Suite à la réunion du deuxième comité interministériel « égalité et citoyenneté » qui a eu lieu ce lundi aux Mureaux (Yvelines), le Premier ministre, Manuel Valls a publié une liste de 36 villes qui ne répondent toujours pas au quota de logements sociaux imposé par la loi solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
Dans le département de la Gironde, et même sur tout le Sud Ouest, Le Pian-Médoc (6000 habitants) est la seule commune pointée du doigt par le gouvernement, avec ses 8,6% de logements sociaux. La loi SRU, adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, et modifiée en 2013 avec la loi Duflot I, impose aux communes de plus de 1 500 habitants en Île-de-France, et de plus de 3 500 habitants pour les autres régions, de disposer d’au moins 25% de logements sociaux.
Coulées vertes ou HLM ?
Contacté par Rue89 Bordeaux, le maire du Pian Médoc, Didier Mau (Les Républicains), s’étonne d’apprendre la nouvelle par nos soins. Il assure n’avoir reçu de courrier avant la publication de la liste et reproche à Manuel Valls sa méthode bien « qu’il soit coutumier des effets d’annonce » :
« J’attends que le premier ministre et son gouvernement soit cohérents dans leurs décisions. Le SRCE voté au Conseil régional rend impossible tout programme et supprime toutes les enveloppes urbaines dans l’élaboration du Scot [Schéma de cohérence territoriale visant à mettre en cohérence l’ensemble des politiques en matière d’habitat, de mobilité, d’aménagement commercial, d’environnement et de paysage, NDLR]. »
Le SRCE est le Schéma régional de cohérence écologique, dont un des objectifs est d’élaborer un nouvel outil d’aménagement du territoire en faveur de la biodiversité, la Trame verte et bleue (TVB). L’État et la Région pilotent ensemble l’élaboration de ce Schéma.
« Les services de l’État nous imposent des coulées vertes qui ne nous permettent pas d’étendre les zones constructibles, ajoute le maire. Partout où nous avons obtenu la possibilité de mettre en place un programme SRU, ceci a été rapidement remis en cause par la cartographie des zones humides. »
Recours des riverains
Ainsi, Didier Mau regrette que des programmes engagés avec des conventions tripartites entre la Région, Domofrance et sa commune, soient suspendus. Il déplore par ailleurs qu’ « un autre programme important fasse l’objet de recours de la part des riverains s’appuyant sur des principes de défense de l’environnement » et soutient qu’aucune autre possibilité de logements sociaux soit réalisable avec l’existant. Ce qui emmène la commune à ne compter que 193 logements.
Et dans la métropole bordelaise ? Le gouvernement n’a mis au banc des accusés aucune de ses 28 communes, bien que 15 d’entre elles soient déficitaires par rapport aux objectifs de la loi SRU. Ce dont s’est réjoui le maire de Bordeaux lors du conseil municipal :
« Nous ne sommes pas à l’objectif de 25% (la ville de Bordeaux est à 16,6%, NDLR), reconnait Alain Juppé. Nous progressons lentement mais l’Etat reconnaît les efforts considérables que nous faisons pour rattraper ce retard. Nous imposons 35% de logements locatifs sociaux dans les nouvelles opérations, et 20% de logements en accession sociale à la propriété. Mais ce n’est pas facile de construire en ville, regardez l’ire des voisins de l’immeuble à Saint-Jean ! »
« Niveau inégalé »
Avec 4174 logements sociaux financés en 2014, « la métropole atteint un niveau inégalé, dépassant très largement l’objectif de 2000 logements annuels défini dans le PLH » (programme local de l’habitat), dont 1000 à Bordeaux, souligne le bilan 2007-2014 de ce programme, réalisé par l’a’urba et Bordeaux Métropole.
Autres points positifs indiqués par ce document : l’augmentation de 41% entre 2013 et 2014 de la production de logements PLAI, destinés aux ménages les plus modestes (1288 sur les 4174 logements sociaux). Et le faible taux de vacance des logements, estimé à 1,3% (soit 870 logements vides), quand la moyenne nationale est de 3,2%. Mais ce chiffre « traduit une certaine forme de pression sur ce marché où la demande reste plus élevée que l’offre ».
Enfin, le parc de logements sociaux est très inégalement réparti sur la métropole : quatre communes de la rive droite ont des taux dépassant les 35% (Bassens, Cenon, Floirac et jusquà 52% pour Lormont). Saint-Aubin-de-Médoc, Saint-Vincent-de-Paul, Parempuyre, Saint-Louis-de-Montferrand et Bouliac sont à moins de 10%.
Amende honorable
Les villes ne respectant pas leurs objectifs sont censées payer une amende. Loin des 25%, Bordeaux n’est cependant pas redevable de la pénalité de 200 euros par logements manquants (ce qui ferait plus d’1 million d’euros) « uniquement grâce à ses investissements auprès des bailleurs sociaux supérieurs à ce montant », avait rappelé l’élue socialiste Michèle Delaunay en conseil de métropole, fin juin.
La députée de Gironde avait alors déploré qu’ « en 10 ans, malgré les nombreuses opérations immobilières qu’a connues Bordeaux, le taux de logements sociaux n’a évolué que de 2 points. 75% des logements construits au cours de cette période étant à destination d’investisseurs privés bénéficiant des dispositifs de défiscalisation De Robien ou Scellier, puis loués à des Bordelais à des prix ne correspondant pas à leurs revenus. »
Cette proportion d’investisseurs a légèrement baissé ces dernières années, mais reste néanmoins prépondérante.
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