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10 trucs à savoir absolument avant de boire du vin naturel

Le vin naturel existe-il ? Comment le reconnaître et le boire ? Où l’acheter ? Pour le savoir, nous avons lu le « Manuel pour s’initier au vin naturel » d’Antonin Iommi-Amunategui et rencontré Laurène Amiet, agent de vin naturel à Bordeaux. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

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10 trucs à savoir absolument avant de boire du vin naturel

Pour parler du vin naturel, les qualificatifs ne manquent pas dans le dernier livre signé par Antonin Iommi-Amunategui, « Manuel pour s’initier au vin naturel », qui vient de paraître aux éditions de l’Epure. On en retiendra un qui, même s’il relève de la métaphore, pourrait nous mettre sur une piste sérieuse :

« Un chien fou sans laisse ni muselière chimique ! »

Laurène Amiet, agent de vin naturel à « L’Appétit du vin », ne s’embarrasse pas de grandes envolées pour en parler. Le vin naturel est libre. Il est une philosophie qui complète une manière de vivre, du coup le pinard se retrouve au rayon lifestyle.

« Cette philosophie va plus loin que le vin. C’est comment tu vis en fait, comment tu consommes : les fringues, les cosmétiques, la nourriture… »

Ok. On a compris. Le vin naturel déchaine les passions de ceux qui veulent abattre les barrières de la grande science viticole. On veut refaire le monde (du vin), rompre les lignées des grandes dynasties de palais snobinards (palais gustatifs hein). Au point que ce breuvage révolutionnaire compte bien défaire les codes de l’aristocratie des grands châteaux et le diktat du lexique viticole.

Mais alors, on ne va pas s’arrêter en si bon chemin. On aimerait bien savoir, même si l’ivresse importe peu, ce qu’il y a dans le flacon et, surtout, pourquoi, quand, et comment le boire. Avec modération toujours.

Dégustation croisée

Antonin Iommi-Amunategui (DR)

Grâce à Antonin Iommi-Amunategui, 42 ans, auteur combatif de « Tronches de vin », « Manifeste pour le vin naturel » et le manuel que vous savez, qualifié de prophète du naturel dans le magazine Lui, auteur du blog No Wine is Innocent, et gourou du salon Sous les pavés la vigne ; grâce aussi à Laurène Amiet, 35 ans, dans le vin depuis 20, globe-trotteuse pur produit du Lycée hôtelier de Talence lâchée dans un domaine viticole australien et puis acheteuse pour une cave à Londres, revenue à Bordeaux pour vendre du vin naturel… on en sait un peu plus sur cette mode sur le point de devenir une mode de vie.

Laurène Amiet (DR)

Comment expliquer le vin naturel à ceux qui n’en ont rien pipé ? Où en trouver ou encore où en boire ? A qui et avec qui siffler une bouteille ? Comment s’en déboucher une et comment en parler ?… En écoutant l’un et l’autre des deux consultants réunis pour l’occasion, on va non seulement se poser des questions mais aussi trouver des réponses, même si certaines nous entrainent dans les méandres d’un mystère au point de se demander si le vin naturel existe vraiment.

1 – Le vin naturel, c’est quoi ?

Cette question pourrait en cacher une autre : quelle différence y a-t-il entre vin naturel et vin bio ?

Un vin naturel est issu de raisins cultivés en bio ou en biodynamie. Il n’est pas « tabassé » à l’aide d’additifs et autres techniques stérilisantes ou standardisantes.

En vinification conventionnelle, pas loin de 70 additifs et techniques correctrices sont aujourd’hui autorisés. Seule la mention « contient des sulfites » est obligatoire, pour le reste, ça reste un secret de fabrication ! Pour le vin naturel, il arrive qu’on y ajoute des sulfites, mais en faible quantité (20-30 mg/l contre 200 mg/l pour le vin traditionnel, voire 400 mg/l pour les liquoreux).

2 – Le vin naturel est-il à la mode ?

Oui et non.

Non, parce que le vin naturel n’est pas né de la dernière pluie. Il y a 8 000 ans, en Géorgie, on en faisait avec du raisin et rien d’autre.

En France, après la deuxième guerre mondiale, la révolution chimique a failli rayer le pif naturel de la carte (des vins). Depuis les années 1960, il a repris des couleurs… Et aujourd’hui, il refait parler de lui dans le monde entier, de Paris à Sydney en passant par Londres, Tokyo, Rome, New York ou São Paulo.

A la mode, oui, parce qu’il répond à une prise de conscience qui correspond à notre époque.

3 – Pourquoi boire le vin naturel ?

Parce que c’est un vin honnête qui ne cache rien. Il est bio et sans intrant. Il est une cause pour Laurène Amiet, une contre-culture pour Antonin Iommi-Amunategui :

« Il est conçu par des jardiniers, des poètes, des militants, des bienveillants, des punks, des intellos, des rigolos, des déglingos… Ce n’est pas seulement du vin, c’est une communauté. »

Oui mais bon. En soirée, on ne picole pas des courants politiques, on boit des paroles parfois certes mais le vin, faut pas pousser. Il faut aussi rappeler que l’on boit du vin naturel parce qu’il est bon, et même quand il est raté – comme ça peut arriver pour tous les vins –, il n’est pas mauvais pour la santé :

« Quitte à boire un vin qui risque d’être mauvais, autant qu’il soit naturel, sans poison ni arôme synthétique », rappelle le prophète (selon Lui).

4 – Comment reconnaître le vin naturel ?

C’est impossible ! Mais on va vous donner des pistes.

Il peut être trouble parce qu’il n’est pas filtré. Il peut avoir un drôle de nez mais un peu d’air lui fera du bien. Il peut être perlant parce qu’un léger gaz est délibérément conservé pour sa « protection ». Dans ce dernier cas, Laurène Amiet préconise :

« Il faut le secouer, c’est un être vivant. Si vous voulez en tirer le meilleur, il faut le bousculer ! »

En pratique, goutez le vin avant de le servir. S’il est gazeux, rebouchez le goulot avec le pouce, secouez la bouteille et libérez le CO2. Vous entendrez alors un pchiiit qui veut tout dire. Servez.

Enfin ne cherchez pas l’appellation ou le cépage, « la classe dans un vin, c’est de ne pas reconnaître le cépage », dixit le vigneron naturel ardéchois Gilles Azzoni. Autrement dit : que le sol prenne complètement le dessus.

5 – Avec qui boire le vin naturel ?

« C’est un vin à visée populaire, qui ne s’embarrasse pas ou peu de protocole, de maîtres à dormir debout et boire assis, de sommeliers pincés, de toute cette verticalité assommante… »

Antonin Iommi-Amunategui veut le vin social. On boit le vin naturel donc avec tout le monde. Il ne s’embarrasse pas de protocole ni de grandes manières. Ses producteurs s’efforcent de pratiquer des prix raisonnables et l’ont peut trouver d’excellents vins à moins de 15€.

« Vous ne trouverez pas le vin naturel dans un supermarché, rappelle Laurène Amiet. Vous l’achèterez donc chez un caviste qui vous posera des questions, qui vous conseillera, qui vous donnera des idées. Si vous voulez boire une bouteille avec vos amis, il vous en conseillera une qui ne sera pas la même que celle à boire avec votre patron. Le Fond-Cyprès des Corbières, il passe et personne ne se posera la question. »

6 – Peut-on, à table, bien accorder le vin naturel ?

Si la réponse n’est pas évidente, le vin naturel gagne aussi à être bu avant, après ou simplement à l’écart des plats.

Si Antonin Iommi-Amunategui « baille » quand on lui pose cette question, Laurène Amiet simplifie avec précision :

« Il faut boire un vin avec la spécialité de son pays. Un Beaujolais avec un pâté en croute ; un Closerie du Médoc avec un magret ; un vin du sud avec un tajine ; un Muscadet cancale avec des huîtres… »

Mais il faut noter que le vin naturel peut créer la surprise grâce à certaines associations. Une chose est sûre, dépourvu de produits chimiques, le vin naturel est digeste. C’est même ce qui fait qu’il se boit vite, plus vite que tout autre vin – « il est doté d’un fort taux de buvabilité » (sic, hic !). Et même si la modération est de mise, l’ivresse que procure le vin naturel est plus douce et désirable.

7 – Comment boire le vin naturel ?

Pour Laurène Amiet, « il faut se débarrasser de tout le vocabulaire pompeux des dégustations conventionnelles » :

« Le vin naturel est libre et on est libre de dire ce qu’on veut. »

Exit donc l’absolue nécessité d’un verre à pied : le vin naturel est convivial et se boit dans un verre de cantoche s’il le faut. Oubliez aussi le cliché du verre tournoyant devant une source lumineuse. Le vin naturel est trouble et se juge d’abord en bouche avec autant de réglisse, de fruits rouges, ou de chocolat…

S’il faut le décanter, l’aérer, le carafer ? Demandez à votre caviste. Un Beaujolais a besoin d’une heure pour s’aérer alors que pour un Italien du Piémont, il faut 12 heures !

8 – Où acheter du vin naturel à Bordeaux ?

Sans hésiter, la jeune agent de vin récite : La Cave d’Antoine, L’Univerre, La Ligne rouge, Les Millésimes, Ô Sud, L’Autre comptoir et, on peut en trouver quelques-uns à La Cuv. Mais de plus en plus de cavistes s’y mettent, n’hésitez pas à en causer avec votre commerçant préféré.

9 – Où boire du vin naturel à Bordeaux ?

Demandez à un Parisien où on boit du vin naturel à Bordeaux, vous allez toujours entendre parler de lui. Le Flacon est l’adresse que tout le monde se refile. C’est un bar plein de caractère et cosy, où vous rencontrerez même des cavistes et des vignerons.

Mais il y a bien d’autres lieux où le breuvage naturel coule à flot : Ô Sud, Au Bon jaja, Vins Urbains ou encore Julo.

10 – Et ?

Et c’est pas tout, surtout pas. Le vin naturel n’en est qu’à ses débuts, au point qu’il est difficile de vous abreuver de chiffres sur son économies, sa croissance, sa part de marché et ses statistiques. Laurène Amiet, même si elle doit faire un boulot à côté pour gagner sa vie, voit ses chiffres de vente croître :

« A Bordeaux, on en parle de plus en plus. Mais il faut reconnaître qu’il est très difficile de convaincre le palais bordelais de passer à autre chose que son vin du coin. »

Surtout que les flots du vin naturel n’ont pas encore submergé les vignes bordelaises, « de par le climat, mais ce qui n’empêche pas une dizaine de vignerons de s’y mettre ». Ça tombe bien, certains sont au salon Sous les pavés la vigne.


#Antonin Iommi-Amunategui

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