Le vélo a le vent en poupe et Bordeaux n’échappe pas à cette tendance. Selon un dernier comptage, la métropole enregistre une hausse de 18,6 % de la pratique du vélo sur les trois premiers mois de l’année par rapport au premier trimestre 2016.
Si la plupart des Bordelais se servent du deux roues pour se rendre à leur lieu de travail, certains font désormais le pari de voyager avec. Nettement plus économique et écologique que la voiture et meilleur pour la santé, la bicyclette cumule les atouts :
« C’est lent mais aussi suffisamment rapide pour aller loin. C’est autant un état d’esprit qu’un moyen de déplacement », précise Jean-François Gire, délégué régional de l’association Cyclo-Camping international, une association à but non lucratif qui regroupe et informe ceux qui voyagent à vélo sans aide motorisée :
« Il permet d’être en contact avec les éléments, la nature, les gens. Le voyageur à vélo est vulnérable. Cela lui ouvre les portes et génère bien souvent la solidarité des autres et de belles rencontres. Pour les enfants, il est synonyme d’aventure. »
Ce quinquagénaire a sillonné la France et le monde avec son épouse Nicole et leurs enfants (avant leur adolescence), de Bordeaux au Puy-en-Velay par le Canal du midi, ou à Istanbul, ou encore en Patagonie.
Une nouvelle Eurovéloroute ouverte en partie cet été
A l’approche des vacances de Pâques et avant l’été, Jean-François Gire a été invité le 7 avril dernier par l’association Cycles & Manivelles à la Maison du vélo et des mobilités à Bègles pour une soirée-débat sur le thème du « Voyage à vélo ». A ses côtés, un couple et une famille ont témoigné de leurs expériences et plaisir avec photos à l’appui. A en croire la salle comble, le sujet intéresse.
Il faut dire que la région regorge d’itinéraires qui font rêver :
« L’Aquitaine est traversée par deux Eurovélos (routes européennes, NDLR), précise Jean-François Gire. L’Eurovélo 1, qui longe l’Atlantique de la Norvège à l’Espagne, dont la partie française est la Vélodyssée. C’est la plus longue véloroute de France. Elle s’étend sur 1250 km (dont 170 en Gironde) de Roscoff à Hendaye. Et l’Eurovéloroute 3, qui relie Trondheim (Norvège) à Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne) et dont le tronçon français, la Scandibérique – ou Véloroute des Pèlerins –, fait 1680 km et permettra pour la partie aquitaine d’aller de Poitiers à Hendaye. »
L’itinéraire est en cours de finalisation et son ouverture partielle prévue pour l’été prochain.
A retenir et tester aussi : le canal des 2 Mers à vélo qui relie l’Atlantique à la Méditerranée sur 750 km de Royan à Sète, via Bordeaux, le Canal de Garonne, Toulouse et le Canal du Midi.
« Attention toutefois, certains tronçons sont dangereux car c’est un aménagement en devenir qui va être modernisé. Des platanes sont malades, le revêtement des berges n’est pas lisse car il y a beaucoup de racines », déplore Francis Mons à la tête de la Délégation régionale de l’AF3V Limousin (Association Agir pour le développement des véloroutes et voies vertes) et animateur Nouvelle Aquitaine.
Pistes et trains : la Région peut mieux faire
« Il y a de nombreuses pistes cyclables dans le coin, confirme, quant à lui, Eric Leroy, administrateur de l’association Vélo-Cité Bordeaux. Mais certaines manquent de signalisation. Et puis, entre Sauveterre-de-Guyenne et La Réole, il n’y a rien. De même, le département avait prévu une véloroute voie verte entre le Verdon-sur-mer et Bordeaux. Le projet a été abandonné. »
Autre manque et pas des moindres :
« Pour aller à Arcachon en partant de Bordeaux, le cycliste est obligé de faire un détour par… Lacanau ! Venant de Guîtres ou Libourne c’est encore plus compliqué, note l’expert. Une piste reliant Pessac au Bassin était prévue, elle devait passer entre la voie ferrée et l’autoroute, en plein dans la pampa, mais elle n’est plus dans les tuyaux. Quand on crée une voie verte ex nihilo, il faut compter 500 000 à un million d’euros le kilomètre. »
Il est toutefois prévue une véloroute – petites routes peu fréquentées par les automobilistes et dûment signalées – entre Guîtres et Libourne, pour rejoindre la piste Roger Lapébie, ancienne ligne de chemin de fer qui relie Créon à Bordeaux.
Autre point noir, côté transmodalité cette fois :
« Le TER commence à être interdit aux vélos, remarquent Eric Leroy et Olivier Louchard. Il y a des restrictions d’horaires en période d’affluence. La SNCF a mis en place un système de camions-remorques qui acheminent les vélos, mais il faut réserver et patienter une demi-heure à l’arrivée avant de récupérer sa monture. Du coup, la SNCF et la Région encourage la location de vélos sur place. »
Quoi qu’il en soit la randonnée à vélo ne s’improvise pas ou, du moins, mieux vaut préparer son itinéraire avant le départ et s’être soucié de son hébergement. Mieux vaut aussi commencer petit pour se faire la main et tester le matériel sur des distances moyennes avant de se lancer dans une longue aventure.
« En cyclotourisme, on roule à 15 km/h en moyenne, explique Jean-François Gire. On conseille de faire 50 km/jour et cela 6 jours sur 7, en faisant une pause les journées de pluie. »
Un itinéraire ficelé, le bivouac et du bon matos
Pour ceux qui préfèrent un parcours clés en main, il existe différentes possibilités : les associations Cyclo-Camping International et AF3V proposent des week-ends ou des semaines de randonnées à vélo avec ou sans camping pour des sommes modiques. Les voyagistes spécialisés France Vélo Tourisme, Le Vélo Voyageur, Randovelo ou Safrantours organisent des circuits bien ficelés avec transport de bagages possibles pour des montants plus coquets.
Côté logement, « le camping sauvage, le bivouac font partie de nos meilleurs souvenirs », note Jean-François Gire. « Dormir à la belle étoile, le nez à l’air, c’est magique », se souvient quant à elle Evelyne, la soixantaine, qui a dormi sur la Dune du Pyla sous la voûte étoilée après un périple à vélo.
« Quand on arrive le soir bien fatigués, le camping municipal à 10 € la nuit fait parfaitement l’affaire », raconte Jérôme, trentenaire qui a réalisé un Nantes-La Rochelle avec sa compagne à l’été 2016 et est venu témoigner à la soirée de Cycles & Manivelles.
« Gare au cyclotourisme business », met en garde Eric Leroy qui a constaté que, dans certains campings situés sur le parcours de la Vélodyssée, la nuitée peut atteindre les 25€ contre 10 habituellement.
Côté équipement, « un vélo en bon état, refait à neuf, avec de bons pneus, des lumières et des freins efficaces, évite pas mal de soucis », souligne Jean-François Gire, qui recommande aussi de savoir réparer une petite crevaison. L’expert conseille aussi de partir avec une chambre à air et une petite trousse de réparation – on trouve dans les boutiques de cycles des kits relativement complets avec pompe, rustines, clés, leviers, graisse… –, en plus d’investir dans de bonnes sacoches imperméables sans oublier des cartes et éventuellement un GPS pour ne pas se perdre.
L’association AF3V a conçu, avec l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), une appli avec carte interactive décrivant les pistes et voies vertes empruntées, donnant des témignages, des renseignements pratiques (gares, offices du tourisme…) et montrant des photos prises par les 20 000 personnes membres de l’association. « C’est le guide du routard ! » s’enthousiasme Francis Mons.
A prévoir aussi : une tenue ad hoc avec de bons cuissards longs ou courts en fonction de la météo et un poncho imperméable en cas de pluie.
Vous voilà paré pour de belles aventures de tourisme en roues libres ! Et beaucoup de plaisir :
« On a un autre rapport au temps et on éprouve un grand sentiment de liberté », savoure encore Jérôme qui souhaite repartir à vélo avec sa compagne en 2018. Avec un sourire en coin, Jean-François Gire prévient : « Le seul danger : le vélo, c’est addictif ! »
A la Maison du vélo de Bègles
Avant de se mettre en selle, un petit check up de sa bicyclette est vivement recommandé. A la Maison du vélo et des mobilités de Bègles, l’association à but non lucratif « Cycles & manivelles » propose des ateliers gratuits (il ne vous en coûtera que le prix d’une adhésion soit 10 à 20€) d’initiation et de perfectionnement à la mécanique. Il suffit de venir avec son vélo et on peut profiter des outils et des conseils avisés de passionnés pour faire sa révision ou sa réparation.
L’association renseigne aussi sur les itinéraires, la sécurité, les aspects pratiques (notamment l’intermodalité vélo-train…), les voyages à vélo et met à la disposition de ses adhérents des cartes cyclables, brochures et revues. On peut aussi y emprunter des vélos utilitaires et atypiques (biporteurs, triporteurs, vélos pliants, tandems…) et des remorques.
« On essaie de rendre les gens le plus autonomes possibles dans leur pratique du vélo, qu’ils deviennent “vélonomes” », résume Olivier Louchard, coordinateur de l’association.
Cycles & manivelles, qui adhère à l’Heureux Cyclage, le réseau national des ateliers vélos participatifs, récupère aussi les vélos destinés à la déchèterie pour leur donner une seconde vie ou les valoriser en pièces détachées.
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