Rue89 Bordeaux : Qu’est ce que les fintech ?
Sandrine Hirigoyen : Le terme désigne ce marché constitué de startups qui utilisent les nouvelles technologies pour apporter de nouveaux usages au sein du monde financier. Le crowdfunding (financement participatif) a par exemple bouleversé la donne en permettant à des particuliers d’investir dans des projets d’autres particuliers, d’entreprises ou d’associations. On oublie toutefois que la première success story des fintech, c’est Paypal, créée il y a 17 ans. Aujourd’hui, tout le monde a intégré ce système dans ses usages de paiement. Avec la French Tech, des startups arrivent avec de bonnes idées pour bouleverser le marché de la finance. Aucune n’a encore « disrupté » (bouleversé un marché, NDLR) comme Uber avec les taxis, mais on est conscients qu’elles vont modifier le paysage.
De quel point de vue ?
Comme tous les marchés qui subissent une mutation digitale, c’est l’accessibilité pour les particuliers, la simplicité d’usage, la rapidité, les coût réduits au minimum… qui vont faire la différence. Au même titre qu’il est plus simple de réserver une chambre sur Airbnb, il va être plus facile de gérer son argent, de payer ou de faire transiter des fonds grâce aux fintech plutôt qu’avec les acteurs traditionnels de la finance. Les fintech vont apporter de la souplesse et de démocratiser ces marchés très intermédiés (impliquant plusieurs intermédiaires, NDLR). Par exemple, grâce au crowdfunding, un épargnant peut investir directement dans la société de son choix, alors que l’accès au capital investissement était hier encore réservé à des intermédiaires bancaires. Des solutions de placements intelligents sont aussi en train de naître avec les Robo Advisors, ce que nous expliquera mercredi le fondateur de FundShop.
On a beaucoup reproché au secteur financier ses excès spéculatifs ou ses difficultés à financer l’économie réelle…
Je pense que les fintech vont un peu réconcilier l’épargnant avec la finance, en permettant le dialogue, en créant de l’intelligence collective, et en faisant évoluer les usages. Avant on prenait un taxi en ayant peur de tomber sur un mauvais qui fasse tourner le compteur, tandis qu’avec Uber les règles du jeu sont annoncées dès le départ. Les fintech qui réussiront sont celles qui seront adoptées par les usagers.
« Plus de transparence et de protection aux clients »
Comme Uber ou Airbnb, les Fintech profitent-elles de flous dans la réglementation pour se développer ?
Au contraire. Dans la finance, tout est extrêmement encadré. La législation va évoluer, notamment grâce à la directive européenne Mifid 2, qui donnera plus de transparence et de protections au profit du client final. La directive française sur le crowdfunding adoptée en mai 2014 a donné un statut juridique aux plateformes de financement participatif. Elles ont pu collecter l’an dernier 154 millions d’euros, faisant de la France la deuxième place européenne du crowdfunding.
Pourquoi cette conférence se déroule-t-elle à Bordeaux ? Les fintech y sont-elles plus développées qu’ailleurs ?
C’est d’abord un hasard. Avec les deux autres coorganisateurs – Louis Alexandre de Froissard, du cabinet Montaigne Patrimoine, Guillaume-Olivier Doré, de FinTech Mag –, nous nous sommes rencontrés autour d’échanges de tweets sur les fintechs. Comme deux d’entre nous sommes Bordelais, nous avons lancé l’idée d’une petite conférence ici, avec une cinquantaine de participants. Nous serons finalement 350, car plein de gens se sentent concernés par le sujet. Tout ne se passe pas à Paris ; avec le label French Tech, des jeunes arrivent sur le marché des nouvelles technos à Toulouse, Lyon ou Montpellier. A Bordeaux, nous recensons une dizaine d’entreprises directement liées aux fintechs. Mais elles font intervenir d’autres compétences (statistiques, technologies…), impliquant indirectement une trentaine de sociétés.
Lesquelles sont les plus en vue ?
Nous avons plusieurs sociétés actives dans le crowdfunding, comme Happy Capital, Hello Asso, qui a déjà récolté 13 millions d’euros, ou Benoolend, un nouveau venu au Campement, qui fait du financement d’énergies renouvelables dans les pays en développement. Citons aussi Evollis, plateforme de location d’objets avec option d’achat, qui emploie 21 personnes. Cela répond à une évolution des modes de consommation et du statut de la propriété qu’on retrouve souvent dans les startups.
Vous écrivez que « la France devient une place montante de la FinTech avec 21 millions de dollars investis en 2014 », mais contre 306 millions aux Pays-Bas, par exemple. Par ailleurs, l’Hexagone compte « seulement 1,6% d’actifs désintermédiés », contre 4% au Royaume-Uni. Pourquoi ce retard ?
On ne peut pas ignorer l’avance qu’ont les Anglais sur nous. Ils ont parfaitement intégré les usages numérique. Les Français, même en situation de crise, continuent à épargner (15,5% du revenu brut), mais cultivent encore une relation personnelle très forte entre client et banquier. C’est très culturel : on confie son argent à quelqu’un de confiance, que l’on connait. Aussi, les Fintech n’émergeront que si elles apportent une vraie valeur ajoutée.
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