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Débats enragés, député « dégagé », concerts engagés : Ford toujours en lutte

Débat chaud bouillant, concerts surchauffés, la journée de soutien aux Ford Blanquefort restera comme un moment fort du combat pour sauver l’usine. Cette « réussite pourrait en entrainer d’autres » prévient la sociologue Monique Pinçon-Charlot.

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Débats enragés, député « dégagé », concerts engagés : Ford toujours en lutte

Deux salles combles. Ce samedi, le lycée agricole puis la salle Fongravey de Blanquefort ont été remplis par des salariés de Ford et leurs soutiens. Deux salles et deux ambiances différentes. Au lycée agricole, le débat syndical a mis au jour les fractures dans l’intersyndicale CGT, CFTC, FO, CFE-CGC.

Pour le constat, il y a unité. Jean-Luc Gassies de la CFTC raconte comment « les contrats CDI sont devenus des contrats précaires » depuis ce 27 février dernier quand Ford a annoncé qu’elle n’investirait plus sur le site « sans parler de fermeture », bien que par la suite elle a affirmé chercher un repreneur.

Jean-Marc Chavant, Force Ouvrière, estime qu’en Gironde « 210 communes seront impactées » par la suppression des 876 emplois auxquels Marie-Thérèse Flipo du comité de soutien ajoute les « 3000 emplois induits ».

Débat chaud bouillant au lycée agricole de Blanquefort (XR/Rue89 Bordeaux)

Question de méthode

Quant à la réponse à apporter, pour le cégétiste Philippe Poutou, il n’est pas question de « juste s’indigner » :

« Depuis 45 ans que Ford est là, il y a eu 45 années d’aides publiques. Cette usine est en partie publique, en partie socialisée. C’est ça qui nous donne un peu de culot. »

L’ex-candidat à la présidentielle appelle à bousculer, notamment les élus, pour créer « un rapport de force ».

Sur la forme, la division est nette : la CGT semble seule à demander des démonstrations de force. Les précédentes tentatives de mobilisation lancées par ce syndicat majoritaire ont été relayées médiatiquement mais n’ont pas mobilisé une majorité d’ouvriers. Malgré ce constat, Philippe Poutou se réjouit de voir « une production quasiment au niveau zéro sans qu’il y ait consigne syndicale mais juste parce que les gens n’avaient plus envie de bosser – ça oblige Ford à devoir payer des ouvriers qui ne sont pas en grève mais qui ne travaillent pas ».

Pour les autres, ce n’est pas la bonne méthode :

« Si on ne reprend pas une activité, on rend service à Ford, analyse Jean-Michel Caille de la CFE-CGC. Car ils ont leur plan B pour faire venir d’ailleurs ces productions. Dans un entrepôt à Valence (Espagne), Ford récupère des boites qu’on ne produit pas et qui sont faites aux Etats-Unis. »

Jean-Luc Gassies de la CFTC souhaite une réflexion collective sur des projets alternatifs et ajoute que « quand toutes les organisations étaient réunies et appelaient ensemble à des débrayages, il n’y a pas eu de monde derrière nous, c’est contre-productif ».

Parmi le public, un certain nombre d’interventions – notamment des militants CGT Cheminots, du secteur hospitalier pour certains d’entre-eux encartés aux NPA – en appellent à la convergence des luttes.

Electrique

Tendu, le débat devient électrique quand le député La République En Marche Benoit Simian, costume bleu impeccable, prend la parole. Chahuté, l’élu insiste :

« Je suis aux côtés de l’intersyndicale, des salariés, et je tiens à saluer la responsabilité de l’intersyndicale depuis le début… »

Après à peine une minute d’intervention, les « dégage », « tu n’as rien à faire ici » et bêlements de moutons l’incitent finalement à partir. Un peu plus tôt, un de ses proches l’avait prévenu sur le ton de la blague : « tu risques de te faire agresser ». Blague prémonitoire.

 
Une fois à l’extérieur, le député de la majorité présidentielle critique cette « convergence des luttes qui est le désordre » et ces syndicats qui font de la « politique politicarde ». Pour lui, Ford n’est pas « business honestly » (« honnête économiquement », comme l’a indiqué en mars le délégué interministériel aux restructurations d’entreprises), mais qu’elle doit tout de même « prendre ses responsabilités » pour assurer la sauvegarde de l’emploi.

Une déclaration un peu contradictoire qui laisse perplexe. Que faire de plus ? Il ajoute :

« Bruno Le Maire travaille sur le projet de loi Pacte avec un rapport sur la responsabilité sociétale-environnementale des entreprises. Bruno Le Maire dit France is back. Je le dis, là, on touche du doigt cette responsabilité. Quand on importe des boites de vitesse des Etats-Unis pour alimenter les usines d’Europe, ce n’est pas très développement durable… Et, attendez, il y a un déplacement aux Etats-Unis dans les jours à venir d’un certain membre du gouvernement… »

Proposition et coup de mains

Agacé, Jean-Michel Caille, de la CFE-CGC, tient à proposer une autre stratégie qui passe par un retour au travail. Il voit trois catégories de salariés dans l’usine : ceux proches de la retraite qui veulent la pré-retraité et un pactole, ceux qui veulent une pérennité car ils ont de jeunes enfants – ou certains sont apprentis sur le site – et ceux qui veulent aller chez Getrag (l’usine voisine, NDLR).

Son syndicat avance une nouvelle proposition : récupérer une boite de vitesse qui équipera des véhicules en Inde, l’Ecosport, avec un volume de 80000 boites par an pour les trois ans à venir.

« Ça satisferait tout le monde et on pourra alors travailler à un avenir avec ou sans Ford sur les 10 prochaines années. »

Pendant ce temps, la conférence a repris et la sociologue spécialiste des élites, Monique Pinçon-Charlot affirme que « nous n’avions pas à respecter ceux qui ne nous respectent pas ». Elle pose son analyse  :

« Ce qui est transmis (chez les héritiers des élites et de l’oligarchie, NDLR), ce ne sont pas que les titres de propriété mais aussi les rapports de classes. Les héritiers doivent hériter du fait qu’ils auront tous les droits, qu’ils sont supérieurs. On voit bien comment le député est arrivé assuré. C’est dire leur sentiment d’impunité. C’était une erreur à nos yeux mais pas à ses yeux. (…) Diviser pour régner telle est la devise des oligarques. Nous, les dominés, devons tout faire pour éviter de se diviser. Que devez-vous faire, travailleurs de Ford ? Comme les grands bourgeois, être solidaires, êtes unis. »

Concerts complets

Une fois la conférence terminée, direction la petite salle Fongravey où la soirée se passe sans fausse note. Elle s’ouvre avec Bernard Lavilliers venu avec ses musiciens et ses plus grands succès pour les 600 spectateurs présents : Stand the Ghetto, la Musique est un cri qui vient de l’intérieur ou bien entendu, les Mains d’or.

« J’ai écrit cette chanson sur un cas typique : quelqu’un qui se fait virer qui ne trouvera plus jamais de travail. Il peut en effet rentrer dans un genre de folier, perdre sa famille, sa maison… Cette chanson est un coup de mains. Qu’est-ce qu’il veut ? Travailler encore, travailler encore ! Qu’est-ce qu’ils veulent (les Ford) ? La même chose, voilà ce qu’ils veulent. »


 
Chaque artiste, venu bénévolement, soutient à sa manière le combat en cours. HK arbore le t-shirt en soutien aux ouvriers. Le groupe bordelais Delio commence son concert par « La porte de derrière« , écrite il y a 10 ans déjà en soutien lors de la précédente fermeture avortée. Le trublion jusqu’au-boutiste Didier Super remercie la Ford Motor Company de lui permettre d’avoir une telle date pour faire de la promo. Avant de chanter « L’espoir » pour son rappel, Bernard Lavilliers lance :

« J’ai promis à Poutou que je reviendrais si l’usine est occupée. »

Monique Pinçon-Charlot espérait dans l’après-midi : « Si la soirée est une réussite, ça en appellera d’autres. » L’avenir le dira. Mardi 24 mars à 18h place de la Victoire, la CGT Ford sera déjà à un rassemblement unitaire. A la mi-mai, un nouveau comité de suivi aura lieu. Le 24 mai, l’accord de 2013 et son objectif de 1000 emplois prendront fin.


#Ford Blanquefort

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