Les réactions se multiplient contre la venue de Tariq Ramadan, ce samedi à Bordeaux. La dernière en date est celle de Naïma Charaï, conseillère régionale socialiste d’ALPC (Aquitaine Limousin Poitou-Charentes), qui a publié sur son blog une longue réaction contre la conférence que doit donner l’intellectuel au Palais des congrès. Elle l’accuse en effet d’être un « prédicateur fondamentaliste de la confrérie des Frères Musulmans » :
Tariq Ramadan « vient d’intégrer officiellement l’Union Mondiale des Savants Musulmans (UMSM), organe dirigé par le théologien des Frères Musulmans : Youssef Al Qaradawi. Ce dernier, est un antisémite, homophobe et sexiste , auteur d’une fatwa autorisant à mener des attentats suicides » :
Et l’élue régionale d’appeler Alain Juppé, maire de Bordeaux, à « prendre position officiellement » :
« En ces temps troublés, et plus que jamais, nous aspirons à entendre un discours anti-raciste et laïc et non un discours fondamentaliste porté par cet homme. »
Avant Naïma Charaï, Laurence Marchand-Taillade, secrétaire nationale du Parti radical de gauche (PRG) et présidente de l’Observatoire de la Laïcité du Val d’Oise, signait une tribune dans le Huffington Post adressée à Alain Juppé, sans y aller avec le dos de la cuillère :
« L’un des plus grands ennemis de notre République s’apprêtant à porter un coup supplémentaire à notre socle commun, l’occasion vous est donnée de faire la démonstration de votre courage, de votre fermeté, et de votre conscience des responsabilités qui seront peut-être les vôtres, sous peu », écrit-elle.
Dans un communiqué, le groupe des Radicaux de Gauche à la région ALPC, a demandé formellement au maire de Bordeaux « d’utiliser ses pouvoirs de police et d’interdire cette conférence sur le fondement du trouble à la sécurité ou à la tranquillité publique ».
Pas de « moyens légaux » pour interdire la conférence
A la mairie de Bordeaux, jointe par Rue89 Bordeaux, on convient que le sujet est « sensible », mais que le maire de Bordeaux n’est pas en mesure d’interdire la manifestation :
« Alain Juppé s’est concerté avec le préfet de la Gironde pour savoir si cette conférence pouvait provoquer des troubles à l’ordre public, le préfet a répondu que ce n’était pas le cas. Il n’y a donc aucune raison de s’opposer à la venue de Tariq Ramadan à Bordeaux. A noter que le Palais des congrès n’est pas une salle municipale (le bâtiment appartient à la Ville, mais est exploité par la société Congrès et exposition de Bordeaux (CEB), NDLR) ; les associations organisatrices ne sont pas interdites et la venue de l’invité est légale en France. »
La Ville de Bordeaux veut surtout éviter de « mettre la lumière sur sa venue et faire de la promotion à l’événement ». La récente procédure dans le Sud-Est de la France y est probablement pour beaucoup : saisi par un élu FN, Michel Thooris, le tribunal administratif de Nice a finalement autorisé la conférence de l’islamologue dans la commune de Carros le 19 mars dernier et a même condamné le conseiller de Marine Le Pen à verser 800 euros de frais de justice à la municipalité.
Dans sa décision, le juge administratif a rejeté toute menace à l’ordre public et fait valoir que Tariq Ramadan « n’a jamais fait l’objet de poursuites pénales » et qu’ « il n’est pas non plus établi que des troubles soient intervenus à l’occasion des précédentes conférences de M. Ramadan ».
Sans Edgar Morin
Tariq Ramandan, qui a annoncé en février vouloir demander la nationalité française, a condamné sans ambiguïté les attentats commis l’an dernier en France, notamment dans une tribune cosignée avec trois autres intellectuels :
« Nous devons publiquement exprimer notre attachement aux valeurs des Lumières et au respect des libertés individuelles, sans jamais oublier qu’à l’échelle mondiale, les musulmans sont les premières victimes, à la fois des intégristes souvent violents qui se réclament de l’islam, mais aussi des autocrates séculaires qui se présentent comme les seuls remparts contre ces derniers. »
A Bordeaux, il est invité par l’Espace cultuel musulman (ECM) et l’association In Peace Event. Cette dernière est bien connue à la Bastide notamment pour l’organisation d’un tournoi de football parrainé par Cédric Yambéré, un footballeur professionnel des Girondins de Bordeaux.
Le théologien musulman intervient sur le thème : « Les clefs pour vivre ensemble ». Il était annoncé en compagnie du sociologue et philosophe Edgar Morin, avec lequel Tariq Ramadan a cosigné un livre en 2014, « Au péril des idées ». Selon l’association sur sa page Facebook, Edgar Morin « ne pourra malheureusement pas être présent […] Avec la situation actuelle en Tunisie, il a été sollicité pour intervenir à Tunis le jour de notre conférence. C’est avec regret qu’il nous a informé de son absence et nous souhaite, à tous, une conférence enrichissante ».
L’association avait lancé un appel au financement de l’événement sur le site de collecte de fonds dédié aux associations, HelloAsso.
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