
Après la manifestation de jeudi 19 mai contre la loi Travail à Bordeaux, Steeven P. a été interpellé par la police lors de la « manif sauvage ». Il raconte.
Lycéen bordelais de 18 ans interpellé par la police jeudi dernier lors de la « manif sauvage » contre la loi travail, Steeven P. a voulu témoigner à Rue89 Bordeaux de cette expérience, filmée par un vidéaste amateur. Il revient aussi sur les raisons de son engagement. Le tout avec une étonnante lucidité, et une certaine dose d’empathie pour les forces de l’ordre !
Rue89 Bordeaux : Pourquoi avez-vous été arrêté jeudi dernier ?
Steeven : Après la manif officielle, nous sommes alors 400 ou 500 place de la République, et y restons bloqués une heure avant qu’une petite brèche nous permette de passer. On commence à courir dans les rues, et à faire courir la BAC et les CRS après nous. Ça les a énervés. Arrivés sur les quais des sports, on se met à bloquer une route, mais on a 60 CRS derrière nous, Porte de Bourgogne. On décide de prendre à gauche vers Saint-Michel. Là, des gens passent à côté de moi, des agents en civil. L’un d’eux me bouscule, me dit « continue à courir », et me projette contre un mur. Je lui dis « pas de violence policière », il me répond « je vais t’en montrer de la violence policière, on fait ce qu’on veut ». Il ajoute : « vous ne savez pas pourquoi vous manifestez ».
Je me remets à courir, ils me suivent, et le même me lance « au bout de 300 mètres t’es déjà essoufflé, gros lard ». Là je craque, et je lui dis « vas te faire enculer ». Ils m’arrêtent, je me débats. Ils me demandent ma carte d’identité, mais je me la suis faite voler récemment. Ils se mettent à six pour me neutraliser, l’un d’eux me fait une clé de bras qui m’étrangle. Je me sens mal, je suis en train de m’évanouir, et le leur dis. L’un d’eux me répond « tant mieux tu nous feras plus chier ». Et je ne dis pas tout ça pour faire un scandale, mais pour montrer que leur démonstration de force était un peu exagérée par rapport à ma corpulence et au danger que je représentais. On m’a neutralisé comme un terroriste !
Que se passe-t-il ensuite ?
Je suis conduit au commissariat, où je passe 4 heures. Je me calme dans la voiture – ça ne servait plus à rien que je m’énerve, et les policiers sont aussi plus cool, je me mets à discuter avec eux. Ce qui est moins cool, c’est qu’ils me confisquent mon téléphone au poste. Alors que je leur demande de prévenir ma mère pour pas qu’elle s’inquiète, ce à quoi ils me répondent qu’ils vont s’en occuper, je réalisais au bout de deux heures qu’ils ne l’ont pas fait. Puis ils essayent de me foutre les boules, de me faire croire que la loi a été abrogée, qu’il n’y a plus qu’à Bordeaux qu’on manifeste…
Ils tentent me soutirer des noms de militants et de responsables syndicaux, que je leur dise les actions prévues pour les prochains jours, si on allait essayer d’occuper des places fortes comme la gare ou l’hôtel de ville. On me dit que je suis une sous-merde, au mauvais endroit et au mauvais moment. Bref, je prends pour toutes les insultes qu’on leur a balancé pendant 3 jours ! Je leur dis que moi, je ne suis pas là pour foutre la merde, que je n’emmerde pas les CRS. Ils me préviennent aussi que si je vais à la prochaine manif, ils m’interpelleront sans aucune raison. Je leur demande s’ils ont un papier officiel pour ça, car cela reste un droit citoyen de manifester, un agent ne peut pas me l’interdire verbalement !
Y a-t-il des suites judiciaires à cette interpellation ?
Pas de pièce d’identité, port de couteau (j’en ai un sur moi depuis que je me suis fait agressé), outrage à agent et rébellion, je risquais 24h de garde à vue et 4 mois de prison ferme. Cela m’aurait fait mal, car je passe mon bac en juin. Mais l’agent de la BAC n’a finalement pas porté plainte contre moi, et a seulement fait une main courante. Je ne vais pas comparaitre en justice, j’ai droit à un rappel à la loi. Je serai convoqué en octobre à une journée de sensibilisation, pour le respect des forces de l’ordre, et l’affaire sera classée. Cela ne jouera pas sur mes recherches d’emploi.
De votre côté, comptez-vous donner suite à cette mésaventure ?
On a failli m’étouffer, on m’a donné aussi un beau coup de poing dans le ventre, mais je m’en sors avec un mal au bras, un mal au cou et sans traces de violence. Donc difficile de porter plainte. Je ne veux pas faire un scandale parce que je me suis pris la tête avec la police. Je respecte ce que font les forces de l’ordre, mais elles nous mettent tous dans le même panier quand quelqu’un fait le bordel. J’ai des copains qui ont atterri à l’hôpital à cause d’un coup de matraque. Et les policiers n’usent pas de la même violence avec les syndicats.
Pourquoi manifestez-vous ?
J’ai le bac dans un mois, donc je peux pas trop louper mes cours, mais j’étais à la manif du 31 mars contre cette loi travail que l’on veut faire retirer à tout prix. Et ce qui m’a le plus révolté, c’est l’utilisation du 49-3. Je pense que les manifs sauvages ont encore plus d’impact : en manifestant illégalement, on montre qu’on est prêt à aller jusqu’au bout. L’important c’est d’être présent, et de gueuler sans casser, sans balancer des pétards dans des restaurants où il y a des enfants, sans brûler des voitures de flics avec des gens dedans, c’est exagéré. Les flics, ils font quand même leur taf. Mais on est limite fiers de les avoir fait courir 45 minutes, sans casse ni violence.
Avez-vous encore espoir de faire changer les choses ?
On a déjà réussi à faire évoluer le projet de loi. Sur le long terme, je pense qu’on peut y arriver, mais il faut retarder au maximum, et bloquer l’économie et les raffineries. Moi je n’y participerai pas mais si certains pensent que c’est efficace, il faut le faire.
Pauvre jeune va.
Comment avoir confiance en l'Etat !
L'Etat aspire tout ce que je gagne par prélèvement obligatoire, je me crois protéger en retour et bien non :
expulsé de force par l’état, et être non indemnisé par ce même état, avec des assurances payées qui ne me rembourseront rien http://rue89bordeaux.com/2016/02/les-coproprietaires-du-signal-ne-seront-pas-indemnises/
Et à coté de ça, la dette française ne cesse d'augmenter... L'Etat nous pompe tout pour fabriquer de la dette !?
Alors cette loi qui propose de mieux licencier, pour mieux nous donner du travail, j'ai bien des doutes...
Il ne faudra pas venir pleurer après si « l’esclavage » est de retour.
Un jeune qui a donc parfaitement le droit de ne pas avoir bien vécu l'expérience des provocations policières et la répression à son encontre... c'est même le contraire masochiste qui eût été étonnant, cela ne vous était pas venu à l'esprit ? Il est vrai qu'il n'a pas l'air débordant, l'esprit en question...
Pour le reste, qui "chouine" du matin au soir et du soir au matin sur toutes les chaînes de télévision et stations de radio, à part ceux qui essayent de faire avaler coûte que coûte et par tous les moyens, à un pays qui n'en veut pas, une loi de régression sociale destinée à donner des gages à la classe dominante avant la prochaine élection ? Qui chouine vraiment, sérieusement... ce jeune qui fait part de son expérience nécessairement désagréable de la répression, même mesurée, ou tous les professionnels de la complainte libérale qui se relaient inlassablement pour pleurnicher à l'unisson indécent sur des "prises en otage" imaginaires et des piquets de grève néfastes à leurs... pardon, aux "intérêts de la France" ??
PS : Et donc, si on tient à chercher des "chouineurs", autant le faire sérieusement. Et profiter du fait que ce n'est pas ce qui manque. De la fausse gauche à la vraie droite en passant par la moindre CCI de province, c'est à qui en fera le plus la main sur le cœur ou dans la solennité émue, pendant que les rentiers coalisés du CAC40 et autres journaflics du système surjouent non-stop la sérénade des intérêts capitalistes avec des trémolos dans le porte-feuilles... alors si on cherche vraiment, on risque vite de trouver ! Même si pour certains il n'y aurait pourtant qu'un "pauvre jeune" à montrer du doigt pour avoir partagé son expérience sur la toile...
Pourtant, qui passe son temps à larmoyer, entre d'un côté celles et ceux qui subissent la loi du Capital dans l'entreprise et la répression dans la rue mais alignent avec détermination les journées d'action par tous les temps, et de l'autre les recenseurs rémunérés des blessures policières qui oublient à dessein celles des manifestants ? Et qui se lamente éhontément, entre d'un côté les jeunes et travailleurs qui perdent des journées de salaire ou d'étude pour les droits de tous, et de l'autre les représentants de "syndicats" policiers réactionnaires qui tiennent "à évoquer avec émotion la grande souffrance et l'immense fatigue de leurs collègues" qui, entre deux siestes bien méritées, alignent goulument les selfies avec des élus du Front national sur la place de la République ?
Et qui gémit le plus, entre ceux qui défendent au quotidien les droits des travailleurs et ceux qui nous expliquent le "droit au travail" devant une station-service en rupture de stock... en oubliant d'expliquer que plus de la moitié des stations a fermé en 20 ans pour cause de "réajustement stratégique" des grands groupes pétroliers ? Qui pleurniche sur le passé, le présent et l'avenir, quand le monde du travail défend simplement ses droits chèrement acquis et un futur pour ses enfants avec courage et détermination ? Qui se plaint sans relâche (du recul de la loi qui ne servirait plus à rien, de l'inacceptable radicalité syndicale, de l'éternelle incompréhension des travailleurs, de la jeunesse évidemment manipulée...), qui déplore avec grandiloquence (les grèves, les manifestations, les blocages économiques... bref, la résistance sociale) et qui prédit le pire au pays si cette loi (où pourtant il n'y aurait "plus rien") ne passait pas ? Qui chouine, en vérité ???
Qui chouine en vérité et, pour finir, menace gravement, quand les jérémiades des actionnaires, le baratin abject des néo-socialistes et la manipulation policière ne suffisent pas ? Qui chouine en vérité, quand les grands patrons nous "émeuvent" à longueur de pages du Figaro et des Échos avec leurs analyses pointues qui concluent invariablement que "ce n'est pas bon pour l'investissement" (ie. l'attractivité des actionnaires avec des marges moins gourmandes qu'espéré), toute cette "agitation sociale inutile" (ie. la résistance du monde du travail face à une loi dans laquelle il n'y aurait "plus rien") ? Qui chouine en vérité, quand on cherche à endormir les masses avec des "avancées" dans le texte qui n'auraient pas été "comprises" et qu'on passe son temps à geindre que la CGT ceci, les "casseurs" cela et les blocages patati et, oh, mon dieu... bientôt l'Euro patata ? Mais qui chouine, bordel ???
Quant à la provocation, la seule, la vraie, c'est l'autisme absurde de ce gouvernement servile passé corps et âme de la gauche molle à la droite dure, qui attaque frontalement les droits des travailleurs et le pouvoir d'achat des classes populaires, réprime la jeunesse et ment au pays, méprise autant le débat parlementaire que la négociation sociale et se réfugie derrière l'autoritarisme d'une constitution anti-démocratique pour contourner le rejet de son propre camp. Circulez, y'a rien à discuter, rien à négocier, et surtout pas l'article 2 "qui est au cœur de la philosophie du projet". Et d'ailleurs, je vais créer 9000 postes de policiers et gendarmes pour être encore meilleur dans la répression la prochaine fois...
La vraie provocation, c'est justement la multiplication des provocations. Et surtout de celles pour s'offrir à tout prix des épouvantails télégéniques et des boucs-émissaires pratiques afin de ne surtout pas parler du vrai fond de la loi et occulter massivement les véritables questions avec des discours guerriers et militaristes ineptes sur la "sécurité" et l'autorité de l’État.
TAFTA, dumping social, politique du crédit et de l'investissement publics, évasion fiscale et NTIC, politique éducative ou de santé, financement des collectivités, subventionnement des entreprises privées, stratégie industrielle et planification écologique, répartition des richesses, refonte de l'aide sociale, place réelle de le jeunesse dans la société, politique culturelle, politique de la ville... ce ne sont pourtant pas les débats urgents qui manquent. Ou plutôt si, donc...
La provocation, c'est aussi l'opposition à sens unique de forces de l'ordre "exemplaires" à des syndicats "qui ont perdu la raison" pour mieux dénoncer avec les mots de la pire droite une prétendue radicalisation* face au disque rayé de la "volonté du gouvernement d'aller jusqu'au bout". Parce que la provocation, c'est l'instrumentalisation outrancière des forces de l'ordre pour tenter de diviser un mouvement solidaire au-delà des contradictions inhérentes à l'inégalité des statuts, parce qu'il cristallise le mal-vivre généré au kilotonne par le rouleau-compresseur capitaliste qui enrichit les riches et appauvrit les pauvres, fragilise, abrase, dérégule, déboussole et, pour finir, pollue et détruit tout....
Bref, la seule provocation, c'est cette errance politicienne morbide jusqu'au bout de la trahison sociale et politique pour asseoir définitivement la fuite en avant suicidaire des chefaillons de la défunte sociale-démocratie et entraîner de force leurs larbins sponsorisés vers les confins assumés de la droite réactionnaire et patriotarde. C'est inévitablement aussi, au passage, la prise en otage du dialogue social et des corps intermédiaires par les fractions concurrentes à la tête de l’État au profit de leur image de meilleur valet des classes dominantes, ce qui se traduit concrètement par la volonté hargneuse d'imposer au forceps une régression sociale qui ne ferait pas reculer aucun chômage mais seulement progresser toutes les marges des actionnaires. C'est enfin cette surenchère verbale absconse pour donner des gages à la finance et tenter de conserver un statut d'autorité à renvoyer aux bataillons de beaufs en vue des présidentielles...
Alors, qui chouine et qui provoque ?? La jeunesse et les travailleurs savent bien à quoi s'en tenir, c'est pourquoi ils ne chouinent pas mais résistent. Et d'autant que la course à l'échalote pour savoir qui sera le plus anti-social s'est engagée à droite sur les chapeaux de roues. La fausse gauche est morte et la vraie droite attend sa résurrection. Il ne reste que la résistance sociale à la jeunesse et aux travailleurs, aujourd'hui comme hier. Mais bien moins que demain, que chacun en soit convaincu. Tremblez, bourgeois, cette crise est la vôtre...
* Tiens, comme pour les djihadistes... Parler plus simplement de détermination permettrait pourtant d'approcher la vérité : combien de voitures incendiées, déjà ? 100, 200, 1 000, 10 000 ? Une Porsche à Nantes et une Mégane à Paris, ça ne fait pas une radicalisation... mais ce n'est peut-être qu'une question de temps. La bourgeoisie pleure déjà sur le manque à exploiter (pardon, à gagner sur la compétitivité), ses chiens de garde jouent à "droit dans mes bottes" et ses toutous viennent baver sur la toile... tout se tient pour l'instant dans le tristement banal. Mais il faudra pourtant trouver une issue, et cette issue, à l'évidence, ne peut pas être la loi dite "travail" telle que rédigée actuellement. Pas plus que de continuer très longtemps avec pour unique message politique : "Demain, c'est aujourd'hui en pire"...
Merci pour ce tant clairvoyant que brillant exposé de la situation (pas brillante, elle) !
Enfin un commentaire structuré, fourni, argumenté, orthographié, qui claque comme un coup de fouet sur les avis convenus et les trop nombreux clichés qui nous ont mené au bord du gouffre...
Je rajouterai juste un des derniers exemples de la "mentalité 49-3" du système "politico-financio-btpiste" actuel : la décision du conseil d'Etat de valider (à la demande entre autres de sieur ROUSSET "couleur PS") de valider le principe de la construction des 2 lignes LGV Bx-Toulouse et Bx-Hendaye, CONTRAIREMENT à l'AVIS DEFAVORABLE émis par les commissaires-enquêteurs, suite à l'enquête-publique qui s'appuie, elle, sur des arguments tant techniques qu'économiques et environnementaux tout à fait construits et rationnels !
Mais politique et intérêt général semblent décidément de plus en plus aux antipodes....