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Climat : quel est l’impact de l’aéroport de Bordeaux ?

Grâce aux nouvelles lignes low-cost, l’aéroport de Bordeaux-Mérignac devrait dépasser les 5 millions de voyageurs en 2015. Et dégrader ainsi son bilan carbone, alors que les émissions de gaz à effet de serre du transport aérien, relativement faibles, décollent. Le point à un mois de la COP21.

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Climat : quel est l’impact de l’aéroport de Bordeaux ?

Sur le parking de Bordeaux-Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)
Sur le parking de Bordeaux-Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)

Avec près de 490 000 passagers en octobre, l’aéroport de Bordeaux poursuit une ascension ininterrompue : de 3 millions de voyageurs en 2009, son trafic a frôlé les 5 millions l’an dernier, et devrait allègrement franchir la barre en 2015.

Selon un communiqué diffusé ce lundi, la croissance est en effet de 8,5% depuis le début de l’année, et s’élève déjà à près de 4,6 millions de passagers. Motif : l’ouverture de nombreuses lignes low cost, dont 10 nouvelles destinations depuis le printemps, l’arrivée de nouvelles compagnies (Austria Airlines qui dessert Vienne ou Aegean Airlines, Athènes…), et l’attractivité de Bordeaux.

Bonne nouvelle pour l’économie locale, l’envolée de Mérignac, la plus forte pour un aéroport de province, l’est moins pour le climat. Avant la conférence internationale sur le changement climatique, en décembre à Paris, les émissions de gaz à effet de serre du secteur continuent à ainsi croitre de façon exponentielle. D’où les fortes crispations sur le projet de nouvel aéroport de Nantes, à Notre-Dame-des-Landes.

Trois bilans carbone au prix d’un

Si le transport aérien ne représentait en 2012 (dernières données disponibles) que 1,4% des émissions de CO2 totales de la France, ses émissions ont augmenté de 62% depuis 1990. Et on prévoit un triplement du trafic mondial d’ici 2030, alors que l’aérien est d’ores et déjà responsable de 5% des changements climatiques liés aux activités humaines (qui outre le CO2, comprend les émissions d’oxydes d’azote, de dioxyde de soufre et des trainées de condensation réchauffant la surface de la Terre).

Quel est le poids de l’aéroport de Bordeaux dans le tableau ? Il y a plusieurs façons de compter. Pour les aéroports de l’Etat, dont Mérignac fait partie, la DGAC (direction générale de l’aviation civile) opte officiellement pour un bilan de CO2 émis lors du cycle LTO (Landing and Take-Off ) des avions, qui inclut seulement les phases d’approche, d’atterrissage, de circulation au sol, de décollage et de montée jusqu’à 950 m.

Selon ces estimations, les émissions du hub girondin ont grimpé de 34 800 tonnes en 1990 à 45 600 tonnes en 2012 (soit moins de 1% des émissions du secteur aérien en France, dont le gros du trafic se concentre entre Orly et Roissy).

La croisière s’amuse

Lors de la réalisation de son Plan Climat 2011-2014, la CUB (communauté urbaine de Bordeaux) attribue à l’aéroport un rôle minime dans les émissions locales : sur le secteur des transports, représentant 23% des émissions de CO2 de la métropole, 11% viennent du trafic aérien de voyageurs, loin derrière la route (83%).

Pour parvenir à des émissions totales de 133650 tonnes, elle retient le cycle LTO, et ajoute 85000 tonnes provenant des activités au sol liées à l’aéroport – dont 67 % viennent des déplacements en voiture (surtout) ou en bus (un peu) pour le desservir.

La tour de contrôle de Bordeaux-Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)
La tour de contrôle de Bordeaux-Mérignac (SB/Rue89 Bordeaux)

Vous suivez toujours ? Alors attachez vos ceintures. Car le bilan carbone sans doute le plus proche de la réalité est sans doute celui mené par l’aéroport lui-même en 2012 (mais non disponible en ligne) : il parvient quant à lui à 316 000 tonnes équivalent CO2.

Motif : il ne se base pas uniquement sur les émissions à l’atterrissage, au décollage et sur les pistes de Mérignac (le fameux cycle LTO), mais compte aussi celles liées à la « croisière ».  C’est à dire celles comprennent 50% des émissions de l’ensemble des vols au départ et à l’arrivée de la plate-forme (l’aéroport de provenance ou de destination écopant de l’autre moitié des émissions).

Des émissions en l’air

L’étude de la DGAC donne seulement « à titre d’information » ces émissions « croisière » de l’aéroport de Bordeaux : 237 600 tonnes en 2012. Car bien que liées à l’activité des aéroports, elles sont émises en l’air, et pas sur la plate-forme…

Le boom du trafic s’est-il depuis traduit par une augmentation similaire des émissions de gaz à effet de serre de l’aéroport ? Pas vraiment, répond Pascal Houbre, chargé de l’environnement et des relations territoriales de l’Aéroport de Bordeaux :

« Ce n’est pas le nombre de passagers qui compte, mais celui des mouvements d’avions. Or ils n’augmentent pas aussi fortement : 67800 mouvements en 2014, contre 65000 environ en 2006. Car ils s’opèrent avec des avions plus gros – l’emport moyen est passé par exemple de 60 à 90 passagers par vol entre 2000 et 2012 –, et avec une saisonnalité plus forte – certaines lignes ne fonctionnent que l’été, mais sont mieux remplies. »

Kérosène sous terre

Si les émissions totales (LTO+croisière) de l’aéroport bordelais ont augmenté de 23,3% sur la période 2000-2012, le nombre de passagers-kilomètres-transportés a progressé de 66,3%. La DGAC peut ainsi conclure à une « amélioration significative de l’efficacité énergétique liée à l’évolution des réseaux et des flottes d’avions au départ de Bordeaux-Mérignac ».

Mais les progrès de la technique et de l’organisation du réseau aérien sont peu susceptibles de compenser à court terme l’explosion du trafic aérien. Par exemple, l’avion électrique lancé par Airbus à Mérignac et assemblé à Pau ne risque pas de remplacer l’A380 d’ici 20 ans, alors qu’il est urgent de laisser sous terre le pétrole dont le kérosène est issu.

« Nos marges de manœuvre sont limitées, plaide Pascal Houbre. On peut travailler sur l’amélioration de la desserte de l’aéroport par les transports en commun. Mais on ne peut qu’inciter les compagnies à renouveler leurs flottes et avoir des avions plus performants. »

Du plomb dans l’aile

Ce n’est pas non plus du ressort d’un aéroport de taxer le kérosène, seul carburant totalement exempté d’impôt, ou d’augmenter la TVA sur les billets d’avion domestique, deux niches fiscale qui coûtent à l’État français plus de 1,2 milliard par an, selon l’ONG Réseau Action Climat. Ni même de faire cesser la pluie de subventions sur les petits aéroports régionaux, dont ceux ceux de la région Aquitaine (Périgueux, Bergerac, Pau…), et sur les compagnies low-cost qu’elles attirent

Ce n’est pas non plus le rôle de l’aéroport de Bordeaux de se couper les ailes. Et l’entreprise publique joue à plein de ses capacités pour attirer de nouvelles compagnies : extension du terminal billi, destiné aux sociétés low cost (deux salles d’embarquement supplémentaires opérationnelles depuis cet été), et des redevances parmi les moins chères des aéroports français.

« Cela fait 5 ans que nous n’avons pas augmenté nos redevances passagers (qui vont de 3,35 euros pour un ressortissant de l’espace Schengen dans l’aérogare billi à 9,28 euros le régime international dans les Halls A et B), explique Pascal Personne, président du directoire de l’aéroport Bordeaux-Mérignac. Nous sommes probablement les seuls en France à pouvoir le faire car nous sommes dans une logique de croissance du nombre de passagers. Leur augmentation nous permet de nous rémunérer. C’est un cercle vertueux si la croissance se poursuit, et qu’on se développe. »

Vertueux pour les affaires – l’aéroport bordelais a enregistré en 2014 un bénéfice de près de 7 millions d’euros, en hausse de 13,77% –, mais plus vicieux pour l’atmosphère. Pour contrer la baisse attendu du trafic Bordeaux-Paris avec l’ouverture de la LGV en 2017, la stratégie de Bordeaux-Mérignac repose en effet sur le développement à l’international : des destinations plus lointaines, comme Istanbul, ou qui risquent d’être encore longtemps difficilement accessibles en train, comme Barcelone ou Madrid. Des best-sellers de l’aéroport, avec ou sans effet de serre.


#aéroport de Bordeaux-Mérignac

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