En tant que chef d’entreprise et nouvelle femme politique, impossible pour moi de ne pas me sentir interpellée par la brillante campagne de communication déployée par Heetch ces dernières semaines. Dans une courte vidéo, on découvre les premières apparitions médiatiques d’hommes et de femmes politiques bien connus : leurs déclarations s’enchaînent de manière à former – selon un montage d’une malhonnêteté intellectuelle bienveillante – un discours favorable à la start-up pour conclure : « S’ils étaient encore jeunes, ils se battraient pour Heetch. »
Jeune, je le suis en politique et je me reconnais dans leur combat. Le procès de cette application mobile, qui se tiendra ce mercredi 22 juin, me semble en effet emblématique d’un manque de compréhension de l’économie du XXIe siècle. Il aura ainsi vocation à se reproduire comme autant de start-up qui se créeront. Innovantes et dynamiques, ces dernières font souvent face à un vide juridique et ne trouvent pas les interlocuteurs adéquats dans notre pays. Heetch, Airbnb, Wingly, UberPOP… sont autant de réalités que nous ne pouvons marginaliser au risque de donner raison à ceux qui parlent d’une France en déclin, hostile à l’innovation, à l’entrepreneuriat et à l’investissement.
Le concept de Heetch est simple. L’application permet à des particuliers de se mettre en relation avec d’autres particuliers proposant leurs services comme chauffeurs de nuit. C’est une option plus économique que le taxi ou Uber pour les jeunes, notamment pour ceux vivant en banlieue et qui ont des ressources financières limitées. C’est également une réponse au risque que des jeunes conducteurs prennent le volant en état d’ébriété. Du côté des conducteurs, l’application donne la possibilité à des personnes touchant le SMIC de compléter leurs revenus pour couvrir les frais de leur véhicule ou payer des vacances à leur famille.
Seulement, attaqué par le lobby des taxis en vertu de la loi Thévenoud, qui interdit aux particuliers d’effectuer des activités de transport à titre onéreux et qui a déjà débouché sur l’interdiction de UberPOP, Heetch est menacé. Cette menace pose la question du rôle du régulateur étatique face aux innovations, notamment numériques, et si j’ai pleinement conscience des problèmes qu’induisent ces innovations, de la question des charges sociales au statut des chauffeurs en passant par le rapport à la concurrence, les politiques ne doivent pas tomber dans la facilité qui consisterait à interdire plutôt qu’à accompagner.
Autrement dit, le législateur ne peut agir indéfiniment contre la volonté du consommateur et du citoyen. Il ne doit pas brider des innovations d’intérêt général pour défendre des intérêts particuliers. Au contraire, il doit accompagner ce qui va dans le sens de l’histoire, prendre en compte les bénéfices économiques et sociaux des applications de l’économie numérique, comme Heetch, et adapter la législation à ces nouvelles opportunités tout en luttant contre les distorsions de concurrence. Les citoyens, notamment les jeunes, ont saisi l’importance des opportunités numériques du XXIe siècle depuis longtemps : c’est maintenant aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire d’en faire de même.
Virginie Calmels
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