Rencontrée au forum Emploi organisée par la ville de Cenon en avril, Marie-Claude n’a pas hésité une seconde à se faire tirer le portrait d’électeurs.
« De toute façon, ici, il n’y a pas de stands qui me concernent, je ne sais même pas pourquoi je suis venue », constate-t-elle de sa voix rauque.
En effet, dans la liste donnée à l’entrée, il n’est pas fait mention du secteur juridique dans lequel Marie-Claude espère trouver un emploi depuis un an. Un secteur dans lequel elle a travaillé comme avouée jusqu’à fin 2012, date à laquelle cette profession a officiellement disparue, en vertu de la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d’appel.
« Oui, mon taf n’existe plus, c’est fou non ? »
Hollande comme vengeance
D’ailleurs à la présidentielle de 2012, Marie-Claude s’est fait un plaisir de voter Hollande aux deux tours.
« Je suis de droite. Ma famille est de droite. Mon père était militaire. Voilà je suis de droite, je fais partie des gens qui pensent qu’il faut des patrons, que le partage ça va 5 minutes et qu’il y aura toujours des gens qui gagneront 3000 euros et d’autres moins. Mais voter Sarkozy en 2012 ? Impossible. C’est lui et ses réformes qui ont supprimé mon taf. Alors je me suis vengée, j’étais très en colère, et j’ai voté Hollande. »
Le 23 avril prochain, Marie-Claude rejouera presque le même scénario et ne votera toujours pas à droite. Mais cette fois, elle ne votera pas à gauche non plus. La colère et le besoin de vengeance étant retombés.
« Fillon, j’aurais pu. C’est ce que je prévoyais, mais ça c’était avant les histoires avec Pénélope. Là franchement, je ne peux pas voter pour lui. C’est une honte toute cette affaire, un vrai scandale. Bon, je le plains quand même un peu parce que vraiment il se fait massacrer par les médias. Mais non, je n’irai pas voter pour lui. En plus il est pour la dégressivité des allocations chômage. Il est marrant, lui, mais on fait comment quand on trouve pas de boulot. »
Quant aux autres candidats placés à droite de l’échiquier ?
« Des rigolos », s’exclame-t-elle.
Dégoûtée
Elle ira donc voter blanc.
« C’est important de voter, je refuse de m’abstenir, même si je sais bien que le vote blanc, on s’en fout. »
Au second tour, elle glissera aussi un bulletin blanc. Sauf si Marine Le Pen est de la partie ; « le racisme ne fait pas partie de ma vision de la France ». Quitte à voter Fillon, dont on sait déjà ce qu’elle pense, Mélenchon, dont elle trouve les idées « bonnes bien que non réalisables », ou Macron qu’elle juge « bien trop jeune et orgueilleux ».
Après un long silence, elle reprend.
« Je suis dégoûtée en fait. Le vote, on nous dit que c’est un devoir de citoyen, mais au fond, c’est vraiment perso, enfin égoïste je veux dire, chacun entend que ce qui lui parle. »
Sans lâcher sa chemise rouge qui contient son CV, elle raconte, de sa voix de fumeuse, comment, après la disparition de sa profession, elle a réussi à trouver, tant bien que mal, des boulots d’assistante juridique, toujours en CDD. Jusqu’à ce qu’elle ne trouve plus rien. Depuis un an, elle pointe à Pôle Emploi. Elle touche environ 1500 euros d’allocations mensuelles et explique s’en sortir « plutôt bien malgré un loyer de 700 euros ».
« Ma fille est indépendante. Je suis seule, donc ça va. Puis il y a des gens qui gagnent à peine 1200 euros par mois en bossant, alors je vais pas me plaindre. »
Sur les chemins de Saint-Jacques
Marie-Claude aimerait retrouver un boulot, le temps de boucler ses annuités pour la retraite. Mais pas question pour elle d’accepter un travail payé au SMIC.
« De toute façon, je ne m’ennuie pas. Je fais du roller et de la randonnée. Je fais partie d’une association qui organise des maraudes pour les SDF. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de gens qui se retrouvent à la rue, qui ont tout perdu et qui n’arrivent plus à se loger. Ils font quoi les candidats à la présidentielle pour eux ? Ah oui, Hamon il veut faire le revenu universel d’existence, mais il parle de 800 euros par mois, c’est ça ? Mais vous faites quoi avec 800 euros par mois ? »
Elle regarde autour d’elle, dans les allées du forum de l’emploi où se pressent de nombreuses personnes, surtout des femmes. Et soupire.
« Je vais quand même aller voir s’il n’y a pas un stand qui me concerne, je suis là autant en profiter. »
Elle veut y croire, mais n’y croit plus vraiment. Son avenir ? Elle sourit : elle l’envisage souvent un bâton à la main sur les chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle.
« Non, je ne rigole pas, la marche c’est ce qui me sauve. »
Et si Marine Le Pen est élue présidente, c’est décidé, elle rentre en pèlerinage.
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