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Etudiants étrangers à Bordeaux : quel accueil ?

Passer quelques mois ou toute une année à l’Université de Bordeaux, c’est une chance voire un rêve pour certains étudiants étrangers. Mais c’est une vraie galère pour qui n’y est pas préparé. Suivez le guide.

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Etudiants étrangers à Bordeaux : quel accueil ?

Journée d'accueil des étudiants étrangers du campus de Pessac (MTN/Rue89 Bordeaux)
Journée d’accueil des étudiants étrangers du campus de Pessac (MTN/Rue89 Bordeaux)

1re étape : le casse-tête administratif

Les yeux de Khaoula pétillent en racontant sa première semaine à Bordeaux. Cette Tunisienne de 22 ans est inscrite en 3ème année d’Économie-Gestion au campus de Pessac.

« J’ai visité presque tout Bordeaux avec ma cousine qui habite ici. Mais surtout, j’ai repéré les magasins ! »

Sa nouvelle amie, Boutheyma, une algérienne de 22 ans est tout aussi enthousiaste.

« C’est extraordinaire. Les gens sont sincèrement gentils. J’avais peur de me sentir discriminée avec mon voile. Mais non. »

Les deux jeunes femmes sont arrivées en France par le biais du programme Erasmus+. Dans le jargon universitaire on les appelle les « étudiants en Mobilité » : ils sont 6500 venus à l’Université de Bordeaux grâce à l’un des 40 programmes d’échange (Erasmus, donc, le BCI , bureau de coopération interuniversitaire avec 12 établissements du Canada, etc.).

Ne sont pas comptabilisés dans ce chiffre les étudiants européens originaires d’un pays de l’espace Schengen, qui peuvent circuler librement, et ne sont pas forcément inscrits dans des programmes.

« C’est tout de même plus facile pour les étudiants en Mobilité [que pour les autres étudiants non européens], estime Pedro Santiago, responsable du service de coopération et de mobilité internationale au sein de la Direction des Relations Internationales (DRI) de l’Université de Bordeaux. Leurs dossiers passent de services en services, avec des responsables bien identifiés. Pour  les autres, je comprends que certains soient vite découragés par la masse de documents à fournir. Pour nos services, ils se retrouvent traités comme tous les autres étudiants. »

Les étudiants étrangers non bénéficiaires d’Erasmus+, les plus nombreux sont appelés les « étudiants inscrits à un diplôme ». Ils sont là pour valider un diplôme français.

Mais les formalités administratives sont un parcours du combattant qui peut durer des mois pour obtenir l’autorisation des universités – dossiers à remplir, à photocopier, à envoyer en « X » exemplaires à toutes les instances qui  les demandent…

Machine infernale

Mais une fois l’inscription à l’université acquise, ce n’est pas fini ! Pour être en règle sur le territoire français, il faut le Visa étudiant valant titre de séjour, et valide seulement un an – une réforme pourrait généraliser les visas pluriannuels. Les premières demandes doivent se faire auprès de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration). Pour les demandes suivantes, les étudiants étrangers entrent dans le circuit classique des demandeurs de Visa, avec les heures d’attente à la préfecture que cela suppose…

Martin, un Colombien de 19 ans est en train de découvrir cette machine infernale. Veste en cuir sur les épaules, lunettes de soleil sur le nez, il arrive de Toulouse. Après une année de sciences politique via Erasmus, il tente de nouveau sa chance en première année à Bordeaux hors programme. Et là, il sent bien la différence dans la gestion des papiers demandés :

« Le plus compliqué c’est quand tu arrives et qu’on te dit qu’il manque encore 2 000 feuilles, après les 2 000 que tu as déjà données. Dans une semaine je dois faire un renouvellement de titre de séjour, et je ne suis pas sûr d’avoir tout ce qu’il faut. J’ai déjà démarré les cours. Est-ce que ça ne va pas me compliquer la vie ? »

Cette étape ne remet néanmoins pas en cause l’accession aux droits (CAF, Mutuelle, Sécurité Sociale, Pôle Emploi…), qui sont autant d’autres démarches administratives à effectuer.

Journée d'accueil des étudiants étrangers au campus de Pessac (MTN/Rue89 Bordeaux)
Journée d’accueil des étudiants étrangers au campus de Pessac (MTN/Rue89 Bordeaux)

2e étape : toi, toi, mon toit !

Autre obligation administrative : avoir une adresse en France au moment de la constitution du dossier. Sans cette adresse, le refus de se déplacer en France est catégorique. Paulin, un camerounais de 37 ans, inscrit en Master 2 de Droit International, a failli en faire les frais :

« Une de mes grandes sœurs m’a donné son adresse le temps que je trouve quelque chose. Mais c’était à Mimizan et je ne savais pas que c’était aussi loin. C’est mon autre grande sœur, qui habite en Bretagne, qui s’est chargée de me trouver un appartement. La plupart des propriétaires voulaient me voir d’abord. Impossible. J’avais franchement perdu tout espoir. Jusqu’au jour où un monsieur m’a fait une offre sur Internet pour un logement à Cenon. J’ai accepté sans réfléchir. Ma sœur a signé le contrat et s’est portée garant. »

Le logement, c’est LE point noir des étudiants étrangers (ou pas). Il y a ceux qui ont obtenu une des chambres ou un des appartements du Crous, qui réserve quelques logements aux étudiants étrangers. Mais pour le plus grand nombre, l’unique option consiste à chercher dans le privé.

La galère des garants

Khaoula, l’étudiante Tunisienne vit chez sa cousine depuis son arrivée. Martin, le Colombien loge chez des amis d’amis qu’il n’avait jamais rencontré. Khaled, un ressortissant du Sultanat d’Oman, lui, dort à l’hôtel en attendant de finaliser son inscription. Tous espèrent trouver rapidement un logement pérenne.

Des situations aussi diverses qu’il y a d’étudiants, et qui peuvent prendre des dimensions dramatiques, rappelle Camille Cholet, responsable Mobilité Internationale pour le campus Carreire, Victoire et la section Staps :

« Pour les étudiants étrangers, il est très compliqué d’avoir des garants pour le cautionnement en France. Et dans le privé, il ne faut pas se mentir, l’origine joue chez certains propriétaires. En octobre dernier, on a été face à une situation critique, un étudiant qui nous a été amené parce qu’il dormait  dans la rue. Le Crous a pu trouver une solution rapidement. Encore faut-il que les étudiants en difficulté nous connaissent, qu’ils osent venir nous voir et qu’on en soit informé. »

Sans compter les arnaques aux logements. Deux étudiants se sont déjà fait avoir cette année. Ils ont versé l’argent nécessaire pour la réservation de leur appartement, puis, une fois arrivés en France, se sont retrouvés devant une fausse adresse.

MTN/Rue89Bordeaux
Journée d’accueil des étudiants étrangers du campus de Pessac (MTN/Rue89 Bordeaux)

3e étape : L’argent : le nerf de la guerre

« La loi exige d’un étudiant étranger qu’il justifie de moyens d’existence suffisants pour suivre ses études sans travailler en France. Soit un minimum de 615€ par mois. »

C’est inscrit, répété et surveillé de près par l’administration française. Les étudiants sont également obligés d’ouvrir un compte bancaire en France. Selon les calculs du Bureau de la vie étudiante (BVE), il faut un minimum de 700€ par mois pour vivre convenablement une année d’études.

Certains bénéficient d’une bourse versée par leur gouvernement. C’est le cas de nos étudiantes tunisienne et marocaine, Boutheyma et Khaoula, qui disposent de 1000€ par mois chacune. (Ce montant varie en fonction des pays et des accords en place). Toutes deux ne comptent pas travailler cette année, pour se concentrer sur leurs études. En revanche, pour ceux qui, comme Paulin, un étudiant camerounais, sont venus hors programme, il a fallu économiser.

« J’ai de la chance, car mes parents ont pu m’aider, raconte Paulin. Ça représente 7 380€ (NDLR : En 2014 le Smig camerounais était de 55 €). Mais si je dois travailler, je le ferais. Et puis ça me permettra aussi de m’acclimater à l’environnement socio-professionnel français. »

Martin, lui n’a pas d’autres choix que de travailler. Il doit d’ailleurs encore faire des allers-retours tous les quinze jours jusqu’à Toulouse pour garder son contrat de travail, qui lui rapporte 650 euros par mois.

« Je suis en train de chercher un travail ici, parce que ça ne va pas être possible de faire des allers-retours à Toulouse toute l’année. Je pense que ce sont surtout des personnes qui ont des financements ou de l’argent qui peuvent se permettre de faire des études à l’étranger. Mes parents ne peuvent pas m’aider. Je calcule tout. Par exemple, pour les sorties je compte 50€ maximum par mois. »

4e étape : Adaptation ou mal du pays ?

Même si les étudiants sont volontaires, ce n’est pas toujours facile de trouver ses marques. Khaoula, admet entre deux sourires que ces nuits sont difficiles depuis une semaine « mes parents et ma famille me manquent ».

Dernièrement une étudiante Mauricienne était isolée dans sa résidence et le vivait très mal. Les services de la DRI et le CROUS ont réussi à lui trouver un autre logement.

« L’objectif c’est que les étudiants se sentent bien pour réussir, assure Pedro Santiago, responsable du service de Coopération et de Mobilité Internationale à la DRI. Les activités  proposées sont faites pour ça. Mais c’est sûr cela doit être plus gérable pour un étudiant qui vient d’Espagne que pour ceux qui ont tout un continent à traverser pour retrouver leurs proches. »

Les infirmiers et assistants sociaux de l’université sont aussi des interlocuteurs de choix pour déceler un malaise chez les étudiants.

« Mangez chez la maman de vos amis bordelais ! »

À partir du moment où un étudiant est inscrit à l’université, celle-ci s’engage à s’occuper de son bien-être, et doit se cultiver au quotidien, selon Karine Miras, la responsable du BVE de Pessac :

« Pour réussir, il faut d’excellent cours mais il y a aussi comment se déplacer, se loger et savoir quel type de vie les étudiants ont envie d’avoir. Un conseil pour découvrir la vie française et notamment sa gastronomie : se faire des amis français, aller se balader et surtout aller manger chez leurs mamans ! »

Aller plus loin

Accueil des étudiants étrangers par l’Université de Bordeaux

Qu’est ce que la carte de séjour étudiant ?

Les programmes d’échange de l’Université de Bordeaux

Les BVE

L’OFII

Guide de l’étudiant 2025-2016


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