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Élisabeth Sanson : « Je suis dépositaire de la flamme de Chahuts »

La 26e édition du festival des arts de la parole, Chahuts, débute ce mercredi 14 juin. Le programme, teinté politique, est une suite logique de Campagne, programme présenté la veille des élections présidentielles. Rencontre avec Élisabeth Sanson, qui a pris la tête de l’association et du festival en octobre 2016.

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Élisabeth Sanson : « Je suis dépositaire de la flamme de Chahuts »

Élisabeth Sanson succède a Caroline Melon à la tête de l’association et du festival Chahuts. Après 5 ans passés comme secrétaire générale à La Ferme du Buisson, centre culturel à Noisiel-Marne-la-Vallée, et 6 ans au théâtre de L’Onde à Vélizy-Villacoublay, la nouvelle directrice assume « le grand écart ». Elle raconte son ambition pour le festival des arts et de la parole qui anime le quartier Saint-Michel depuis 26 ans.

Dans la continuité du travail effectué, Chahuts 2017, qui aura lieu du 14 au 17 juin, est plus qu’une version de transition, c’est « le second volet » de Campagne. Entre les deux tours des élections législatives, l’occasion est trop belle pour remettre le citoyen au cœur des questions politiques. Entretien avec Élisabeth Sanson qui tient « à entretenir la flamme ».

Elisabeth Sanson, à la tête de Chahuts depuis octobre 2016 (WS/Rue89 Bordeaux)

Rue89 Bordeaux : Pouvez-vous présenter Chahuts 2017 ?

Élisabeth Sanson : Pour parler de l’édition 2017 de Chahuts, c’est important de partir de Campagne puisque la programmation de cette année s’est construite autour des artistes que nous avions invités déjà en février. Je rappelle qu’ils étaient cinq venus en résidence, à l’invitation de Caroline Melon, pour réaliser cinq vidéos dans le cadre d’une d’une web-série autour du discours politique (Fanny de Chaillé, Julien Fournet, Nicolas Bonneau, Gaëlle Bourges et le collectif OS’O, NDLR).

Ensuite, ces artistes étaient tous d’accord pour réfléchir sur des formes vivantes après le travail vidéo qui n’était pas du tout l’outil habituel de leurs créations. On peut parler du coup d’un deuxième volet. Nous avons alors préparé les interventions selon la disponibilité de chacun, ce qui donne des participations variées. Soit une création, soit une expérimentation, soit une performance, soit la représentation d’un spectacle existant.

La deuxième chose liée à Campagne, c’est la volonté de faire perdurer les espaces dédiés à la parole ; voir comment Chahuts peut être un lieu d’échanges politiques, au sens de la cité et de la démocratie. Comment on peut répondre à la nécessité de donner la parole à des gens qui ne l’ont pas forcément et de proposer un endroit où ils puissent se rencontrer. Et c’est ce qui m’intéresse particulièrement.

Pouvez-vous en dire plus ?

Les cinq artistes de Campagne reviennent chacun à leur manière. Gaëlle Bourges, qui a proposé une vidéo « Faire campagne », présentera sa déclinaison de la fresque du XIVe siècle d’Ambrogio Lorenzetti, dans une conférence performée qui a été créée pour Chahuts. Ça se passera à l’Oara juste avant l’inauguration.

Ensuite, Julien Fournet, qui avait proposé sa vidéo « La force commune » comme une sorte de tutoriel pour sa performance à venir, invite le citoyen à agir et ne pas se contenter des élections. Cette performance va faire le lien entre deux parties du public, l’un venu pour l’inauguration, l’autre convié via les réseaux sociaux. Il vaut mieux ne pas en dire plus pour ne pas perdre l’effet de surprise. Cette performance fera en sorte que le festival démarre par les discours officiels habituels mais intègre parallèlement un spectacle puisque que finalement c’est bien ça le sujet.

Jeudi, Fanny de Chaillé présente la Gonzo Conférence à la Rock School Barbey, qui sera suivie du concert de MOHDD. Je suis hyper fière de présenter ce spectacle à Bordeaux, une ville rock. Les amateurs auront l’occasion, l’espace de 40 minutes, de mettre des mots sur l’expérience du rock dont on ne parle jamais. A la Rock School Barbey, le lieu est parfait !

Samedi, il y a une proposition du collectif Os’o, un marathon d’écriture sur la place Saint-Michel. 40 participants travailleront sur 5 thématiques animées chacune par un comédien qui donnera des consignes de mise en scène sur une proposition du collectif Traverse. C’est une création pour le festival. Elle est le résultat de rencontre entre des processus de création. C’est Chahuts qui permet ça. Les artistes adorent proposer des choses qui sortent de leurs modalités de travail habituelles création/production/diffusion. Dans ce cycle, Chahuts se hisse pour proposer des idées laboratoires.

Enfin Nicolas Bonneau proposera un spectacle sur Mohammed Ali, un récit poignant, un sujet rassembleur et populaire outre sa dimension politique. La boxe, comme le rock, ce sont des disciplines qui brassent un public qui n’est pas forcément celui des spectacles vivants.

Bienvenue à la Chahute

Et sur le lieu de rencontre ?

Il s’appellera La Chahute (72, rue des Faures à Bordeaux). C’est aussi un espace ouvert dans la continuité de Campagne. On a voulu au départ un lieu pour exposer les réponses de l’Élysée aux 348 lettres envoyées au nouveau président de la République. On attend toujours les 348 réponses !

Jonathan Macias a proposé un mur blanc avec 348 clous qui attendent ces réponses. Au fur et à mesure de leur réception, on présentera les lettres cachetées et ce sont les visiteurs qui les ouvriront et qui les mettront sur les clous. On verra le vide se remplir tout au long du festival.

Mais le plus intéressant est le mouvement que provoqueront ces lettres. D’où La Chahute comme un lieu de paroles. Le public ne va pas rester muet face à un mur des lettres de l’Élysée, ce n’est pas possible. Il faut en discuter : qu’est ce qu’on aurait aimé comme réponse ? Qu’est ce qu’on aurait écrit ? Donc, en face du mur des lettres, il y aura un mur d’expression.

A La Chahute, six étudiants des Beaux-Arts de Bordeaux travailleront également sur une fiction que je ne développerai pas ici, pour laisser au public le plaisir de découvrir ce travail surprenant.

Autour de toutes ces propositions, il y a aussi des artistes de Bordeaux que j’ai pris le temps d’aller rencontrer depuis mon arrivée : la compagnie Du chien dans les dents, Jean Magnard, Anne-Cécile Parédès, Olivier Villanove…

Toutes ses idées sont nées d’ingrédients déjà en place. C’est pour cela qu’on parle d’une saison de transition. Je me suis basée sur l’existant. Le but n’était pas de faire Campagne en février et de passer à autre chose en juin, le but était de créer une continuité. Je n’aurais pas postulé à Chahuts si je ne m’étais pas reconnue dans le projet de Chahuts.

Quelles sont vos perspectives ?

En réalité, je n’ai pas besoin pour mon égo de changer les choses pour changer les choses. Sur le format du festival, je me pose des questions sur sa durée notamment. L’idée est de le faire vivre. Et, même si je suis attachée à observer l’existant, il y a des changements profonds à apporter, qu’il faudra remettre à plat les enjeux après cette édition pour préparer les prochaines. Ce se fera avec les gens qui font que Chahuts soit devenu ce qu’il est.

plus Chahuts repose sur l’existant et plus ça m’intéresse. Je suis plutôt dans une logique d’observer ce qui fonctionne, d’alimenter tout ça, de continuer le travail avec les bénévoles et les salariés. C’est une grosse responsabilité de faire perdurer cette flamme dont je suis la dépositaire. Le premier enjeu est là : l’équipe, le conseil d’administration, les gens qui sont ici et pour qui Chahuts existe depuis longtemps. Chahuts c’est d’abord ce qui existe.

Pour la suite, ce que je souhaite travailler, c’est la question de l’ancrage dans le quartier et des croisements des publics. Comment ? En prenant appui sur la richesse du quartier Saint-Michel, en faisant venir des propositions d’autres territoires et en proposer en échange. Chahuts a vocation a élargir les champs d’intervention. Nous sommes ancrés à Saint-Michel mais on peut aussi imaginer des collaborations avec d’autres quartiers, d’autres assos, faire croiser les publics et de provoquer des rencontres et des déplacements. Pour l’Été métropolitain, on va aller à Blanquefort, à Bruges…

Et puis j’ai aussi l’intention de continuer à faire venir des spectacles dans les arts de la parole. Il y a un enjeu à faire venir des propositions nationales à Bordeaux. Si Chahuts ne le fait pas, je ne vois pas qui peut le faire. Et il faut inversement ouvrir des possibilités aux artistes de Bordeaux, notamment les jeunes qui ont ont envie d’explorer l’espace public, d’avoir des opportunités. Ces artistes-là viennent voir Chahuts parce que nous sommes un opérateur culturel important sur cette question. On a donc un rôle à jouer pour l’accompagnement de ces artistes.

Saint-Michel se transforme et accueille une nouvelle population qui va transformer le territoire. Comment voyez-vous l’avenir ?

Je l’entends, et je vois bien que ça change très vite. Il y a des signes qui ne trompent pas. Chahuts est un projet populaire qui est né dans le centre d’animation qui travaille sur la mixité. Le projet est intéressant tant qu’il y a cette mixité. Avec cette nouvelle population, on va travailler sur ces croisements, sur les passerelles qui existent. Qu’est-ce qu’on va vivre en plus d’être dans le même quartier ?

Je ne veux pas qu’on devienne un festival qui sert simplement à valoriser un quartier. Je veux garder le côté populaire. Je rappelle que Chahuts est né dans un quartier classé « politique de la ville ».

En quête de mécènes

Quels sont vos moyens pour développer Chahuts ?

Chahuts est arrivé à un seuil avec 3 salariés permanents. Ce sont des postes indispensables pour faire tourner la structure : animer les partenariats, les projets scolaires, les résidences, etc.

Nous avons pérennisé le troisième poste grâce à des budgets de la direction de l’aménagement. Ces budgets étaient alloués dans le cadre d’un appel à projets lié aux travaux de la place et du quartier. Ils venaient compléter les subventions de la mairie, la métropole, le département, la région, la Drac…

Aujourd’hui, nous n’avons plus ces budgets. Ce qui nous emmène à des questions cruciales : soit on réduit la voilure, soit on trouve des financements… Cette année, on a pu faire cette édition, mais je cherche des solutions pour pouvoir faire différemment et renouveler le projet de Chahuts pour l’année prochaine.

Nous nous sommes lancés dans la recherche de financements privés grâce à un budget accordé par la Région pour des consultations servant à mettre en place des stratégies afin d’attirer des entreprises privées… Nos propositions peuvent être parfaitement accompagnées par des entreprises. Ce sont des missions précises avec des artistes tout au long de l’année. Les entreprises sauront quel artiste elles accompagnent et pourquoi. On espère ainsi leur donner le sentiment de s’approprier des actions et de se sentir impliquées dans le territoire. C’est un travail que l’on commence tout juste à mettre en chantier.


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