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Le pont de pierre sans voiture : la rive droite (presque) ravie

L’expérimentation de la fermeture du pont de pierre à la circulation automobile, en cours depuis début août jusqu’à fin septembre, connaîtra son vrai test ce lundi de la rentrée. Dans la foulée, un comité de pilotage se réunira pour faire un premier bilan. Sur la rive droite, même si les avis sont partagés, les Bastidiens saluent une nette diminution de la pollution atmosphérique et sonore.

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Le pont de pierre sans voiture : la rive droite (presque) ravie

« Au début, on nous a reproché d’avoir pris cette décision, mais je suis sûr que, dans quelques années, on nous reprochera de ne pas l’avoir prise plutôt. »

Jérôme Siri est convaincu, la fermeture du pont de pierre à la circulation est une bonne idée et souhaite même qu’elle devienne définitive. Le maire adjoint du quartier La Bastide n’est pas à court d’arguments et s’il y en a un qui lui tient à cœur, c’est celui de la diminution de la pollution atmosphérique. Pour le reste, il faudra s’adapter :

« La question de santé publique prédomine sur tous les autres sujets, qu’ils soient économiques ou pratiques. Les pollutions atmosphérique et sonore sont les premiers bénéfices de cette expérimentation. Ça faisait bien sûr partie des objectifs, mais on ne pouvait pas imaginer ce niveau du résultat. »

Lui-même responsable d’un magasin de vente et de réparation de cycles avenue Thiers, il fait le bilan d’un mois d’août plutôt morose pour les affaires – « alors qu’on aurait pu imaginer que les habitants du quartier allaient se mettre au vélo ! » –, mais voit venir un mois de septembre rempli de commandes. Alors que pour nettoyer le sol, « rentrons dans les détails », « l’eau de la serpillère est beaucoup moins noire ».

Moins de poussière et plus de touristes à pied

« Les deux opticiens de la place Stalingrad n’ont plus besoin de faire leur vitres ! », ajoute Jérôme Siri. Plusieurs commerçants avec pignon sur cet axe principal, qui a longtemps permis le franchissement de la Garonne en voiture, sont du même avis. Thierry Pincé, responsable du restaurant Pause Nature qui fait face au lion bleu, surenchérit : « Quand je nettoie mes tables, j’ai beaucoup moins de poussière noire qu’avant ».

Et plus de clients ? Même s’il évoque les habitués qu’il appelle des « clients captifs » pour son « restaurant de quartier », il avoue qu’ « il y a beaucoup moins de passage » :

« Avant, au mois d’août, beaucoup de touristes en voiture s’arrêtaient pour me demander leur chemin. Cette année aucun ! C’est peut-être pas très bon pour la publicité. Il y a des gens qui me connaissent par ce qu’ils ont juste vu l’enseigne… »

Sauf que des touristes, il y en a de plus en plus à pied. Son voisin d’en face, Raphaël Lattieri, dit avoir croisé « plus de gens qui se promènent à pied et des touristes qui ont traversé le pont ». A son restaurant, La Maison, « ça n’a pas changé grand chose », la « clientèle est essentiellement du quartier ».

Nicolas Laurent est du même avis. « Depuis la fermeture, les gens des deux rives circulent plus à pied. Pour un commerce, c’est une bonne chose. » Même s’il reconnaît que pour le sien, Ma cave à vins, l’impact de l’expérimentation n’est pas flagrant, qu’il soit positif ou négatif :

« Pour nous, en plein mois d’août, c’est trop tôt pour le dire. J’attends la rentrée. Mais je suis optimiste, comme beaucoup d’autres commerçants du quartier d’ailleurs. Il n’y aura que du positif. »

« C’est idiot d’être contre ! »

Du positif et bien plus pour Delphine Domergue. La responsable de l’épicerie du même nom avenue Thiers, salue « une décision qui va dans le bon sens : moins de circulation c’est moins de pollution, c’est inciter les gens à prendre les transports en commun ou à faire du vélo ». Rien que pour ça, cette Bastidienne de naissance dit à propos de la fermeture du pont à l’automobile : « C’est idiot d’être contre ! » Il faut préciser qu’elle ne s’est pas laissée surprendre par la décision de la métropole et a suivi en amont les réunions de concertations :

« Malheureusement, il n’y avait pas grand monde. C’était pourtant très intéressant. On a rencontré des urbanistes qui nous ont donné des exemples d’autres villes et expliqué comment la population s’est réappropriée les trottoirs. Aujourd’hui, ce qui a été dit, on le constate. Les trottoirs ont été réaménagés avec des bacs à fleurs et des oliviers. Les couloirs des vélos sont reportés sur la voie des bus. Du coup, ça incite les gens à se balader et à se poser sur les terrasses. Le bar d’à côté, Le Moderne, sa terrasse est pleine tous les soirs. »

Indéniablement, depuis le début de l’expérimentation, la mobilité dans le quartier s’est transformée. L’avenue Thiers est méconnaissable. Si, en descendant de Cenon, ça ne saute pas à la figure avenue Jean-Jaurès, passée l’église Sainte-Marie-de-la-Bastide, la circulation est bien plus calme et les vélos plus présents. C’est ce rayon d’un kilomètre autour du pont que craignait Jérôme Siri :

« Je croyais qu’on aurait plus d’opposition des habitants dans ce périmètre, parce que c’est eux qui l’empruntent le plus souvent en voiture. Ils auraient pu être les plus revendicatifs, mais finalement, ceux que je rencontre sont plutôt ravis. »

Avenue Thiers, les vélos partagent une voie avec les bus et libèrent les trottoirs pour les piétons (WS/Rue89 Bordeaux)

Craintes et pessimisme

Même si ces riverains constituent la clientèle principale des commerces de proximité, ces derniers peuvent regretter les clients de passage. « Aussi bien ceux qui partent à leur travail en voiture le matin de la rive gauche vers la rive droite que ceux qui rentrent le soir dans l’autre sens », précise Patrice Daniaud, patron de la boulangerie Mipat :

« La matin tôt ou en fin de journée, il y a un côté ville morte. On avait des gens qui travaillent d’un côté et qui habitent de l’autre, qui s’arrêtaient boire un café avec une viennoiserie le matin ou le soir pour acheter du pain en rentrant à la maison. C’est difficile à apprécier, est-ce que ces gens là sont encore en vacances ? On verra la semaine prochaine. Je suis assez pessimiste. Entre 19h et 20h, au lieu d’avoir 25 ou 30 clients, là on n’en voit plus que 3. »

Pour compenser, le boulanger, installé depuis plus de deux ans, fait remarquer « une présence touristique de plus en plus importante » :

« Je ne sais pas si c’est en lien avec le pont ou le développement d’Airbnb dans le quartier. Chaque été, on constate une croissance. Mais une fois la saison touristique passée, il faut pas que ça devienne mort. »

Pour l’épicerie Les 2 fermes, les touristes n’ont pas l’air de faire autant de bien aux affaires. Le responsable, qui a tenu à rester anonyme, s’en prend clairement à cette expérimentation et espère sa suspension :

« J’ai eu une baisse de 18% à 20% du chiffre d’affaire sur le mois d’août et je redoute le mois de septembre. Nous avions des clients de passage en voiture sur l’avenue Thiers qu’on ne voit plus. »

Marie-Claude Thibeaut, responsable de la pharmacie Rive droite, partage ces mêmes « craintes pour le mois de septembre » :

« Même si notre clientèle est essentiellement de la rive droite, les habitants de la rive gauche s’arrêtaient chez nous en rentrant du travail. »

Une rentrée sous haute surveillance

Pour l’instant, selon les mécontents, aucun collectif de commerçants ne s’est formé pour porter leurs doléances. « On ne nous a pas demandé notre avis avant, pourquoi ils en tiendraient compte maintenant ?! » Un peu plus haut, à Cenon, non plus, assure le nouveau maire.

« Les commerçants de l’avenue Jean-Jaurès n’ont, pour l’instant, pas manifesté d’inquiétudes sur ce sujet, affirme Jean-François Égron. On va cependant attendre la rentrée parce que c’est là qu’on va mesurer les effets. Effectivement si les effets sont néfastes sur le plan économique on interviendra pour indiquer notre position. »

Cependant, le nouveau maire de Cenon semble avoir une position plus nuancée que son prédécesseur, Alain David, qui siégeait au conseil métropolitain quand la décision avait été soumise au vote.

« Après l’expérimentation, je ne suis pas opposé à l’interdiction complète de la circulation dans la mesure où le report de la circulation sur le pont Saint-Jean et le pont Chaban-Delmas se fera dans des conditions acceptables pour tout le monde. Sachant que bien avant, les Cenonaises et les Cenonais avaient pris d’autres habitudes pour leurs déplacements. »

Ce report de la circulation est épié par une autre mairie, celle de Floirac, surtout pour les premiers jours de la rentrée. Jean-Bernard Duboscq, directeur de cabinet du maire prévient :

« Le vrai test, ça va être ce lundi, pour la rentrée. Ou plus exactement le 5, parce que le pont Chaban-Delmas sera fermé de 6h20 jusqu’à 8h, l’heure de l’embauche, et le 6 à partir de 18h34. Alain Juppé a bien précisé que c’était une expérimentation et qu’il pouvait la suspendre à n’importe quel moment. On va voir, s’il ne prend pas la décision de la suspendre, on ira voir avec lui et en parler. Car nous aurons nos observateurs et nos chiffres à nous. »

« Des signaux positifs »

Pour la rentrée, de nombreuses associations pro-fermeture définitive sont également sur le qui-vive. L’association Les Droits du piéton en Gironde réclame, dans un communiqué de presse, « la mise en place définitive de la fermeture du pont de pierre au trafic auto et moto » :

« Quel bonheur pour le piéton, maman avec poussette, personne à mobilité réduite ou mal voyante, piéton rêveur ou pressé, de pouvoir utiliser le trottoir du pont de pierre et profiter de la vue du centre de Bordeaux sans respirer la pollution émise par les engins à moteur dans un calme ponctué seulement par le roulement des bus et du tram ! »

Vélo-cité Bordeaux métropole, à l’origine de l’idée, fait feu de tout bois pour peser sur la décision. En plus du rassemblement prévu le mardi 5 à 18h30 pour soutenir le projet et une vélorution le 29 septembre, elle a également lancé une pétition allant dans le même sens qui a recueilli à ce jour 1150 signatures.

« Mais est-ce que deux mois d’expérimentation sont suffisants pour prendre une décision ? » se demande le maire-adjoint du quartier de la Bastide qui assure n’avoir aucun retour même s’ « il y a des signaux positifs ». Jérôme Siri, qui précise que la fragilité constatée du pont n’est pas à l’origine de cette expérimentation – « les travaux seront faits dans les deux cas » –, surenchérit :

« Si on fait marche arrière, ce sera extrêmement compliqué de renouveler l’expérience. Ce qui est une raison suffisante pour entériner cette décision dès maintenant. »

Une raison suffisante, mais surtout une raison de plus.


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