumée par le Préfet), le bricolage de la solidarité citoyenne ne suffit pas et nous appelons les différentes collectivités territoriales à prendre leur part de responsabilité en fonction de leurs moyens et de leur champ de compétence. Car si les conditions de vie imposées à ces personnes sont indignes et inquiétantes d’un point de sanitaire, elles sont également contraires au droit en vigueur. »

Le document fait notamment valoir le « droit à l’eau pour tous », stipulé par le code de l’environnement, ou le droit à la fourniture d’électricité, garanti par le Code de l’énergie.

Adjointe au maire de Bordeaux, en charge de la cohésion sociale et territoriale, Alexandra Siarri observe que les réfugiés sont près d’un point d’eau situé sous le pont, « ont accès aux douches des Quinconces, et à des salles climatisées, au même titre que tous les sans-domicile fixe. ils peuvent par exemple se rendre au Leydet (centre d’accueil d’urgence) aux Restos du cœur ou à la Halte de nuit, exceptionnellement ouverts en journée ».  Elle souligne aussi que les médiateurs de la Ville n’ont pas attendu les consignes du plan canicule pour apporter de l’eau en bouteille aux réfugiés.

Patate chaude

« Le problème de fond, c’est que l’Etat n’a plus assez de places d’hébergement pour les demandeurs d’asile, poursuit l’élue municipale. La Ville a récemment ouvert un foyer d’accueil pour les familles à Cauderan, mais elle ne peut pas se substituer à l’Etat sur un sujet qui relève de sa compétence.

Le premier courrier d’Alain Juppé au nouveau préfet, Pierre Dartout, après sa nomination, en mars dernier, demandait la mise en œuvre, dans le cadre d’une possible évacuation du bidonville, une réponse du type MOUS (maîtrise d’œuvre sociale) pour accompagner socialement les publics expulsés de squats. J’ai sollicité il y a quelques semaines une réunion de tous les acteurs concernés. A ces deux requêtes, nous n’avons pas eu de réponse ».

Les associations, elles, considèrent que l’État et les collectivités locales, « se renvoient la patate chaude », et délivrent ainsi un « refus déguisé » à toute installation durable des réfugiés dans la région.


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