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La cagnotte des réfugiés, ou le don nouvelle génération

Une cagnotte pour subvenir aux besoins des réfugiés sahraouis est mise en ligne depuis novembre. Cette initiative personnelle connaît un soutien inespéré et illustre parfaitement l’émergence d’une jeune génération de donateurs révélée dans une enquête nationale publiée par le réseau Recherches & Solidarités.

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La cagnotte des réfugiés, ou le don nouvelle génération

L'essentiel pour les Sahraouis grâce à la cagnotte (Page facebook Aide aux réfugiés sahraouis de Bordeaux)
L’essentiel pour les Sahraouis grâce à la cagnotte (page facebook Aide aux réfugiés sahraouis de Bordeaux)

Sur la page facebook, « Aide aux réfugiés sahraouis de Bordeaux« , une note explicative énumère les besoins de ceux qui vivent dans des camps de fortune : gaz, lait, nourriture et surtout de l’eau.

« J’ai rencontré les Sahraouis fin avril 2015, explique Karima, en accompagnant une étudiante en journalisme qui avait besoin d’une traductrice pour la réalisation d’un documentaire sur un réfugié. A la question : “de quoi avez-vous le plus besoin ?”, je me souviendrai toujours de la réponse : “De l’eau”. Je me suis dis, en France, en 2015, tout près de mon confort, des hommes sont en manque d’eau. Ce fut un choc pour moi. »

« C’est super ce système de cagnotte »

Karima, la trentaine, vit à Bordeaux depuis plus de 3 ans après avoir quitté sa Charente natale. Marquée par sa rencontre avec ces demandeurs d’asile venus du Sahara occidental, elle se documente sur leur histoire, leur culture, et leurs parcours jusqu’à Bordeaux et finit par leur rendre régulièrement visites.

En juin, elle crée une page facebook et invite ses amis à la rejoindre. Une petite communauté se met en place, pour donner des nouvelles, échanger des infos, lister les besoins pour les dons et les repas, partager quelques photos où on les voit offrir le thé sur le camp :

« Ils aiment bien avoir de la visite. Ce sont des hommes gentils et respectueux. »

Ainsi, Karima et son groupe accompagnent le quotidien des Sahraouis. Avec de nombreux soutiens – comme les étudiants de Bordeaux Montaigne, l’équipe de Disco Soupe Bordeaux, des entreprises et des particuliers –, ils ont pu assurer de nombreux repas notamment pendant la période du ramadan.

Le 15 novembre, Karima lance un appel au don sur Leetchi. Plusieurs donateurs ont déjà permis quelques achats le 24 novembre, et ensuite le 30 ; des denrées nécessaires tel que riz, huile, sucre et boîtes de conserves :

« C’est super ce système de cagnotte, se réjouit une membre du groupe, Amélie, dans un commentaire sur la page facebook. Ça permet de participer un peu même quand on n’a pas trop de temps. »

Une première : les jeunes plus généreux que les séniors

Comme Karima, ils sont nombreux à faire émerger une jeune génération de donateurs. Une grande partie n’hésite pas à s’engager avec conviction pour soutenir un projet. Certains les transposent sur internet via des interfaces de collecte de dons et d’en faire la promotion à l’aide des nombreux réseaux sociaux :

« Quand j’ai lancé ma page Facebook, j’ai été très surprise par son succès (2101 membres à ce jour, NDLR). Grâce à ce groupe, il y a eu des dons de nourriture, d’eau, de tentes, de vêtements, de livres… On a organisé des repas que l’on a partagés avec eux. De plus en plus de personnes venaient sur le camp pour simplement échanger des moments de complicité. »

L’engouement pour ce type d’engagements est confirmé dans une étude nationale publiée en novembre 2015 par le réseau Recherches & Solidarités. A propos des réseaux sociaux, elle révèle que 35% des moins de 40 ans relayent les informations qui servent une cause. Ce chiffe décroît avec l’âge : 22% des 40-49 ans, 20% des 50-59 ans,13% des 60-69 ans et 9% des plus de 70 ans. Cette enquête reflète une pratique générationnelle logique. Parallèlement, elle souligne que les hommes sont moins engagés avec 15% contre 22% pour les femmes.

Par ailleurs, si l’on additionne les autres effets des nouvelles pratiques générationnelles, tel que le don en ligne, se dessine une étonnante inversion des tendances : la générosité des moins de 30 ans est proportionnellement plus élevée que celle des plus de 70 ans, longtemps champions dans cette discipline.

« Pour la première fois, précise l’étude de Recherches & Solidarités, les moins de 30 ans qui en ont les moyens, affichent un don moyen déclaré représentant 1,8% de leurs revenus imposables (sur la base de plus de 210 000 foyers fiscaux correspondants), non seulement supérieur à la moyenne générale (1,1%), mais aussi supérieur à celui des plus de 70 ans (1,4%). On voit ici l’heureux effet du don en ligne et du numérique en général, pour assurer la relève. Ces résultats confirment aussi les tendances observées parmi les plus jeunes, quant à leur désir d’action et quant à leur soif d’engagement, notamment en matière de bénévolat. »

Cours de français menés par des bénévoles sur le camp des Sahraouis à Bordeaux (page facebook Aide aux réfugiés sahraouis de Bordeaux)
Cours de français menés par des bénévoles sur le camp des Sahraouis à Bordeaux (page facebook Aide aux réfugiés sahraouis de Bordeaux)

« On ne pense pas pays, ni religions, ni origines, ni couleurs »

Même si, parmi les causes préférées des donateurs, la recherche médicale et la santé occupent les premières places (respectivement 70% et 69%), l’aide aux personnes en difficulté en France arrive tout de même en troisième position avec 67%. L’étude évoque « la difficile question d’actualité concernant les migrants » qu’on est tenté logiquement d’intégrer dans ce troisième choix. A ce propos, l’étude précise :

« En ce qui concerne l’accompagnement personnel des migrants, le rôle des associations semble bien compris, dans un souci d’efficacité, par habitude ou en écho aux témoignages relayés par la presse : de la distribution de nourriture aux cours de français, en passant par les démarches administratives, le conseil juridique, les traductions… »

35% se disent prêts à donner de l’argent aux associations qui viennent en aide aux migrants. Ils sont même 55% environ à penser faire des dons en nature (vêtements, nourriture, jouets, livres…) pour peu que la démarche se fasse au travers d’une association qu’ils connaissent. Les missions de ces associations sont variées et pourraient mobiliser entre 20% et 30% des donateurs interrogés.

« On accompagne les personnes dans leurs démarches administratives, témoigne Karima. On donne des petits cours de français aux personnes intéressées. Il n’y pas de personne-type qui donne du temps ou fait des dons. C’est tout le monde. Et ça fait un bien fou de voir les gens unis pour une seule chose : l’Humanité. On ne pense pas pays, ni religions, ni origines, ni couleurs… J’ai vu le camp des Sahraouis vivre, j’ai vu des sourires sur des visages et ça c’est le plus importants à mes yeux. »

C’est pour leur « apporter une vie sociale et une attention humaine » que Laure se porte bénévole dans des actions en faveur des Sahraouis. Cette étudiante, à peine 25 ans, vit avec 600€ par mois et « trouve le moyen de donner 5€ à l’occasion ». Elle ajoute que « même si c’est pas grand chose », elle « ne reste pas les bras croisés ». Ce qui illustre ce que Karima répète à qui veut l’entendre : « Si chaque personne donne un peu, cela fait beaucoup ».


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