« La crèche c’est le premier lieu de vie en collectivité d’un enfant, mais elle a aussi un fort impact sur l’environnement, rappelle Claire Grolleau-Escriva, initiatrice du label Ecolo-crèche. Il faut que ce lieu serve de place du village d’où partent les idées, soit un levier pour faire évoluer la société. »
En 2006, cette Marseillaise a créé une association pour permettre aux enfants en crèche, dont les siens, de découvrir la nature. Depuis, ses enfants sont devenus ados mais elle continue de partager sa démarche innovante. Au départ, cette éco-toxicologue de formation souhaitait proposer des activités où les enfants pourraient éveiller leur cinq sens et apprendre les bons gestes pour l’environnement au saut du berceau. Peu à peu, les crèches l’ont consulté sur le choix des jouets, des aliments, des matériaux…
Le label « Ecolo-Crèche », dont Claire Grolleau-Escriva est venue parler ce mardi à une quarantaine de directeurs de crèches de la métropole bordelaises, est né de ces réflexions avec les professionnels. Il s’organise désormais autour de 8 thèmes : l’eau, le bâtiment, les énergies, l’alimentation, les activités d’éveil, l’hygiène, l’entretien et les déchets.
Inutile de répondre à tous les critères, l’important c’est de commencer. Ensuite, les « écolos-crèches » sont visitées tous les trois ans et, selon leur évolution, le label leur est attribué pour une nouvelle période de trois ans. Entre temps, l’association propose des formations pratiques, des journées d’échanges entre les crèches d’une même région et des rendez-vous nationaux. Ces rencontres sont l’occasion de se pencher sur un thème en particulier comme les microbes ou les bienfaits de reconnecter l’enfant et la nature.
43 crèches labellisées sur 12000
« Concilier l’environnement, le social et l’économie, ce sont les bases du développement durable, rappelle Claire Grolleau-Escriva. En général on ne conteste pas les 2 premières mais on est plus frileux vis-à-vis de la dernière. Pourtant le coût de fonctionnement des crèches n’a jamais augmenté après la labellisation, bien au contraire : certaines ont réalisé entre 600 et 6000 € d’économies. »
Avec seulement 43 crèches labellisées, dont 3 au Haillan (lire l’encadré), pour 12 000 établissements en France, la croissance est lente. Mais Claire Grolleau-Escriva est confiante et projette d’impliquer 800 crèches d’ici deux ans. En attendant, 147 autres crèches ont entamé la démarche. « Les voyages de Léo », à Pessac, sont en cours de labellisation.
« Après un premier diagnostic, où 350 points sont étudiés, l’association et la crèche dressent ensemble une liste des résolutions les plus urgentes à prendre », explique t-elle aux directeurs de crèches rassemblés.
Certaines crèches ont réussi à réduire de 56% leur consommation d’eau, d’autres ont fait jusqu’à 50% d’économie d’énergie sans effectuer de travaux.
« Eteindre les lumières quand personne n’est dans la pièce, attendre que la machine à laver soit remplie pour la mettre en marche, fermer les robinets, c’est juste du bon sens mais ça marche ! », lance Claire Grolleau-Escriva.
Couches jetables vs crèche écolo
« Est-ce que c’est obligatoire de passer aux couches lavables pour avoir le label ? » interroge quelqu’un. Négatif et pourtant, les chiffres relevés par l’association sont vertigineux : en un an, une crèche de 35 berceaux utilise pour chaque enfant 523 couches, générant ainsi une pile aussi haute que la tour Eiffel…
« On est souvent confrontés aux préjugés colportées par les couches lavables, souligne Claire Grolleau-Escriva, elles sont considérées comme plus contraignantes, rétrogrades et parfois pas si écolo. »
Si les couches lavables génèrent bien moins de déchets que les couches jetables, elles ont des impacts sur la consommation d’eau et d’énergie, indiquait l’Ademe dans une fiche de 2012 sur les impacts environnementaux des couches pour bébés. Mais ces conclusions ont été jugées « biaisées en faveur des couches jetables » par les fabricants français de couche lavable.
Ils relevaient que l’Ademe se fondait sur une étude anglaise datant de 2003, surestimant l’impact des lessives (calcul prenant par exemple en compte un lavage des couches à 90°, alors que les utilisateurs de couches lavables les lavent majoritairement à 30° ou 40°, soit une consommation électrique trois fois moindre).
Mais les effets de cette étude se font toutefois sentir : seules cinq des 43 crèches qui possèdent le label ont choisi les couches lavables. Et aucune au Haillan, par exemple.
Pour Charline Jaulin, la directrice de la halte garderie du Grand Parc 2, c’est plus une histoire de stockage qui a emporté la décision.
« Pour répondre à la demande d’une famille, on a accepté d’utiliser des couches lavables. Mais une fois qu’on avait jeté le feuillet du fond qui sert à récupérer les selles, il fallait entreposer les surcouches en attendant que les parents les récupèrent pour les laver. Malheureusement on manque de place ! »
Cet obstacle sera peut-être bientôt levé : la halte garderie doit déménager l’an prochain au futur centre d’accueil et de loisirs du Grand Parc, un bâtiment à énergie positive dont la première pierre était posée samedi dernier.
Remèdes de grand-mère
D’ici là, Charline Jaulin est venue chercher des conseils auprès d’ « Ecolo-crèche » pour proposer cette démarche aux 40 familles qu’elle accueille, et plus généralement, réduire le gaspillage. Elle s’interroge notamment sur ces produits que l’on dit si nocifs.
« Après chaque changement de couche, 3 ou 4 pschitts de désinfectants sont faits sur la table à langer, détaille Claire Grolleau-Escriva. Les enfants sont changés environ 4 fois par jour. Si la crèche accueille une quinzaine d’enfants, vous imaginez le nombre de pschitts et la pollution de l’air qui en découle ?! »
Pour elle, pas de recettes miracles, ou plutôt si, des remèdes de grand-mère : vinaigre, bicarbonate, savon de Marseille. Tous sont venus remplacer les produits d’entretien. En région parisienne, une crèche communale est ainsi parvenue à économiser 3000€ en produits désinfectants… mais n’a pas pu utiliser la somme pour acheter de nouveaux jeux :
« On a du demander à ce que les règles budgétaires soient plus souples, sinon les économies réalisées par la crèche écolo servait à la crèche qui ne l’était pas ! »
Le soutien de la Ville de Bordeaux semble acquis :
« La crèche Albert Thomas et celle de Ginko construites récemment sont déjà certifiées HQE (haute qualité environnementale) et BBC (bâtiment basse consommation) », explique Brigitte Collet, adjointe à la petite enfance.
L’engagement des jeunes parents
Elle admet toutefois avoir encore quelques progrès à faire pour parvenir aux 30% d’alimentation bio, et invite les familles à faire aussi des efforts.
« Les parents nous réclament des places de parkings pour aller déposer et chercher leurs petits, or ils devraient pouvoir s’y rendre en vélo ou en transports en commun ! »
En 2013, les 30 crèches municipales de Bordeaux ont reçu le label Certi’Crèche (délivré par l’AFNOR) qui repose sur l’accueil et l’accompagnement de l’enfant et de ses parents. Ces derniers ont exprimé leur envie de voir plus de produits frais et bios et de « favoriser les circuits courts et l’éveil culinaire » peut-on lire dans l’enquête de satisfaction réalisée du 23 mars au 3 avril 2015.
S’ils devraient être sensibles à ce critère, déterminant dans l’obtention du label écolo-crèche, il faudra peut-être les rassurer sur la peur des microbes face aux nouveaux produits d’entretien ou sur l’intérêt de trier ses déchets.
« La sensibilisation des parents se fait à travers les enfants et surtout grâce aux professionnels », explique Claire Grolleau-Escriva.
Parfois, ils sont même mis à contribution.
« Dans une écolo-crèche chacun a reçu un petit sac pour ranger ses sur-chaussures (obligatoires avant de rentrer dans la crèche). Ils ont ainsi appris qu’elles n’étaient plus lavées quotidiennement mais une fois par semaine, soit 4 lessives d’économisées. »
La fondatrice du label a aussi vu les équipes se remotiver, « ça compte de valoriser le travail fourni, dans un secteur peu reconnu. Résultat, on a relevé jusqu’à 60% d’absentéisme en moins parmi le personnel ». Le label « Ecolo-crèche » est ainsi un bon moyen pour que petits et grands répondent à l’appel.
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