« 49-3, on n’en veut pas ! » Plus de 2000 opposants l’ont scandé ce jeudi à Bordeaux. La manifestation n’a pas suivi le parcours prévu. Bouclant la rue Sainte-Catherine, la police a gazé et matraqué les manifestants. Quatre d’entre-eux ont passé la nuit au poste.
A nouveau, cette journée de mobilisation n’a pas pris le chemin prévu ce jeudi. D’ailleurs, le camion de la CGT Gironde n’en a pris aucun. Entouré de 200 personnes, à la mi-journée, il reste place de la Victoire et laisse partir un cortège où figure le gros des troupes cégétistes. La manifestation sauvage d’environ 2000 personnes est aussi garnie de membres de l’intersyndicale (Solidaires, FSU, Unef, Unl, Fidl). Mais surtout de jeunes qui font leur retour dans le mouvement : ceux-ci brillaient par leur absence durant les précédentes manifestations qui tombaient en pleines vacances.
« 49-3, on n’en veut pas ! », scandent les manifestants. Déni de démocratie et passage en force du gouvernement sont dénoncés au même titre que la loi Travail qui pour eux reste, cela va de soi, « ni amendable, ni négociable ». Le parcours initialement prévu (vers le Jardin Public) n’est pas tenu et un jeu du chat et de la souris débute porte de Bourgogne où le cortège tente de prendre le Pont de Pierre.
Bloqué par la police, une discussion se noue :
« Un bout de la police avec nous et la France change ! » lance un manifestant aux forces de l’ordre.
Echec. Le cortège prend le cours Victor-Hugo puis, fait rare, la rue Sainte-Catherine en direction de la Victoire. A nouveau, la police s’interpose. Mains levées, les manifestants ne s’arrêtent pas à ça : « On avance, non violence »… et ça marche. Sans heurt, la place est gagnée.
« Pétain reviens ! »
Nouvelle étape en vue : la gare. Nouveau blocage policiers, premiers gaz lacrymogènes et changement de slogan : « Rangez vos matraques ! » Le bon millier de personnes revient sur ses pas et s’arrête par la force rue Sainte-Catherine. Beaucoup de drapeaux syndicaux disparaissent alors, restent notamment ceux de la CGT Commerce, de Sud Emploi, du NPA (Nouveau parti anticapitaliste) et surtout de la CNT (Confédération nationale du travail, anarchosyndicaliste).
Postés au croisement du cours Victor-Hugo, les policiers, boucliers à la main, forment un cul-de-sac contre lequel les manifestants butent. La tension monte vite. Malgré l’attitude pacifiste et déterminée de la foule, les gaz lacrymogènes l’arrosent.
« Pétain reviens, t’as oublié tes chiens », se fait entendre.
Mais la ligne formée par la police avance irrémédiablement. Après avoir coincé les manifestants, le but est de les faire partir. Les gaz sont abondamment utilisés. Le mur policier renverse un manifestant en fauteuil roulant. Quatre autres l’aident à se redresser. Une manifestante est prise de tétanie.
La confusion règne. Les matraques résonnent sur les boucliers et marquent le pas. Les militants détalent, tombent sur des mannequins, bousculent le mobilier de terrasse, se terrent dans les magasins. L’un d’eux se fait déloger, plaquer au sol et arrêter violemment dans une boutique de vêtements.
Quatre interpellations
L’équipe de Rue89 Bordeaux est arrosée de gaz lacrymogène, frôlée par une matraque et manque de se faire prendre son matériel à six reprises. Un policier nous accuse :
« Et les bouteilles de verre qu’on reçoit, vous ne les prenez jamais en image ? »
Suite aux affrontements rue Sainte-Catherine, une bouteille a en effet volé au-dessus de leurs casques. Une chaise et des œufs qui leurs étaient destinés ont quant à eux fini à nos pieds.
Quatre personnes sont interpellées dont une par des agents de la Bac en civil et sans brassard alors que les échauffourées semblaient terminés. Ils ont passé la nuit au poste, en garde-à-vue pour des faits d’outrages, de jets de projectiles et d’incitation à l’émeute. Une centaine de manifestants s’est alors ensuite rendue au commissariat pour les soutenir. Il n’y aurait pas de blessés policiers. Plusieurs manifestants se sont retrouvés soignés par les pompiers ou à l’hôpital.
Cette manifestation se voulant une répétition avant les journées de grèves et de manifestations des 17 et 19 mai, cela promet… D’ici là, la coordination lycéenne propose une manifestation nocturne ce samedi.
Je vais tacher d'être factuel, car ayant manifesté, j'ai forcément un parti pris...
Il est 12h30 lorsque je me rends place de la victoire. Vers 13h15, décision est prise de manifester dans les rues, manifestation non déclarée à la préfecture, donc illégale.
Nous nous déplaçons, les CRS et policiers nous suivent et protègent sur le passage banques, magasins etc... au cas où...
A certains moment la manifestation s'arrête et repars, parfois nous sommes bloqués par les CRS qui nous contraignent à changer d'itinéraire.
La manifestation est assez "anarchique", nous nous retrouvons à marcher au milieu des voitures sur les quais, mais les forces de l'ordre nous laissent quand même manifester, sécurisant les voies tant bien que mal. Il faut dire qu'ils ne sont pas beaucoup et se retrouvent à devoir courir.
Cependant, l'ambiance reste bon enfant, les CRS qui courent sont moqués par les manifestants, on les voit sourire. C'est important de préciser que durant tout ce temps, ils restent plutôt "sympathiques".
Des policiers en civile se mêlent à la manifestation, et on en vient à se demander pourquoi ils sont en civile étant donné qu'on les repère dès qu'ils se pointent. A un moment je plaisante en annonçant que les policiers manifestent avec nous, l'un d'entre eux arrive derrière et plaisante avec moi. Là aussi c'est important de le noter.
Et puis nous entrons dans la rue sainte Catherine.
Pour ceux et celles qui ne sont pas de Bordeaux et ne connaissent pas cette rue, c'est LA rue piétonne de Bordeaux. Il fait beau, les gens flânent dans les magasins, sortent et se promènent dans la rue.
Et là, sans que puisse expliquer pourquoi, les CRS font bloquage et nous empêchent de passer. Nous sommes pour ainsi dire piégés dans la rue Sainte Catherine. Une rue piétonne, avec des passants qui n'ont rien à voir avec la manif.
L'ambiance change, les manifestants interpellent les CRS, pacifiquement, même si des noms d'oiseaux sont criés par certains manifestants. Aucune violence physique, mais d'un coup, les CRS chargent.
Il y a un début de mouvement de panique. J'ai rangé mon cornet à piston avec lequel je faisais du bruit, puis je mets mes lunettes de plongée car je sens que des gaz lacrimogène vont être utilisés.
Effectivement, peu après, les CRS commencent à gazer.
Des CRS qui étaient le quart d'heure d'avant plutôt sympas, changent subitement de comportement.
J'ai pris des gaz, je tousse, j'ai les voies respiratoires qui me brûlent, mais ça va quand même, je relativise.
Les manifestants courent et reculent, dans la précipitation, certains saisissent des barrières et différents objets pour improviser une barricade.
Je reste vers l'avant, je veux voir comment les choses vont tourner.
Malheureusement, dans la précipitation les manifestants ont oubliés qu'une des rues, celle qui passe devant la synagogue, communique avec la rue sainte Catherine. Tout à coup, j'entends des gens avertir que les CRS arrivent dans cette rue, qu'il faut courir.
Je coure, je ne vois pas ce qui se passe derrière moi. C'est une sensation étrange que de sentir un danger derrière sois, de se dire qu'on va peut-être vous frapper subitement dans le dos, ou vous bousculer dans le mouvement de la foule.
Je veux passer mais des manifestants renversent le mannequin d'un magasin. Je vois un peu plus loin une vieille dame prostrée sur le trottoir, dépassée par les événements. Je la protège pour éviter qu'elle ne se fasse bousculer par la foule et je l'accompagne dans un magasin.
Malgré mon masque de plongée et le tee-shirt que j'avais mis devant mon visage, j'ai la gorge et le nez qui me brûle, comme je retire mon masque, mes yeux se mettent aussi à me piquer.
Je reste avec la dame, elle doit avoir 70 ans, elle était là au mauvais moment, au mauvais endroit. Elle a les yeux et les voies respiratoires qui lui font mal, elle est choquée, me demande si ça va passer...
Les CRS auraient pu nous bloquer avant, ou après, mais ils ont choisi la plus grosse rue piétonne pour bloquer et faire usage de gaz lacrymogène et de violence.
J'étais dans le magasin, d'autres manifestants, des lycéennes se sont également abritées avec nous. Le vendeur qui n'est pas le patron était lui aussi un peu dépassé, il appelle son employeur pour l'avertir après nous avoir donné de l'eau et l'accès aux toilettes.
Des manifestants ont été arrêtés. J'étais à ce moment "hors jeux", je ne sais donc pas dans quelles conditions ni sous quels prétexte ils ont été arrêtés. De ce que j'ai vu, il y avait quelques jeunes un peu énervés, mais je n'ai vu aucune casse de leur part, ni aucune violence. La seule "violence" que j'ai vu, ça a été un oeuf lancé, par un manifestant.
J'ai aussi observé les CRS une fois que les événements se sont calmés, ils avaient l'air heureux, ils avaient le sourire. J'ai trouvé ça un peu sadique...
Aujourd'hui, j'ai vu les échauffourées de près, les violences qu'il y a eu sont le fait des forces de l'ordre.
Bon, et sinon...tu as bien fait de venir avec ton cornet à pistons...la scie musicale, c'est pas pratique dans les manifs !
Pour cela, il suffit de donner l'équivalent de deux cafés (ou d'un demi) par mois. Nous aider, nous soutenir, c'est ici : http://rue89bordeaux.com/soutenez-rue89-bordeaux2-5-15/
C'est un habitué des manifestations (je le croise régulièrement depuis le début du mouvement), il a pour habitude d'être dans les "premières lignes".
Hier, il s'est malheureusement retrouvé entre les policiers (il n'y avait pas de crs hier, en tout cas c'est ce qu'indiquaient les lignes bleues à l'arrière de leurs casques) et les manifestants, il a été renversé puis enjambé par les forces de l'ordre pour enfin être réinstallé sur son fauteuil par 3 ou 4 manifestants.
=> Seriez-vous de mauvaise foi ? Vous pensez qu'il y a autant de passants dans toutes les rues ? La rue Sainte Catherine, par sa largeur et son nombre de commerce concentre beaucoup plus de passant que dMoi je n'ai jamais dis qu'on était en guerre, manifester n'est pas faire la guerre, ou plutôt disons que c'est une guerre non violente contre des décisions gouvernementales.
Ceux qui défendent ce qui reste du droit du travail ou ceux qui prétendent imposer par la brutalité constitutionnelle et la manipulation policière la loi "sociale" la plus régressive depuis plus de 80 ans ?
Ceux qui s'élèvent contre une constitution anti-démocratique et totalement dépassée ou ceux qui prétendent gouverner à la fois sans majorité et contre le peuple... ce qu'on identifie généralement comme des éléments fondamentaux de la dictature ?
Ceux qui cherchent à maintenir l'égale dignité dans le travail ou ceux qui, aux ordres du capital et des dogmes libéraux, veulent détruire l'égalité des droits entre les entreprises de branche et donc des travailleurs de branche, histoire d'étendre encore les inégalités ?
Ceux qui veulent défendre un droit social pour le XXIème siècle et le pouvoir d'achat ou ceux qui veulent diviser jusqu'à 5 le montant des heures supplémentaires et permettre les plans sociaux aux entreprises sans difficultés au nom de la marge bénéficiaire ?
Ceux qui prennent sur eux de porter dans la rue l'exaspération populaire face à des lois inutiles, dangereuses et formellement destructrices ou ceux qui prétendent les imposer par la force en racontant en prime de façon éhontée qu'elles constitueraient une quelconque avancée pour les travailleurs, alors qu'à part quelques incultes éthérés, TOUT LE MONDE - opposants comme partisans - sait parfaitement que ce n'est pas le cas ?..
74% d'opposition à la loi dite "travail" et environ autant contre l'utilisation du très constitutionnel mais si peu démocratique article 49.3. La merde, elle est là parce que la trahison absolue de l'ex-gauche et les manipulations politiciennes de la police dignes d'un Marcellin et d'un Pasqua y sont...
Les bleus sont de simple gendarme, pas formé aux manifestations. Et comme bon militaire, ils obéissent à l'autorité.
En sommes, c'est la préfecture qui leur a demandé de vous charger.
Sens 1 : Embuscade préparée contre quelqu'un pour l'assassiner ou exercer sur lui des actes de violence : Attirer quelqu'un dans un guet-apens.
Sens 2 : Dessein prémédité ou sournois de nuire à quelqu'un ou de le mettre en difficulté »
Larousse
J’étais à la manifestation ce matin, à Bordeaux. Rien ne s’applique mieux que cette définition que ce qu’il s’y est produit.
12h10 : les premiers policiers en civils nous encadrent. Discrets comme une meute de loups encerclant un troupeau de moutons. Nous ? Un groupe de gens non encartés, derrière les bannières « On vaut mieux que ça », symboliques depuis le début du mouvement contre la loi -détruisant le code du – travail. Rassemblés par notre non-appartenance à des syndicats, par notre volonté d’imposer un autre monde que le capitalisme. Il est important de préciser qu’ils ne sont pas présents sur les flancs des syndicats. Ils ne pressent que les gens qui ne sont pas canalisés, qui n’ont aucune autre direction que leur libre arbitre…oh combien plus dangereux. La tension monte.
Il est 12h32 quand le premier œuf empli de peinture s’étale en délicatesse sur un mur du Crédit agricole. Deux autres le suivent de près. Jolies coulées rouges…et noires qui soulignent l’énervement populaire. Et encore. Je suis gentille. Ils le sont aussi…
La tension descend légèrement, le cortège continue son chemin, passe devant la banque postale, trop loin pour être atteinte, et approche du quartier Mériadeck. Une autre banque se voit décorée d’aussi délicate manière que la précédente. Deux œufs seulement volent, noir et violet.
12h40 : Nous approchons du tunnel proche de l’arrêt de tram « palais de justice ». Les policiers en civil ne descendent pas dans le tunnel avec nous. Ils se massent avec leurs collègues au-dessus de la foule. Je me penche vers ma voisine : « ils ne veulent pas être gazés… ». On avance. On chante. Incroyable, l’écho nous prend aux tripes, fait résonner notre colère comme un roulement de tambour. Les syndicats Sud et Solidaires sortent du tunnel, nous suivons de près.
12h48 : Alors que le bout du tunnel approche, une quinzaine de CRS se placent en ligne devant nous. Ils nous interdissent la sortie du tunnel. Colère. Énervement. Agitation. Quelques œufs sont lancés sur eux, un élection libre arrive avec un extincteur et les arrose. Nous réclamons d’avancer.
Devant, la CGT a fui. Sud et Solidaires sont restés. Ils crient « Solidarité », « Libérez nos camarades ». Ils font pression de l’autre côté des flics, qui se divisent pour les maintenir hors du tunnel, et nous maintenir dans le tunnel. A l’autre bout, hors du tunnel également, CNT s’est arrêté, et ne nous rejoindra pas.
Ça fait pression derrière les banderoles. Après la vague de panique qui a suivi le placement des policiers, nous sommes encore au bas mot 150 à tenir bon, face à eux. Les mains en l’air, en criant « Non-violence », « CRS avec nous, « Etat d’urgence, état policier ! Liberté de manifester ! ». Nous faisons quelques pas en avant, ils nous gazent. Donnent des coups de matraque à ceux qui tiennent les banderoles. Mon cœur se serre. Tambourine. Quelques pas en arrière. Retour vers l’avant protéger les yeux et la bouche de ceux qui tiennent les pancartes. Distribution gratuite de sérum physiologique, partage d’écharpes.
Ceux qui ont eu le courage de lancer des œufs…se terrent maintenant derrière leurs camarades non violents qui prennent les coups pour eux. Messieurs, ayez le courage de votre audace.
Des journalistes font des aller-retour. Excités qu’il y ait de l’animation. Photos gros plans des manifestants aux yeux rouges, des policiers couverts de mousse d’extincteur, de peinture.
On interpelle les hommes qui tiennent, le regard vide, face à nous : « Pourquoi nous maintenez-vous ici ? », l’un d’eux me répond : « je ne sais pas ». Il n’avait visiblement pas prévu de se retrouvé peint en jaune ce matin.
Un contingent tout beau, tout neuf de sept ou huit policiers s’approche et vient renforcer leurs lignes. Des huées côté manifestants, des deux côtés, nous scandons « Tous ensembles ! Tous ensembles ! ». Nous exigeons d’être libérés. Messes basses entre eux, les ordres ont changé.
13h08 : les policiers se retirent sur un des trottoirs, et nous laissent passer. Applaudissement des deux côtés des manifestants maintenant réunis, tapes dans le dos des camarades qui nous ont attendus. Propos haineux sur le cynisme de la CGT qui a organisé le trajet, et s’est enfuie nous sachant pris au piège. Nous continuons la manifestation, fébriles, et nous réunissons place de la République. C’est long, 20 minutes, surtout gazés dans un tunnel.
Porterons-nous plainte collectivement pour « guet-apens » ? Je le souhaite. Les policiers ont reçu les ordres de répondre à des jets d’œufs et de pétards par des gaz et des coups de matraques. Ils nous ont maintenus sous pression sans exiger quoi que ce soit, sans entamer de dialogue, sans revendication aucune. Il s’agit d’une provocation. Et nous pouvons être fiers d’avoir gardé notre calme malgré leur acharnement à nous faire monter en pression.
Bordeaux, 15h30, 19/05/2016