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Avec Pulse, la SNCF impulse l’Estacade de Cenon

[+Vidéo] SNCF Réseau a inauguré hier « l’Estacade » qui traverse la ville de Cenon. La société a fait appel à 1204 architecture pour une installation éphémère intitulée « Pulse », une œuvre qui en met plein les yeux, en attendant que les habitants s’accaparent les lieux.

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Avec Pulse, la SNCF impulse l’Estacade de Cenon

Pulse, l'installation visuelle et sonore de 1024 architecture à Cenon (WS/Rue89 Bordeaux)
Pulse, l’installation visuelle et sonore de 1024 architecture à Cenon (WS/Rue89 Bordeaux)

Lors de l’inauguration ce mercredi à 21h, Alain David, le maire de Cenon, a insisté sur « la bonne utilisation de l’Estacade » qui traverse sa ville et que les riverains ont vécu « comme une blessure ». Il peut être rassuré, SNCF Réseau s’y emploie en faisant appel au studio 1024 architecture pour une installation visuelle et sonore. L’œuvre éphémère est visible depuis hier mercredi, jusqu’à vendredi 13 mai, de 21h à minuit.

L’effet est garanti. La création de Pier Schneider et François Wunschel embarque à coup sûr le spectateur dans une déambulation fortement inspirée des déplacements sur rails, une « œuvre cinétique voulue sur la notion d’espace et de temps », comme la définit Benoit Guerinault, directeur artistique de Trafic, partenaire de l’événement.

« Une construction d’une violence rare »

L’événement est programmé après la concertation confiée au collectif Bruit du Frigo qui a installé ses manèges en bois dans le « tube » les 19 et 20 mars dernier. Cette fête foraine avait réuni plus de 4000 personnes sur les deux jours et avait recueilli plus de 1000 retours des habitants sur les divers outils d’expression proposés. Sa restitution est attendue pour ce mois de juin mais on sait déjà que des demandes de végétalisation du lieu largement bétonné arrive en haut de la liste :

« On a emmené les gens ici pour leur montrer qu’on peut faire des choses et leur donner envie de revenir », résume Yvan Detraz, à la tête de Bruit de Frigo.

Dans la même veine, Pier Schneider explique l’installation Pulse :

« Cette construction est d’une violence rare. C’est apparemment le prix à payer pour améliorer la circulation des trains vers Bordeaux. Sur cette question, ma responsabilité est artistique. SNCF Réseau a la volonté d’animer le lieu, c’est une belle option et j’ai envie de la saluer. »

D’abord appelé pour une intervention à la gare de Cenon, le duo de 1024 architecture découvre le tunnel de béton et imagine aussitôt « une métaphore de ce territoire linéaire » sur presque 250 mètres. Pour Alain Autruffe, directeur territorial de SNCF Réseau Aquitaine Poitou-Charentes, et Alain Getraud, directeur des opérations à Bordeaux, Pulse est « le temps de la fête » après 11 ans de travaux :

« C’est un temps dédié à ceux qui ont vécu la complexité de réaliser un ouvrage au milieu de Cenon, souligne Alain Autruffe. Cet ouvrage a été fait au nom de l’intérêt général, il a permis de supprimer le bouchon ferroviaire vers Bordeaux. 50% de TGV supplémentaires vont ainsi pouvoir circuler sur ces voies. »

« Faire naître des idées improbables »

Alain Getraud concède que ce fut « un chantier long avec des nuisances » qui « a laissé une blessure dans le paysage ». Cette infrastructure ferroviaire a cependant permis la création de cet espace de 8 mètres de large sur 1400 mètres de long que le directeur de l’opération a à cœur de mettre au service des habitants :

« On explore des pistes de manière expérimentale, ajoute-t-il. L’installation de 1024 architecture fait partie de nos expérimentations pour évaluer l’accueil du public. Avec la configuration particulière des lieux, nous ne souhaitons pas de cloisonnements. Nous imaginons un espace aménagé de manière modulaire, créer des espaces sportifs, ludiques, culturels… et pourquoi pas une salle de spectacle. Mais nous pensons également consacrer des espaces associatifs pour permettre l’installation d’associations locales. »

Selon le maire de Cenon, SNCF Réseau finance les études menées sur la réflexion d’utilisation et d’exploitation des lieux. Est-ce le prix pour faire passer la pilule de ce monstre en béton imposé en plein quartier résidentiel ? Les représentants de SNCF Réseau ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux le défi est d’exploiter la contrainte de cette construction et de « faire naître des idées improbables comme l’installation de serres ou d’Amaps ».

Un schéma directeur confié à A’urba

Toutes ces idées émanent de la concertation entreprise par Bruit du Frigo mais pas que. Un schéma directeur est à l’étude avec A’urba, l’agence d’urbanisme de la métropole bordelaise et de l’Aquitaine.

« Le but étant de rechercher dans le monde des types d’utilisation, explique Alain David. On a trouvé à Tokyo des lieux similaires avec des installations originales basées sur le sport et la culture. Je souhaite la création d’un marché et l’idée est en cours. »

Si le maire assure qu’il restera « des séquences libres » pour des expressions libres et urbaines tel que le street art et le graff, il n’imagine pas l’endroit devenir juste un « sous le pont » :

« Cet ouvrage a provoqué un traumatisme, d’une part le traumatisme des expropriations – bien que les maisons aient pu être correctement valorisées de sorte à ce que les propriétaires puissent acheter une maison en Gironde –, mais aussi le traumatisme d’un quartier coupé en deux. Je ne veux pas que cela devienne une frontière au contraire, je veux un lieu de passage que la population s’accapare. »

Un lieu pourtant fermé au public

Malgré ces bonnes intentions, les choses ne semblent pas être aussi simple. Selon Pascal Romain, membre de « A plein tube », collectif qui fédère les associations qui ont participé avec Bruit du Frigo à la concertation des usages possibles des lieux, la question de la responsabilité légale par rapport au public n’est pas réglée.

« La propriété foncière des lieux appartient à la SNCF. Celle-ci souhaite mettre en place une convention d’occupation, avec une collectivité de préférence. La mairie tarde à répondre alors que les habitants, qui viennent de tourner une page douloureuse, aimeraient se projeter vers un usage positif, notamment l’école à côté qui se voit bien organiser des sorties pédagogiques et des pratiques sportives dans les lieux. Seulement le lieu est toujours fermé au public. »

En effet, depuis le weekend organisé par Bruit du Frigo, SNCF Réseau finance une surveillance du site et en empêche l’accès :

« Les enfants du quartier demandent tous les jours quand est-ce que va ouvrir le tube ?! ajoute Pascal Romain. C’est à la mairie d’avoir la clef et de mettre en place un gardiennage et des heures d’ouverture comme un jardin municipal ou autre espace public. C’est assez rare qu’une société comme SNCF Réseau s’intéresse autant au devenir d’un lieu comme celui-ci et dommage que la mairie ne saisisse plus rapidement l’opportunité. »

En réponse, le maire rappelle qu’il y a encore des questions à régler sur la sécurité, qui concernent en particulier les voies ferrées voisines. En attendant son public, le lieu est bien parti pour être the place to be jusqu’à la fin de la semaine.


#1024 architecture

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