Faire émerger « une constellation de “clairières habitées” ». Voici le projet que l’agence de Nicolas Michelin a présenté à la Ville de Bordeaux, et qui sera débattu ce lundi au conseil municipal. Objectif : transformer un quartier aujourd’hui dévolu aux activités économiques (sièges de Gan et de la Caisse des dépôts, notamment…) mais en pleine mutation avec d’un côté l’arrivée du tram et du nouveau stade, et de l’autre le départ de plusieurs entreprises pour Euratlantique. Encore très peu urbanisé, ce secteur d’anciens marais est riche de zones humides.
L’architecte-urbaniste parisien propose d’y construire 1200 logements dans des îlots, rebaptisées « clairières », qui reprennent les trames des jalles. Chacune doit être bâtie en cœur d’ilot, plantée sur ses franges par une « végétation fournie », et desservie par la voirie sur un seul côté. Chaque clairière aurait une fonction unique : logement, tertiaire, artisanat…
D’ailleurs, la mairie tient à préserver la vocation économique du quartier, comme l’explique Elizabeth Touton, adjointe en charge de l’urbanisme :
« Nous avons choisi que les activités et bureaux représentent 65% de la programmation à venir sur ce territoire, car on a besoin de conforter ce pôle d’emploi essentiel sur la ville de Bordeaux, et qui bénéficie de la desserte par le tramway. Mais nous avons décidé d’en faire un quartier plus mixte car les zones monofonctionnelles, c’est un peu fini. »
Horizon 2025
C’est le sens du premier projet d’aménagement porté par l’assureur Gan, qui sur 101300 m2, veut construire 48% de bureaux, en regroupant des services situés hors de Bordeaux, 4% de commerces et 41% d’habitations, soit 565 logements. A quelle échéance ? L’agence Michelin évoque des permis de construire délivrés en 2017 pour le projet Gan. Elizabeth Touton est plus prudente :
« L’horizon pour ce quartier, c’est 2025/2030. Des mutations vont se faire avec le départ de la Caisse d’épargne, notamment, et le devenir du site va se poser, il est donc important pour nous d’y réfléchir dès à présent. Le périmètre de prise en considération que nous soumettons ce lundi au conseil municipal, c’est un plan guide qui permet de travailler avec les entreprises du secteur pour qu’elles prennent bien en compte nos orientations. Mais nous avons besoin de continuer à approfondir les études pour veiller à ce que la mise en œuvre opérationnelle soit bien conforme au respect de la biodiversité, ou aux cheminements de l’eau. Elles seront lancées début 2016. »
15,7 hectares de zones humides impactés
Ces derniers points inquiètent également Delphine Jamet, élue écologiste au conseil municipal de Bordeaux.
« Ce nouveau projet d’urbanisation détruira 9,1 hectares de zones humides, dont 5,3 ha sur l’îlot actuellement occupé par Groupama/Gan, qui plus est cartographié en zones d’aléas fort donc globalement inconstructible dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques d’inondations. Or les zones humides remplissent de nombreuses fonctions fort utiles, dont la régulation naturelles des inondations des cours d’eau. Nous avons vécu récemment en France un épisode tragique d’inondations en zones urbaines, il est de notre devoir de préserver le peu de zones humides qu’il nous reste sur notre territoire urbain pour ainsi éviter des catastrophes. »
Le site regroupe en tout 26 hectares de zones humides, dont 15,7 concernés par la création des « clairières ». Le projet Michelin prévoit de créer 27 ha de trames vertes et un « corridor écologique » de 10 ha le long des berges de la Garonne, ce qui permettrait selon l’agence de respecter la loi sur l’eau, qui impose de compenser à 150% les zones humides détruites en réhabilitant d’autres espaces équivalents.
L’agence d’urbanisme revendique par ailleurs des « stratégies pour avoir un impact faible sur les sols existants (constructions sur pilotis, parkings mutualisés, etc.) ». Reste à voir si ces concepts passeront le cap des contraintes légales et naturelles.
Chargement des commentaires…