Agriculture : qui pour en finir avec la précarité et les pesticides ?
Pesticides, travailleurs détachés et précarité. Trois thèmes brûlants auxquels s’attèle le collectif Info Médoc Pesticides pourfendant la « prestigieuse vitrine » du pinard local.
Dans un courrier adressé aux candidats de la 5e circonscription (auxquels 7 des 13 candidats ont répondu), il leur demande de se prononcer sur la pauvreté. Celle-ci se retrouve autant chez les travailleurs détachés que dans une « population locale abandonnée par une viticulture qui s’est tournée vers les travailleurs plus exploitables », où mêmes les CDI ont un salaire bas.
Misère en marche, PS derrière
Le candidat de La République en marche (LRM) Benoit Simian tempère la catastrophe sociale décrite et voit « une évolution socio-économique très nette » :
« Des inflexions réglementaires sont venues rééquilibrer les écarts. »
Il évoque une directive européenne de 2014 sur les travailleurs détachés. Celle-ci a été traduite en France dans les lois Savary et Macron mais a entériné le phénomène sans empêcher les nombreuses fraudes favorisant le dumping social.
L’écologiste Stéphane Saubusse veut que ce type de recours soit « restreint » pour n’être qu’une « exception » et que les propriétaires non-exploitants de châteaux (banques, fonds de pensions…) « participent fiscalement à la vie des communes ». Martine Calvo de la France Insoumise réclame de limiter la concentration des terres et se réfère au programme national l’Avenir en commun pour lutter contre ce moins-disant social.
L’argumentation du candidat de l’UPR Julien Brard s’en prend à une Union Européenne qui compte « libéraliser le droit à la plantation des vignes (…) et mettre en concurrence » les produits du continent.
Sur le volet social, le candidat d’extrême-droite Grégoire de Fournas propose de « favoriser les transmissions des exploitations dans le cadre familial » (sans expliquer comment), supprimer la directive des travailleurs détachés « dénoncée de nombreuses fois par le Front National » (sans préciser, que son parti n’a pas voté contre la directive de 2014 mais s’est abstenu), « proposer une taxe de 10% sur l’emploi d’étrangers pour favoriser (comment ?) l’emploi de la main d’œuvre locale ».
Sur les pesticides, cocos, écolos et insoumis mettent le paquet
Sur le volet pesticides, le collectif demande des actes pour protéger les professionnels agricoles tout comme les habitants, riverains, enfants scolarisés près des vignes.
Marie-Lys Bibeyran, co-fondatrice du collectif, critique une « politique de parade » de la part du candidat LRM et de la sortante PS :
« Ils donnent l’impression que des choses sont faîtes via les équipements de protection individuelles, les haies et filets de protections, mais c’est d’une totale insuffisance. On en reste toujours à utiliser des produits dangereux. »
La députée sortante, Pascale Got, n’a donc pas plus grâce à ses yeux, bien qu’elle rappelle son vote pour la loi de 2014 « encadrant l’utilisation des produits phytosanitaires ». Mais Marie-Lys Bibeyran a un autre bilan local plus personnel :
« Elle ne nous a jamais donné son soutien, ni ne s’est inquiétée pour nous lors du procès pour mon frère (Denis, mort d’un cancer après 30 ans passés à épandre des pesticides, voir Rue89 Bordeaux du 8 juin 2017, NDLR). »
Comme beaucoup de candidats, Pascale Got dit vouloir s’attaquer aux lobbies. Elle veut financer « en urgence » des recherches pour trouver des alternatives aux pesticides (qui pour l’heure resteraient « impossible de stopper complètement ») et affirme avoir besoin de l’Europe pour cela.
Pour le candidat FN, lui-même propriétaire d’un château, il faut saluer les efforts déjà faits par la profession et financer la recherche ; quand le candidat UPR se glisse en douceur dans les pas consensuel du comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB).
Martine Calvo (FI), Stéphane Le Bot (PCF) et Stéphane Saubusse (écolo) veulent l’abandon des pesticides et le développement du bio.
L’écologiste souhaite aussi renforcer les droits des victimes de ces produits en créant une « inversion de la charge de la preuve », sorte de présomption de culpabilité. L’insoumise demande de sortir de la politique agricole quantitative « à n’importe quel prix ». Le communiste ne dit pas mieux en proposant de « sortir du modèle industriel et intensif imposé par les firmes chimiques ». Contrairement aux candidats PS ou plus à droite, il ajoute :
« Des solutions alternatives existent »
Marie-Lys Bibeyran, ouvrière viticole à Listrac-Médoc, salue ces propositions et donne son choix : ce sera Stéphane Le Bot avec qui elle a déjà partagé plusieurs combats sur le terrain.
Réfugiés : des politiques pas loin de la brasse-coulée ?
« Je crains que ce thème n’intéresse pas ou peu car il peut faire perdre des voix », analyse dépitée Françoise Astruc, membre de l’association de solidarité avec les travailleurs immigrés (ASTI).
Les Girondins venant en aide aux réfugiés et migrants ont, malgré l’urgence, tenté de joindre plusieurs candidats – « tout en restant efficaces par rapport à des gens qui peuvent nous entendre » explique Maryse Labroille de l’informel groupe Tremplin où se retrouvent des militants de Resf, le LDH ou encore l’Asti.
Influencer les candidats aux législatives
Connaissant les programmes de chacun, le groupe n’a pas pris le temps de joindre la droite et l’extrême-droite. Pas plus que les candidats d’extrême-gauche dont les chances d’être élus restent minimes à leurs yeux. Avant tout donc, « nous cherchions à trouver des gens qui peuvent avoir une influence » ajoute la militante. L’occasion d’avouer en creux que ce genre de démarche permet aussi d’influencer les actuels ou futurs décisionnaires.
Côté Parti socialiste, Maryse Labroille note deux bonnes rencontres. Sébastien Saint-Pasteur, candidat suppléant sur la 7e circonscription, derrière le titulaire Bernard Garrigou soutenu par le président de région Alain Rousset, est également élu en charge du handicap au conseil départemental. Or le groupe a justement quelques griefs contre le département et les structures de l’aide sociale à l’enfance qu’il gère.
Tremplin se réjouit de la « position concrète » de l’élu qui s’ajoute à celle de l’élue régionale PS, Naïma Charaï. Le contact s’est selon le groupe avéré plus difficile avec le duo PS Delaunay/Ajon sur la 2e circonscription. Le collectif Tremplin regrette qu’Emmanuelle Ajon ne fasse pas plus au département pour héberger des jeunes mineurs, en plus d’avoir défendu la double-évaluation qui a accru la précarité de certains (voir notre série de portraits).
Déchanter
L’écoute attentive de Loïc Prud’homme, candidat France insoumise sur la 3e circonscription, a également convaincu le collectif résume Marie-Thérèse Martinière, militante octogénaire dévouée, qui espère avoir trouver un soutien de plus pour « porter leur revendication auprès des instances locales ».
Les militants ont trouvé moins d’écoute auprès de La République en marche. Laurence, qui aide les migrants de l’ancien CAO de Mérignac, est tombée de haut. Après s’être rapproché des militants En Marche de sa 3e circo, elle a déchanté :
« J’avais des espoirs en Emmanuel Macron. Si je me suis rapproché de son mouvement, c’est notamment pour ses propos sur l’immigration. Il disait vouloir se rapprocher des choix d’Angela Merkel sur le « dédublinage » (le « dublinage » est la procédure de renvoi dans le pays européen par lequel le migrant est entré, NDLR) car ces demandeurs d’asiles pouvaient améliorer la croissance économique dans le pays. »
Seulement, depuis :
« Je n’ai rien vu. Je suis allé à des rencontres. Moi, je n’y allais pas pour parler d’économie, mais je n’y ai rencontré que des gens évoquant ces sujets. »
Elle observe que dans les différentes manifestations auxquelles elle a participé, seules des élues EELV et des militants insoumis, communistes ou anticapitalistes étaient présents.
LGV : l’électoralisme à grande vitesse ?
Le projet de LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax (GPSO), c’est un sujet devenu consensuel, en tous cas dans la 9e circonscription de Gironde. Tous les candidats en lice sont contre, selon les avis recueillis par le collectif Vigilance LGV, et tous se disent pour la modernisation des voies existantes.
Motif : les dégâts environnementaux et les coûts exorbitants du projet.
Rem et PS, des opposants aux ambiguïtés
Guillaume Perchet pour Lutte Ouvrière dénonce un temps de trajet plus court uniquement « pour ceux qui auront les moyens de se payer le billet (…) ou pour ceux qui auront la chance d’avoir un arrêt dans leur ville. » Son opposition se construit contre « les trusts du bâtiment [qui] comme les banques s’engraissent sur le dos de la société, au détriment des finances publiques. »
Sophie Mette (Rem) veut de nouvelles motrices et une modernisation des voies existantes assurant qu’elle rencontrera rapidement la ministre des Transports et celui de l’écologie.
Pourtant, Emmanuel Macron s’est dit favorable à la GPSO. « Il n’empêche que je peux être contre », explique-t-elle, quitte donc à s’opposer au président.
Tout comme Gilles Savary. Grand connaisseur des transports, le député sortant encore étiqueté PS avait voté pour la LGV Tours-Bordeaux mais a depuis revu son jugement. Il a certes rappelé sur France Bleu Gironde avoir fait classer la Vallée du Ciron en Zone Natura 2000 mais reste lié à des camps très pro-LGV, notamment le président de région Nouvelle Aquitaine, et Emmanuel Macron. Rien de contradictoire selon lui : il explique justement sur France 3 « ne pas avoir fini (son) travail pour faire infléchir la politique nationale des transports ».
Au comité de vigilance LGV, il affirme avoir contacté sur cette question le ministre Nicolas Hulot. Il lui propose la constitution d’un groupe d’élus favorables à la mise en place de « véritables lignes de trains de banlieues cadencées sur le réseau TER périphérique », pour lequel il plaide par ailleurs en faveur d’une ouverture à la concurrence.
Les communistes, par la voix lot-et-garonnaise de Danielle Blasco, s’opposent au GPSO et en profite pour tirer sur les partenariats publics-privé (PPP). Sophie Rivière-Durivault (Front national) demande des investissements sur les TER Langon-Bordeaux.
Xavier De Jaeger, du parti du vote blanc, dit vouloir s’en remettre « à la population (pour) juger de l’aspect prioritaire de ce sujet », ce qui dans les faits a déjà été effectué en partie via l’enquête publique.
Sans avoir répondu au comité vigilance-LGV, François Papiau, conseiller départemental à Cadaujac, déclare sur France Bleu Gironde aussi l’opposition de la France insoumise a tous les grands projets coûteux et inutiles dont fait partie la GPSO. Sur la même antenne, Michel Dufranc affirme qu’il a fait voter à la Brède (dont il est le maire Les Républicains) la première délibération s’opposant à ce projet en 2005 :
« Vous n’allez trouver personne dans le Sud-Gironde qui applaudit des deux mains le projet. »
Le comité de vigilance précise quant à lui que sa consultation ne donne pas lieu à une consigne de vote.
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