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Pesticides : 10 députés girondins veulent des réponses

[Mise à jour à 11h] Après le choc des chiffres de l’émission Cash Investigation et la mobilisation pour la « marche blanche » à Bordeaux, dix députés de gauche girondins demandent une mission d’information parlementaire sur les effets des pesticides.

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Pesticides : 10 députés girondins veulent des réponses

Une marche contre les pesticides a eu lieu ce dimanche à Bordeaux (© AboutLightAndMen/Kami)
« Marche blanche » contre les pesticides dimanche dernier à Bordeaux (© AboutLightAndMen/Kami)

Neuf députés socialistes de Gironde, menés par Gilles Savary et rejoints par l’écologiste Noël Mamère, demandent une mission d’information parlementaire afin de mieux connaître les risques liés à l’exposition aux pesticides.

« Il faut dépassionner le débat, insiste Gilles Savary interrogé par Rue89 Bordeaux. Les récentes informations rendues publiques provoquent des préoccupations qui attendent des réponses. »

Le député fait allusion au dernier numéro de l’émission Cash Investigation‬ diffusée sur France 2 « Produits chimiques : nos enfants en danger ». Celle-ci avait provoqué une onde de choc dans l’Hexagone et particulièrement en Gironde.

Le département, classé noir sur une carte nationale de l’utilisation des pesticides, compte 441 communes cultivant la vigne sur 542. L’activité viticole y offre 1 emploi sur 6 et une production moyenne annuelle de 850 millions de bouteilles environ (soit 6,5 millions d’hectolitres).

« Cette affaire est préjudiciable à la Gironde, ajoute Gilles Savary. On ne peut pas en rester là, d’abord pour le déficit commercial que cela peut provoquer à la filière, mais aussi pour la santé des riverains et des consommateurs. »

« C’est une mission objective »

En plus de venir au secours de l’image du département, Gilles Savary déplore par ailleurs « les règlements de compte politiques » que l’émission a provoqué. Il tient également à rassurer « les viticulteurs qui s’inquiètent pour leurs familles, leurs enfants et leurs employés et qui se sentent particulièrement stigmatisés ».

« C’est une mission objective, précise-t-il. Il faut trouver les bonnes mesures. Il ne s’agit pas de désigner le bon et le méchant. »

La député socialiste Michèle Delaunay, qui soutient Gilles Savary dans cette initiative, s’inquiète également pour la renommée des vins du département « qu’il ne faut laisser atteindre par un sujet public qui fait le buzz ». En 2014, elle avait assuré dans un tweet que « les produits de la culture de la vigne ne sont plus cancérigènes » :

« Je reconnais que ce tweet a été maladroit, précise la cancérologue interrogée par Rue89 Bordeaux. Il faisait référence aux produits contenant de l’arsenic qui ne sont plus autorisés. Il faut malgré tout se poser la question sur les produits d’aujourd’hui dans une attitude de prévention. Est ce que les pesticides d’aujourd’hui sont les cancers de demain ? Pour développer un cancer, il faut un certain temps. Cette mission est mise en place pour obtenir des données sur ces questions. »

La mission serait placée sous la présidence d’un député neutre (non concerné par la viticulture et l’agriculture), et « transversale » entre les différentes commissions de l’Assemblée : Développement durable, Santé, et Affaires économiques. Ses travaux devraient aboutir fin 2016 à des préconisations au gouvernement.

Ecophyto 2, « le gouvernement doit aller plus vite »

Pourtant, bien avant cette proposition, Dominique Potier, député de Meurthe-et-Moselle, avait déjà remis fin 2014 au premier ministre et au ministre de l’agriculture un rapport intitulé « Pesticides et agro-écologie, les champs du possible ».

Les conclusions du rapport ont accouché d’un projet qui a été soumis à la consultation du public en juin 2015. Celle-ci a reçu plus de 4700 contributions de citoyens, agriculteurs, organisations professionnelles agricoles, entreprises de produits phytosanitaires, associations de protection de l’environnement et de défense des consommateurs, collectivités territoriales.

S’en est suivi une présentation par Stéphane Le Foll, Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, d’une nouvelle version du plan Ecophyto. Son objectif était de diminuer le recours aux pesticides de 50% d’ici 2025 en deux temps : une réduction de 25% d’ici à 2020 reposant sur l’optimisation des systèmes de production et une de 25% supplémentaires à l’horizon 2025 qui sera atteinte grâce à des mutations plus profondes.

« Le Parlement n’a pas attendu Cash Investigation pour prendre des dispositions mais il y a des résistances sur le terrain, reconnaît Gilles Savary. La décision ne peut pas être que politique, nous ne sommes pas dans un pays totalitaire. Il faut une concertation avec les acteurs. Le Foll a pris la bonne voie. S’il y a des mesures d’interdiction des produits, nous les encouragerons. Ecophyto 2 obtient déjà des résultats : des soins sont perceptibles dans la viticulture et l’agriculture, notamment en Gironde. Mais le gouvernement doit aller plus vite. »

Des Bordelais inquiets lors de la « marche blanche »

Malgré les inquiétudes déjà soulevées par l’affaire des écoliers à Villeneuve-de-Blaye en mai 2014, dossier que le parquet de Libourne a réouvert en janvier dernier, et d’autres cas intrigants, Gilles Savary ne veut « pas considérer que quand il y a trois cancéreux à côté d’un arbre, c’est forcément la faute de l’arbre » :

« J’habite à côté des vignes et mes enfants ont fréquenté l’école voisine pendant 15 ans. Je ne savais pas qu’il y avait une telle exposition aux pesticides en Gironde et c’est assez troublant de constater par exemple que les eaux sont claires et ne relèvent pas de traces inquiétantes. Ils vont où tous ces pesticides dans le sol ? »

N’empêche que les Bordelais sont inquiets. Ce dimanche 14 février, ils étaient entre 600 et 1000 personnes à la « marche blanche » lancée par Valérie Murat, dont le père viticulteur est mort d’un cancer lié à l’arsénite de sodium en 2012, et Marie-Lys Bibeyran, sœur d’un ouvrier viticole, Denis Bibeyran, décédé d’un cancer rare en lien éventuel avec l’exposition aux pesticides. Toutes deux sont soutenues par la Confédération Paysanne, et plusieurs associations et collectifs (Générations Futures, Vigilance OGM 33, les Amis de la Terre gironde, Collectif Alerte Léognan, Info Médoc Pesticides).

Interrogée par Reporterre, Valérie Murat avait déclaré qu’il était temps de « faire tomber l’omerta » face au « déni profond entretenu par les institutions ».

Ce rassemblement au retentissement national et médiatisé au-delà du département devrait en entrainer d’autres. D’Ajaccio à Lille en passant par Paris, plusieurs rendez-vous sont déjà fixés devant les maires de France pour dimanche 21 février.


#Cash Investigation

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