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Bordeaux Métropole : le stationnement payant guetté au tournant

Alors que le stationnement payant en surface s’étend à Bordeaux et dans plusieurs villes de l’agglo, la mairie et la métropole créent un observatoire pour traiter les sujets qui fâchent. Inventaire.

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Bordeaux Métropole : le stationnement payant guetté au tournant

Les horodateurs arrivent à la Bastide (SB/Rue89 Bordeaux)
Les horodateurs arrivent à la Bastide (SB/Rue89 Bordeaux)

« C’est dégueulasse. » « L’abonnement représente une hausse de 10% de la taxe d’habitation, sera-t-il déductible de nos impôts ? » « 165 euros par an, cela fait beaucoup d’argents pour certains habitants du quartier, qui sont parfois à 10 euros près pour faire leurs courses à la fin du mois. »

La semaine dernière à la mairie du Grand Parc comme lors de chaque réunion publique où elle est présentée, l’arrivée du stationnement payant fait jaser. Une centaine de personnes est venue écouter Anne-Marie Cazalet, maire adjointe du quartier Chartrons-Grand Parc, où 1625 places vont devenir payantes – c’est actuellement une des principales extensions du domaine des horodateurs à Bordeaux, avec la Bastide (1221 places).

L’élue et Nicolas Andreotti, directeur de la police municipale, justifient la politique en vigueur, clairement annoncée par Alain Juppé : faire passer en stationnement payant toute la zone intraboulevard d’ici 2018. Et pas pour créer des parcmètres tire-lires : si les recettes du stationnement de surface devraient passer de 5 millions d’euros en 2014 à 6,7 millions en 2016, la Ville assure que le système a un coût de fonctionnement important, celui du contrôle, et que les bénéfices dégagés (environ 3 millions par an) sont investis dans l’extension des zones.

« Nous avons trois objectifs, rappelle Nicolas Andreotti : améliorer la rotation des véhicules ; lutter contre le stationnement prolongé de véhicules ventouses, par exemple les étudiants qui laissent leur voiture à une place non payante le dimanche soir, prennent le tram et la récupèrent seulement le vendredi pour repartir à Bayonne ou Agen ; et libérer des places pour les riverains et les professionnels, notamment de la santé, qui ont besoin de stationner pour leurs activités. »

Des macarons chez les cannelés

Les Chartrons et le Grand Parc se retrouveront en zone B, au tarif horaire de 1,70 euro pour les non résidents, et deux heures de stationnement autorisé maximum. Les riverains ont eux droit un tarif préférentiel de 1 euro par jour, 15 euros par mois ou 165 euros par an – à condition que la carte grise soit à l’adresse du résident, ou que celui-ci présente une attestation du prêteur si le véhicule ne lui appartient pas. Pour les professionnels, le macaron coûte 30 euros par mois.

« Et la deuxième voiture ! On en a besoin ! », tonnent plusieurs personnes pourtant visiblement à la retraite ou proche de l’être. Pour beaucoup, cette double peine contre leur porte-monnaie et leur bagnole est insupportable. Une dame monopolise les questions, avant de lâcher, dans la stupeur rigolarde de l’assemblée, qu’elle loue un garage, mais tient à pouvoir laisser gratuitement sa voiture dans la rue devant chez elle…

« 17 000 macarons ont déjà été octroyés aux riverains, pour 14 212 places payantes (sur un volume global de 56 000 places sur voiries, NDLR), souligne le directeur de la police municipale. Si tous les résidents et professionnels décidaient de stationner en même temps, il n’y aurait pas assez de place. 500 000 véhicules circulent tous les jours dans l’agglomération, il va falloir changer nos comportements et nos usages. dans l’hyper centre de Bordeaux, où l’accès est désormais restreint aux abonnés, le taux de motorisation est passé de 2,5 véhicules par foyer à 0,8, et tout se passe bien. »

Et une, et deux, et trois voitures

Avec il est vrai une bonne desserte par les transports collectifs et des distances aisément réalisables à pied ou à vélo. Pour Vanessa, 22 ans, une habitante de la Bastide rencontrée devant la portière de sa voiture, c’est une autre paire de manches :

« Payer ne me dérange pas si cela me permet de me garer plus facilement. C’est plutôt le fait de n’avoir droit qu’à un macaron par foyer qui me gêne. Je travaille à Bordeaux Lac, dans l’hôtellerie avec des horaires atypiques. C’est compliqué d’y aller en tramway, il y a des changements, et ils ne circulent pas forcément aux heures où j’en aurai besoin. Et mon compagnon, lui, travaille à Cestas. Pour l’instant, on a donc vraiment besoin de nos deux voitures. »

15000 places payantes à Bordeaux, pour un total de 56000 sur voirie (WS/Rue89 Bordeaux)
15000 places payantes à Bordeaux, pour un total de 56000 sur voirie (WS/Rue89 Bordeaux)

Lors d’un précédent conseil municipal, Emmanuelle Ajon, élue socialiste de la Bastide, pointait une « mesure inéquitable » pour son quartier, où les échoppes et petites maisons sont « souvent dépourvues de garage privatif », et qui ne dispose pas de stationnement payant collectif « malgré nos demandes depuis des années de création d’un parking en silo ».

Si un nouvel Observatoire du stationnement, mis sur pied par la Ville de Bordeaux et la métropole, doit aborder ce sujet, pas question a priori d’accorder des passe-droits, ni de revenir sur le principe d’un seul abonnement résidentiel par foyer, répond Jean-Louis David, adjoint au maire de Bordeaux en charge du dossier :

« Les grandes villes qui avaient donné deux macarons à chaque habitant sont en train d’essayer de revenir dessus avec énormément de difficultés. On doit diminuer le nombre de voitures qui accèdent en ville, et le système de l’abonnement unique pousse à se débarrasser de leur deuxième voiture les familles qui n’en ont pas un besoin absolu. »

Pour des enjeux évidents de lutte contre la pollution et de changement climatique, mais aussi de qualité de vie. A la mairie du Grand Parc, Nicolas Andreotti rappelle par exemple la place occupée, souvent illégalement, par les voitures sur les trottoirs, empêchant souvent la circulation des poussettes et piétons.

Contre la « ville de l’entre-soi »

Mais d’autres doléances des automobilistes interpellent les élus. A la réunion publique du Grand Parc, un patron de PME râle pour ses 7 salariés qui viennent travailler en caisse. « Vous allez chassez toutes les activités de Bordeaux. » C’est aussi le cheval de bataille de Michèle Delaunay, conseillère municipale et métropolitaine socialiste, qui dénonce « la construction d’une ville de l’entre-soi » :

« Le stationnement payant généralisé bénéficie en premier lieu à ceux qui sont installés dans Bordeaux. De fait, après avoir expulsé les plus modestes par le prix de l’immobilier, on renvoie même ceux qui viennent travailler en ville. Aucune aide à domicile payée au smic n’habite cours de l’Intendance. Elle doit venir de Lormont ou Cenon pour travailler en centre ville, ne peut pas se passer d’une voiture si elle doit faire quatre déplacements dans la matinée, et n’a pas droit au macaron professionnel, réservé aux professions médicale et aux artisans dont le siège est à Bordeaux. Comme les infirmières, les aides à la personne doivent bénéficier de ce macaron. »

Selon Jean-Louis David, adjoint au maire de Bordeaux en charge de ce dossier, ce sera justement l’un des sujets au menu des discussions du nouvel Observatoire du stationnement de la métropole :

« Le problème des aides à la personne est un sujet qu’il faut incontestablement approfondir. Les gens qui vont chez des particuliers faire deux heures de ménage ne peuvent pas additionner les frais de déplacement toute la semaine. On est aussi régulièrement interpellé par les carrossiers, qui occupent la voie publique, mais aussi par un certain nombre de professions libérales installées en centre ville – huissiers, architectes, avocats…  – C’est tout cela qu’il faut qu’on arrive à traiter. »

Effet plumeau

L’observatoire du stationnement se réunira pour la première fois en mai. Son groupe de travail sera composé de représentants d’associations (Automobile Club, défenseurs du cadre de vie, usagers…) et coprésidé par Jean-Louis David et par Christophe Duprat, maire de Saint-Aubin et vice président de Bordeaux Métropole en charge des transports.

Logique à double titre : la métropole finance à hauteur de 50% l’implantation d’horodateurs à Bordeaux, soit 500 000 euros par an (si bien que pour le conseiller métropolitain écologiste Pierre Hurmic, la métropole est « la vache à lait » de Bordeaux).

Et alors que le stationnement de surface payant s’étend à plusieurs communes de l’agglomération (5 sur 28 – Pessac, Mérignac, Talence, Bordeaux, Le Bouscat), Bordeaux Métropole doit faire face à l’ « effet plumeau » : les voitures poussées des zones payantes accentuent la pression sur le stationnement dans les zones gratuites. Cela pose des problèmes dans certains secteurs des boulevards, autour du centre hospitalier Pellegrin, de Caudéran ou encore du Grand Parc.

Dans ce dernier quartier, un nouveau parking relais doit prochainement être construit, cofinancé par la polyclinique Bordeaux Nord afin notamment de satisfaire les besoins de ses salariés et de ses usagers. Alors que le parc relais de Ravezies est complètement saturé, et que les bailleurs sociaux du grand Parc vont « résidentialiser » (fermer) leurs parkings d’ici 18 mois, nul doute que le futur parking affichera vite complet.

Dans l’attente d’un transport en commun en site propre efficace sur les boulevards, ou de la ligne D du tram, le stationnement, dans ces zones fréquentées des « pendulaires », devient ainsi un casse-tête pour les pouvoirs publics. D’où l’idée par exemple de « foisonner » (mutualiser) les parkings existants, qu’ils soient publics (Cité administrative, Parc des expositions…) ou privés (le programme immobilier de Marie Brizard). Jean-Louis David souhaite également que les parcs relais soient accessibles toute la nuit, afin de toucher un public plus large que les seuls « pendulaires ».

L’adjoint bordelais écarte en revanche toute idée de tarification sociale du stationnement, calculée par exemple sur le coefficient familial, comme l’ont proposé les élus de l’opposition. La mesure serait selon lui « discriminatoire », et totalement illégale au vu de la jurisprudence.

« Mais quand on a instauré le tarif par internet, on en a tenu compte, et nous ne sommes pas dans la tranche supérieure de ce qui se pratique dans les grandes villes ».

Le stationnement promet d’être un vaste chantier pour longtemps.


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