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Bordeaux enquête sur sa mémoire de l’esclavage

Comment sensibiliser davantage les Bordelais au passé esclavagiste de la ville ? Un questionnaire et une commission doivent plancher sur le sujet.

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Bordeaux enquête sur sa mémoire de l’esclavage

Rive droite, le buste de Toussaint Louverture, leader anticolonialiste de la Révolution haïtienne (DR)
Rive droite, le buste de Toussaint Louverture, leader anticolonialiste de la Révolution haïtienne (DR)

« Savez-vous que Bordeaux a été un port négrier ? » « Que manque-t-il à la ville de Bordeaux afin de compléter son travail entamé relativement à la mémoire de l’esclavage ? » Ces questions, et 15 autres, sont posées à tous les Bordelais dans le cadre d’une enquête sur mémoire de l’esclavage à Bordeaux, lancée par la mairie.

Une commission s’appuiera sur les réponses pour faire des propositions à Alain Juppé avant le 10 mai 2017, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition, a annoncé Marik Fetouh ce mardi au musée d’Aquitaine. L’adjoint en charge de l’égalité et de la citoyenneté était entouré des autres membres de la commission, dont son président, le sociologue Yoann Lopez et François Hubert, directeur du musée.

« Bordeaux a été le 3e port négrier français, après Nantes et La Rochelle, et le 1er port pour le transport de denrées coloniales, rappelle Marik Fetouh. Les théories racistes sont liées à l’histoire de l’esclavage car il a fallu légitimer cette entreprise, aujourd’hui reconnu comme crime contre l’Humanité.  Dans le contexte de montée de la xénophobie et du racisme, Alain Juppé a souhaité que la réflexion soit approfondie à Bordeaux, notamment sur la pédagogie qui peut être faite dans l’espace public. »

Pharaonique

Dix ans après une première commission, dirigée par l’écrivain Denis Tillinac, Bordeaux reconnait ainsi la trop grande discrétion de ses symboles locaux – essentiellement le buste de Toussaint Louverture dans un square de la rive droite, d’une plaque commémorative sur les quais et les salles sur le XVIIIe siècle au Musée d’Aquitaine.

« Beaucoup de villes ont fait plus que Bordeaux sur la matérialisation dans l’espace public, poursuit Marik Fetouh. Liverpool a un musée de l’esclavage important, Nantes un Mémorial qui a coûté plusieurs millions d’euros. Nous n’irons sûrement pas vers quelque chose d’aussi pharaonique, ce serait redondant et nous n’avons pas les moyens, mais on ira voir les actions menées dans ces villes qui pourraient être dupliquées. Et les financer par exemple via le 1% culturel sur les chantiers de la métropole. »

Membre de la nouvelle commission, comme de celle présidée par Tillinac, Karfa Diallo défendait pour sa part l’idée d’un mémorial, déjà rejetée il y a 10 ans. Il attend aujourd’hui que la la Ville fasse preuve d’ambition pour éviter que ne se reproduise des attaques comme celle du CRAN (conseil représentatif des associations noires) contre la Cité du Vin, qualifié de « musée des esclavagistes ».

« C’est une initiative extrêmement importante, car c’est la première fois qu’une enquête se penche sur la perception des Bordelais. Mais notre ville a encore du chemin à faire pour rappeler que sa prospérité est liée à un crime contre l’Humanité. Premier port colonial au XVIIIe, cela signifie qu’il a plus profité de l’esclavage que toutes les autres villes françaises ».

Karfa Diallo plaide notamment pour des plaques explicatives dans les rues portant des noms de négriers, ce à quoi les descendants de certaines familles, comme les Balguerie, seraient selon lui ouvertes. « La pédagogie sur le nom des rues fait partie des questions sur la table de la commission », répond Marik Fetouh. Tout comme le soutien à des recherches historiques sur l’histoire locale de l’esclavage, peu étudiée à l’université de Bordeaux, observent les membres de la commission.


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