Pas de bol pour la SNCF. Alors qu’elle pensait pouvoir dresser tranquillement un bilan 2017 à ses yeux reluisant, la compagnie a eu droit ce lundi à la visite tonitruante d’élus venus interrompre sa conférence de presse à Bordeaux.
« Nous sommes là pour exprimer notre colère et notre déception contre l’irrespect total de la SNCF, lâche Jean-François Dauré, président du Grand Angoulême, selon lequel les collectivités charentaises espéraient mieux des 40 millions d’euros investis dans la construction de la LGV. Vous avez enlevé des dessertes pour les remplacer par des Ouigo à des heures qui n’intéressent pas les travailleurs et des chefs d’entreprises. Vous ne menez une politique qu’à destination des voyageurs loisirs, des vacanciers. »
En cause : des horaires de train modifiés dans la grille hivernale, privant une soixantaine de « pendulaires » (moitié moins, selon la SNCF) du TGV de 8h08 au départ de Saint-Jean, et du trajet retour de 18h15. Pour arriver avant 9h à Angoulême, cela suppose ainsi de partir au plus tard à 7h08 de Bordeaux. Dans l’autre sens, le premier TGV direct est lui à 8h31, mais met plus d’une heure pour rallier la capitale aquitaine.
« La vocation du TGV, c’est de couvrir des grandes distances, pas de structurer des dessertes intra-régionales, plaide Philippe Bru, directeur régional de SNCF Mobilités. Or pour arriver très tôt à Bordeaux, cela supposerait de partir aux aurores de Paris. »
Philippe Bru promet aux élus que le comité de ligne, avec des représentants des collectivités et des usagers, et qui devait se tenir en janvier, se réunira bien en février. « On est ouvert au dialogue, l’objectif est de trouver des solutions qui conviennent à tous », assure Eric Redonnet, directeur TGV pour la région Nouvelle-Aquitaine.
Selon ce dernier, le TGV a permis de gagner du trafic vers Angoulême : +20% depuis Bordeaux, +16% depuis Paris. Et c’est vrai pour d’autres destinations, comme Poitiers (+18%).
Troisième ligne la plus fréquentée de France
Tout le réseau bénéficierait donc de cette nouvelle ligne, dont le départ « boulet de canon » s’est confirmé par la suite : depuis son ouverture le 2 juillet dernier, le trafic sur la liaison Bordeaux-Île de France a bondi de 70%, comparé aux 6 derniers mois de l’année 2016. Avec un total de 2,7 millions voyageurs, cette ligne devient la troisième la plus fréquentée de France, après Paris-Lyon et Paris-Lille.
Pour les responsables régionaux de la SNCF, c’est une conséquence de l’effet nouveauté, de l’attractivité de Bordeaux, mais aussi de la politique de petits prix développée par la compagnie – avec Ouigo (3 aller-retours quotidiens entre Paris et Bordeaux), l’offre de billets à bas coûts a ainsi été multipliée par trois.
Une batterie de tarifs attractifs (moitié prix pour les moins de 28 ans, pass abonné, abonnement étudiant, forfait « Tribu »…) a aussi permis au TER de redresser la barre en Nouvelle-Aquitaine. Après des années de baisse de la fréquentation, celle-ci a progressé de 10% en 2017, et le nombre d’abonnés de 13%. Avec l’amélioration de la régularité des trains (89,7%, son meilleur résultat depuis 5 ans), la nouvelle tombe à pic pour la SNCF, explique Philippe Bru :
« L’année 2018 est capitale car nous aurons à renouveler notre convention avec le conseil régional. Or l’ouverture à la concurrence se prépare, dont la prochaine loi mobilité définira les modalités. »
En revenant de Nantes
Certaines régions, comme le Grand Est, ont déjà annoncé leur souhait d’ouvrir une partie de leurs réseaux à des concurrents de la SNCF. Et Alain Rousset s’est plaint auprès du patron de cette dernière, Guillaume Pepy, de « l’inertie » de ses services, incapables de fournir des éléments chiffrés sur la période 2013–2016. La région Nouvelle-Aquitaine se juge surtout « compétente pour payer » la SNCF – à hauteur de 400 millions d’euros par an.
L’entreprise affirme toutefois qu’elle prend aussi des risques : 3 millions d’euros pour financer à ses frais un septième aller-retour quotidien entre Bordeaux et Marseille, et répondre au succès de cette ligne Intercités (qui passe notamment par Toulouse et Montpellier). Sa fréquentation a en effet augmenté de 20%, deux fois plus que la moyenne nationale sur ces liaisons, pour représenter 2,4 millions de voyageurs.
Les autres Intercités régionaux ont aussi progressé – de 5% pour le Paris-Limoges-Toulouse et pour le Bordeaux-Nantes, et ce malgré l’allongement de la durée du parcours à cause de l’état de la voie entre La Rochelle et La Roche-sur-Yon. Mais si les trains sont lents, ils sont au moins confortables : toutes les rames ont été remplacées en 2017.
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