« La famille Murat ne fera pas l’économie des lenteurs de la justice française, comme notre dossier est très costaud on attend de voir. »
Valérie Murat commente ainsi un peu amèrement la nouvelle : la première audience pour son recours devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (Civi), qui devait se tenir ce mercredi, est reportée.
Venue avec sa mère au tribunal de grande instance de Bordeaux, elle défend son père, viticulteur mort d’un cancer en 2012 après l’utilisation durant 42 ans de l’arsénite de sodium. Toutes deux souhaitent que James-Bernard Murat soit reconnu victime de l’industrie chimique « et que ça fasse jurisprudence » ajoute la Bordelaise, selon laquelle les cas se multiplient :
« La tumeur de 16 cm de mon père ne s’est pas faite tout de suite. C’est dû à une exposition chronique et de petites doses de pesticides. Les premier malades, on les voit maintenant. Ils sont de plus en plus nombreux à contacter mon avocat Maitre Lafforgue. »
Son dossier comporte plusieurs études sur la dangerosité de la molécule, reconnue depuis au moins 1955 par la Mutualité sociale agricole (MSA), et sur les interdictions de mise sur le marche au Royaume-Uni en 1961 puis au Pays-Bas (1983) et aux Etats-Unis (1988).
Tromperie
Elle dénonce la « tromperie » dans les étiquettes, fausses ou erronées, de produits mis sur le marché avec des interdiction de mise sur le marché n’arrivant qu’en 2001 en France alors que l’arsénite est classé comme cancérogène avéré depuis 1980. Elle fulmine :
« On a envoyé des paysans et des professionnels au casse-pipe ! Tout ça pour du profit car les firmes ne sont là que pour le profit et rien d’autres ! »
Et elle en profite pour taper sur ceux dont elle estime qu’ils n’ont pas fait le boulot : la MSA qui de 1958 à 2001 n’a pas fait une seule campagne de prévention sur la question, mais aussi les organisations viticoles (CIVB, FDSEA, Coordination Rurale) et le préfet de Gironde qui « devrait arrêter de faire de la paperasse », autrement dit des arrêtés qu’elle juge inefficace. En sortant du TGI, après l’annonce du report, elle lance à ses proches :
« De toute façon, il faudra bien qu’un jour cette audience soit entendue à Bordeaux et qu’on reconnaisse mon père victime de l’industrie chimique. De toute façon, je ne lâcherai rien. Ce n’est qu’une question de temps. »
La nouvelle date de cette première audience n’est pas encore connue.
« Des choses croustillantes »
Valérie Murat attend aussi la fin de l’enquête préliminaire débuté il y a près d’un an suite à son dépôt de plainte contre X au TGI de Paris en avril 2015, une première en France pour « faire reconnaître toutes les responsabilités de l’industrie chimique et des services de l’Etat » ayant maintenu l’autorisation de mise sur le marché. Au pied du tribunal ce mercredi, une vingtaine de manifestants sont venus la soutenir. Elle ne sera pas seule pour patienter.
En fin de journée, elle apprend justement que le renvoi est justifié par la commission qui, indique-t-elle, « attend des informations complémentaires » sur la procédure pénale contre X pour homicide involontaire, ce qui la rend « très optimiste » raconte-t-elle à Rue89 Bordeaux :
« Ça veut dire que l’enquête préliminaire va nourrir ce qui va se dire à la Civi. Tout ce qui se dit en procédure pénale nourrit la procédure devant la Civi et inversement. Ça me conforte dans le fait d’avoir fait les deux. Si la justice attend c’est qu’il y a des choses croustillantes. »
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