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Après l’incendie, le bidonville des Sahraouis vers la fermeture définitive

Mardi aux alentours de 22h, un incendie s’est déclaré dans le camp des Sahraouis quai Deschamps à Bordeaux, sans faire de victime. Cinq cabanes auraient pris feu avant que les quelques 130 migrants soient évacués. L’État et la mairie de Bordeaux sont déterminés à éradiquer le bidonville.

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Après l’incendie, le bidonville des Sahraouis vers la fermeture définitive

10h50. L’air commence enfin à se réchauffer après une nuit très fraîche – autour de 3° C. Plus de 130 sahraouis ont dormi « à la belle étoile » sur les quais après que leur bidonville ait pris feu. Seules quatre femmes ont accepté de dormir dans le gymnase Thiers, ouvert en urgence après ce sinistre dont l’origine reste inconnue.

Toute la matinée, une vingtaine de policiers ont noté les noms et vérifié les papiers des occupants. Mais pour Michan, un demandeur d’asile, la procédure est inutile.

« Ils viennent, chaque semaine, pour prendre nos noms et connaître notre situation. Ils savent très bien qui nous sommes. Je ne comprends pas ce qu’ils font. »

En attendant, les lieux sont fermés à tous, « compte tenu de la dangerosité du site », selon la préfecture. Impossible, donc, d’aller récupérer vêtements ou papiers.

« En 2017, c’était déjà comme ça. Il y avait eu un incendie, le camp avait été fermé pendant 2 semaines. Cette année-là, rien n’avait été détruit. Je ne sais pas comment ça va finir cette année », explique Michan.

Cri dans le vide

Les Sahraouis errent dans le parc aux Angéliques, quai Deschamps. Cigarette aux lèvres, ils guettent un mouvement, un mot des policiers. Mais rien ne vient. La préfecture assure cependant de la mobilisation de ses équipes qui devraient rendre un rapport d’expertise sur l’incendie ainsi que les potentielles solutions d’hébergement.

Pour les associations, cet incendie est la preuve même de leur cri dans le vide. Entre deux conférences de presse, DAL 33, La Cimade, Médecins du Monde, la Ligue des Droits de l’Homme ou encore le Collectif pour les Sahraouis, envoyaient une lettre à la préfecture, la mairie et le département pour trouver des solutions à leur situation inextricable. Seul le département a répondu.

A la mairie de Bordeaux, Alexandra Siarri, adjointe au maire chargée de la cohésion sociale et territoriale regrette le « manque cruel » d’information.

« On n’a aucun renseignement pour leur prise en charge. Combien sont-ils ? Quels sont leurs statuts ? Ce qu’ils font et ce dont ils ont besoin ?On ne sait rien. »

Vers la « fermeture définitive des lieux »

En attendant, la mairie de Bordeaux affirme sa volonté d’éradiquer le bidonville, comme l’a indiqué Alain Juppé lors de sa conférence de presse préliminaire au conseil municipal, ce mercredi :

« Les bâtiments occupés sont dangereux et Euratlantique prévoit d’aménager cette parcelle. Nous avons donc souhaité que l’État l’évacue, ce qui a été fait. Une réunion à la préfecture doit permettre de trouver des solutions permettant à ces personnes de recevoir un hébergement digne, ce qui n’était pas le cas dans ce squat. »

Confirmation de la préfecture parvenue dans un communiqué en fin de journée :

« La mairie de Bordeaux a lancé dès ce matin une expertise pour évaluer les risques, notamment d’effondrement des murs. Cette expertise pourrait conduire à la fermeture définitive des lieux. »

En parallèle, la mairie et la préfecture s’emploient « à trouver des solutions afin de permettre aux personnes d’avoir accès à leurs affaires personnelles ».

Distribution d’eau, thé et nourriture (JC/Rue89 Bordeaux)

Mobilisation citoyenne

Un sac de course dans une main, un thermos fumant dans l’autre, Line, une bénévole de la Croix Rouge Saint-Loubès atterrée par la situation, distribue sur place boissons et nourriture. C’est elle qui a négocié avec les forces de l’ordre que les Sahraouis puissent entrer deux par deux dans le camp pour récupérer leurs affaires. Ils ont également un accès à l’eau, « un droit inaliénable » rappelle-t-elle.

Face à l’attroupement aux portes de l’entrepôt, Ali tente de récupérer au plus vite vêtements et objets personnels. Il reste perplexe.

« Si on prend tout, ils vont pouvoir tout détruire. Ils l’ont déjà fait ailleurs [à Mériadeck, NDLR]. On n’a aucune information, aucune solution pour dormir. L’État français demande à ce qu’on s’intègre. Mais sans foyer, on ne peut pas s’intégrer vraiment ! Les hommes dorment sur des palettes, ça n’est pas possible. »

Les associations s’agacent et répètent à qui veut l’entendre qu’elles ne peuvent pas tout faire.

Les policiers font entrer deux à deux les sahraouis pour qu’ils prennent leurs affaires (JC/Rue89 Bordeaux)

En attendant les solutions individuelles

« Ce qu’il faut c’est une vraie mobilisation des citoyens, ajoute Line. Qu’ils viennent, comme moi, donner à manger, à boire, qu’ils proposent des logements. »

La bénévole invite une femme à dormir chez elle le temps d’une nuit en attendant les décisions des collectivités. De son côté, Morgan Garcia, de Médecin du Monde dénonce :

« C’est du ressort de la préfecture d’assurer un hébergement aux demandeurs d’asile. Ce n’est ni à nous, ni aux citoyens. Évidemment, on vient prêter main forte. Mais il ne faut pas que la préfecture se dédouane de ses responsabilités. »

Plus loin, un homme prend Michan à part. Les joues encore humides, il explique qu’il n’a pas ses papiers et que les policiers vont l’emmener au poste. Assis à même le sol, des femmes et des hommes attendent.

La ville de Bordeaux et la Préfecture ont décidé de « prolonger l’ouverture provisoire du gymnase Thiers pour permettre à toutes les personnes évacuées, de passer les nuits à venir à l’abri en attendant l’examen de leur situation individuelle et la mise en place d’autres solutions d’hébergement ou de logement ».

Des solutions individuelles seront ensuite proposées aux Sahraouis, entre centres d’accueil, hébergements d’urgence et logements pour les réfugiés.


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