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En grève depuis un mois, les facteurs de Gironde en poste restante

Après 29 jours de grève dans les sacoches, les postiers de Gironde ne veulent rien lâcher. Ils ont notamment rendu une visite surprise au PDG de la Poste de passage à Bordeaux vendredi dernier. La direction régionale estime pourtant avoir répondu à leurs revendications, et fait état d’un mouvement peu suivi.

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En grève depuis un mois, les facteurs de Gironde en poste restante

Le président directeur général de La Poste n’avait pas tout prévu. Philippe Wahl était ce vendredi à Bordeaux pour visiter le réaménagement du bureau de Fondaudège et surtout pour inaugurer à Bacalan une nouvelle plateforme logistique (appelée hôtel logistique urbain) avec le maire Alain Juppé et le préfet Didier Lallement. Objectif : permettre aux destinataires de retirer leurs colis sur des horaires élargies, et tenter ainsi de suivre l’explosion des ventes en ligne.

Le PDG était attendu à Fondaudège par des postiers en grève depuis bientôt un mois en Gironde. Lancé le 12 mars dernier, le mouvement s’est installé dans les bureaux et chez les facteurs. Ils protestent contre une nouvelle organisation résumée en trois expressions : tournée sacoche, pause méridienne et distribution pilotée.

Les raisons du conflit

Concrètement, les facteurs actuellement trient le courrier qu’ils vont ensuite distribuer. Tout cela en une seule matinée. Ces deux missions seraient désormais confiées à deux personnes différentes : l’un ne fera que du tri, le second que de la distribution. Pour ce dernier, il devrait désormais travailler toute la journée avec une pause le midi de 45 minutes à 4h selon les syndicats.

Par ailleurs, pour l’usager qui attend son courrier, la distribution pilotée créé une division entre les boites qui reçoivent beaucoup de plis et celles qui en reçoivent peu. Les secondes seraient moins bien desservies, toujours selon les syndicats.

Les postiers de la Gironde en grève depuis le 12 mars (XR/Rue89 Bordeaux)

Les syndicats Sud, CGT et FO ont lancé une grève illimitée, toujours en cours. Ce vendredi, leur rencontre avec le PDG Philippe Wahl et le directeur général adjoint en charge de la branche Services-Courrier-Colis, Philippe Dorge, les a d’ailleurs bien remontés. Dans une vidéo tournée pendant cette discussion à bâtons rompus, Philippe Dorge leur répond :

« Depuis deux ans, on redonne de l’activité, on est sur la conquête, sur le développement. On a recruté 4700 facteurs l’année dernière. J’ai annoncé pour cette année 3000 recrutements CDI. Et le taux de vacance d’emploi est passé de 10% à 8%. En deux ans, c’est considérable. L’avenir du métier de facteur n’est possible que si on continue de distribuer du courrier et si on livre plus de colis et des services de proximité. (…) C’est au niveau de chaque établissement de définir les organisations. »

Les grévistes ne sont pas convaincus. Willy Dhellemmes, syndicaliste Sud PTT, évoque le cas de Langon où la tenue d’un référendum (sur la nouvelle organisation pour les salariés) proposée par les syndicats a été acceptée par la directrice du bureau de poste mais refusée par la direction régionale.

Démon de midi

L’intersyndicale déplore aussi de n’avoir jamais rencontré le directeur régional depuis le début du mouvement. Ce sera bientôt le cas, lui assure le directeur général adjoint avant de partir rejoindre l’inauguration à Bacalan.

Dans un communiqué de presse envoyé ce lundi, la direction de l’entreprise assure être dans un dialogue constant, avec « plus de 20 réunions » tenues :

« Depuis la semaine dernière, les organisations syndicales ont en main une proposition de la Direction pour en terminer avec ce mouvement social. « 

Elle promet que « chaque projet de nouvelle organisation comportera au moins deux régimes de travail différents coexistants dont un sans coupure méridienne ». Par ailleurs, « les agents ne souhaitant pas s’inscrire dans une organisation avec des tournées déjà préparées se verront proposer un poste sur une organisation de travail différente prioritairement au sein de son établissement. »

Mais Sud PTT estime qu’il s’agit là d’un « piège » car ces solutions ne seraient prises qu’au cours d’entretiens individuels et non de négociations collectives. Selon le syndicat, dans l’état actuel des propositions, le postier serait amené à être muté de site si les propositions d’organisations ne lui conviennent pas.

Enfin, Sud estime que la direction a mis fin « unilatéralement » aux négociations mercredi et attend toujours ce lundi de rencontrer le responsable régional. Dans tous les cas pour Bruno Labat de Force Ouvrière :

« C’est l’assemblée générale – et pas les syndicats – qui décide tous les jours si on reconduit le mouvement ou pas. »

Les élus, ce « risque à surveiller »

Vendredi à la Bourse du Travail de Bordeaux, les postiers ont lors d’une conférence de presse maintenu leurs revendications et refusé le schéma proposé : travailler 6 jours sur 7, 7h par jour sans compter les pauses méridiennes.

« Ces changements, ça veut dire passer de 38h à 42h par semaine, ce qui va nuire aux vies privées, familiales ou encore associatives car les postiers y sont souvent investis l’après-midi », précise Gérard Lamarque de la CGT.

Les syndicats craignent aussi une augmentation des accidents de travail, une usure des corps, une hausse des troubles musculo-squelettiques – voire même pour les facteurs en tournée dans l’agglomération bordelaise une trop forte exposition aux particules fines.

En ce jour, ils revendiquent 200 postiers mobilisés sur 1200. La veille, la Poste annonçait 3,9 % de grévistes, et 2,4% lundi.

Les bureaux de Cenon, Villenave-d’Ornon, Bordeaux-Bastide et Langon sont touchés, indique la direction (les syndicats parlent aussi d’Arcachon, Blanquefort, Bègles, Cestas, Eysines, Pessac, Léonard). Elle ajoute que « La Poste a mis en place des mesures de continuité de service pour pallier à ces perturbations », signalant ce lundi que 1142 tournées (sur 1196) ont pu être assures.

Selon les grévistes, des cadres dits « facteurs d’excellence » viennent quelques fois de La Rochelle ou Pau pour cela.

« Si on suit leur chiffre, ça voudrait dire qu’il y aurait 36 facteurs en grève sur 1200. Vous pensez vraiment que La Poste mettrait en place tout ça juste pour 36 facteurs en grève ? », commente un syndiqué CGT.

Des élus locaux soutiennent le mouvement. Le maire de Villenave-d’Ornon s’est exprimé le 28 mars sur sa page Facebook pour ouvrir la discussion avec la direction et espérer un retour normal de la distribution sur sa commune.

« Mais les prises de position des élus, ils s’en foutent à la direction », s’énerve Willy Dhellemmes qui brandit une photo d’un document interne à la Poste.

Intitulé « Géographie des risques », celui-ci classerait les différentes difficultés répertoriées par l’entreprise. Classée première des « risques majeurs », la « non acceptation des agents » a la probabilité la plus forte et l’impact le plus élevé. En revanche, l’opposition des élus n’arrivent qu’en 9e sur 13 occurrences n’étant qu’un « risque à surveiller ».

Fête et soirée jeux

Les syndicats donnent rendez-vous le 12 avril. Si rien est arrangé, ils promettent alors de fêter un mois complet de grève. Samedi, Sud PTT a organisé une soirée jeux au Comité d’entreprise de Ford Blanquefort au profit de la caisse de grève des postiers.

« Après 13 ans à la Poste, je touche 1300 euros nets, explique Johnny Perré de la CGT. Je ne fais pas ce mouvement pour gagner un centime mais pour la survie de mon métier. Et faut leur dire à la direction, maintenant ça fait presque un mois qu’on lutte, on ne lâchera plus rien, c’est trop tard. »


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