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16 pesticides retrouvés dans un de ses vins, Bernard Farges défend son « engagement sincère »

Les deux militantes anti-pesticides Valérie Murat et Marie-Lys Bibeyran ont fait analyser un vin de 2014 appartenant à Bernard Farges. 16 pesticides y sont présents, de quoi disqualifier, selon elles, les engagements pour la sortie des pesticides de l’ancien président du CIVB. Ce dernier assure avoir changé ses pratiques depuis 2016.

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16 pesticides retrouvés dans un de ses vins, Bernard Farges défend son « engagement sincère »

« Nous sommes fatiguées d’entendre le discours du CIVB, à renfort de plusieurs millions d’euros de marketing, expliquant que “tout va bien, la filière fait des efforts”, avançant toujours les mêmes arguments du SME et des cépages résistants, qui ne sont que des cosmétiques. Ils ne se saisissent pas du problème. »

Marie-Lys Bibeyran et Valérie Murat ont voulu frapper un coup : analyser un vin produit par Bernard Farges (viticulteur au château de l’Enclos, à Mauriac (33), ex-président du CIVB, président du Syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux supérieur, ainsi que de la Confédération nationale des producteurs de vins AOC).

Elles ont donc envoyé à un laboratoire d’analyse une bouteille de château de l’Enclos, cuvée 2014, et reçu les résultats suivants : 16 pesticides, dont 4 CMR (cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques) y sont présents.

Rien d’illégal, puisqu’il n’y a pas de réglementation sur les résidus de pesticide dans le vin. Mais si elle contenait de l’eau, cette bouteille serait interdite à la vente, avancent les activistes. Elles dénoncent « un véritable catalogue des pesticides disponibles sur le marché et visiblement, un usage immodéré du Folpet, produit CMR phare de la viticulture conventionnelle. Au total, quelques centaines de fois le seuil de potabilité de l’eau… Santé ! ».

Objectif zéro CMR en 2018

En 2016 pourtant, Bernard Farges parlait de « la sortie de l’usage des pesticides » comme objectif pour le bordelais, et avait réaffirmé cet engagement lors de son intervention à un débat au Salon des vins actuels et naturels coorganisé par Rue89 Bordeaux en 2017. Un « double discours » pour les deux militantes anti-pesticides, « celui de Docteur Bernard et celui de Mister Farges ».

Envoyés à la presse ce vendredi matin, ces résultats n’ont pas tardé à faire réagir l’accusé, dans une « lettre ouverte à Valérie Murat et Marie-Lys Bibeyran » :

« Vous souhaitez disqualifier mon engagement réel et sincère de réduction et de sortie à  terme de l’usage des pesticides, engagement que j’ai pris publiquement en avril 2016 lorsque j’étais président du CIVB. […] Oui, je ne suis ni meilleur ni plus mauvais que la plupart des vignerons de notre région. Je suis même tout à fait représentatif des profonds changements en cours. J’ai fortement diminué l’utilisation de pesticides depuis 2016 et j’ai également limité le recours aux CMR à chaque fois que c’était possible. J’espère bien réussir, en 2018, à n’en utiliser aucun. Votre attitude Mesdames est d’une rare mauvaise foi. Délibérément vous choisissez un vin de 2014 alors que vous savez pertinemment que mon engagement au nom de la filière viticole bordelaise date d’avril 2016. »

« Mais il a un rôle d’exemple à tenir, en tant que missionné par trois institutions viticoles », proteste Valérie Murat. « Je ne prétends pas être un exemple. Si mes collègues jugent que je ne suis pas au niveau, ils me dégageront », répond Bernard Farges à Rue89 Bordeaux.

Terra vitis incognita

La page de présentation de ce vin indique par ailleurs : « Conscients depuis longtemps de l’importance de l’environnement, les frères Christian et Bernard sont certifiés depuis 2004 en agriculture raisonnée et terra vitis. »

Justement, ces résultats interrogent la valeur du label « Terra Vitis », qui orne la bouteille du vin analysé. Son cahier des charges « valorise 6 principes d’action pour intervenir et produire de manière cohérente, globale et rigoureuse » avance un document de communication.

Mais quid des critères concrets en termes de pesticides ? « Ce label a un cahier des charges plus restrictif que le cadre légal. Il encadre certaines procédures, limite l’usage de certains produits » avance Bernard Farges. Mais sans pouvoir dire « de tête » lesquels.

« Ce label, comme le SME (système de management environnemental), ne présente aucune contrainte : n’importe qui peut l’avoir, il suffit de s’inscrire, payer, et s’engager à calculer sa fréquence de traitement », selon Valérie Murat.

« Mettre nos compétences en commun »

Mis en cause par les deux militantes, toutes deux engagées dans des procédures judiciaires suite aux décès de parents provoqués par les pesticides, Bernard Farges leur tend toutefois la main :

« Je sais Mesdames que vous avez eu à souffrir à titre personnel de ces pratiques anciennes. Plutôt que d’alimenter une polémique vaine et injuste par médias interposés, et de choisir la voie de l’attaque personnelle, je trouverais plus constructif de mettre nos énergies et nos compétences en commun pour accompagner la dynamique engagée à Bordeaux. Je vous le propose à nouveau », conclut Bernard Farges.

Ce lundi 22, Valérie Murat et Marie-Lys Bibeyran ont envoyé à la presse leur réponse à Bernard Farges. Prenant acte de la proposition de ce dernier, elles se disent « prêtes à entamer un dialogue constructif et élargi » à condition que l’objectif soit clair :

« Si le SME [système de management environnemental, développé par le CIVB, NDLR] sort de son ambiguïté actuelle, et pose la sortie des CMR comme priorité n°1, alors pourquoi pas, et la « polémique » pourra s’apaiser. »


#pesticides

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